Ce film est un véritable cours politique sur les exactions, l’idéologie, les méthodes des fascistes, à partir du procès intenté à Aube Dorée, organisation néonazie grecque.
Thomas Iacobi et Angélique Kourounis enquêtent sur le parti grec néo-nazi Aube Dorée et l’assassinat du rappeur grec antifasciste Pavlos Fyssas en 2013. Leur premier documentaire, Aube Dorée, une affaire personnelle, visait à comprendre son fonctionnement. Avec Aube Dorée, l’affaire de tous, ils décrivent les mobilisations, le procès et la condamnation de ses dirigeants et du parti comme organisation criminelle en octobre 2020. Projeté dans le cadre du 16e festival de films européens de Paris, le film est construit sur l’action persévérante de la mère de Pavlos pour faire condamner Aube Dorée et le déroulement du procès.
Il montre à la fois la mobilisation populaire massive, indispensable pour combattre le fascisme, qui a fortement contribué à la lutte juridique et obtenir la condamnation du parti et de ses dirigeants.
Il fait voir les ressorts sur lesquels s’appuie toute organisation nazie : culte du chef, obéissance inconditionnelle à celui-ci et violence institutionnalisée ; culte de la tradition et refus de la modernité (des Lumières) ; abnégation totale à l’organisation avec le culte de la mort… le slogan que hurlent les adhérents dans leurs manifestations et rassemblements : « Sang – Honneur – Aube dorée » traduit bien ces cultes ; une propagande mensongère sans contestation possible, assénée par la violence et en attribuant la responsabilité au peuple; une très forte manipulation pour que celui-ci accepte, voire réclame son aliénation ; besoin d’un ou plusieurs ennemis à détruire avec des obsessions, les immigrés, les syndicalistes, les militants de gauche ; un sexisme et un machisme virulent ; un antiparlementarisme exacerbé (« Nous ne sommes pas à l’aise dans ce parlement », disent-ils quand ils sont élus députés) ; le délire de persécution et le sentiment permanent d’humiliation qui se transforme en soif de vengeance.
Le film montre le courage et la persévérance de la mère de Pavlos pour faire condamner le parti politique comme organisation criminel, et pas seulement les individus ayant participé au meurtre. Les plaidoiries des avocats de la partie civile en s’appuyant sur l’histoire sont à ce titre remarquables : référence au procès des nazis en 1931 et à l’avocat de la partie civile Hans Listten qui réclamait la condamnation du parti nazi, n’a pas été suivi par le tribunal et a été le premier arrêté par Hitler quand il a accédé au pouvoir, puis qui est mort en camp de concentration ; référence à l’assassinat du député de gauche Lambrakis qui a précédé le coup d’État et la dictature des militaires en Grèce en 1967.
Il montre aussi la complicité des forces de police présentes sur le lieu du crime au moment de son accomplissement, ainsi que la complaisance de la presse mainstream pour l’idéologie nazie.
Deux heures d’éducation politique, avec une très bonne qualité technique. Un film à voir absolument.