Sorti sur Netflix fin 2021, le film Don’t Look up du réalisateur Adam Mckay interroge avec acuité l’incapacité de nos sociétés à faire face au défi du changement climatique.
Une production super efficace…
Long de plus de deux heures, Don’t Look Up est un film catastrophe avec un rythme et des rebondissements inhérents au genre. On y suit le combat de deux scientifiques, le professeur Randall (incarné par Leonardo DiCaprio) et sa doctorante Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence) – qui a découvert qu’une comète de plusieurs kilomètres de diamètre heurtera la Terre d’ici six mois – pour alerter le gouvernement puis l’opinion publique de cette menace destructrice pour la planète. À l’instar des travers de nos sociétés, ils font face à une classe politique corrompue, avec au premier rang la présidente des États-Unis jouée de manière magistrale par Meryl Streep et à des médias qui répugnent à traiter des mauvaises nouvelles. Peu habitués au monde de la communication, les deux scientifiques s’évertuent à crier leur vérité face à un public de sourds, ce qui donne lieu à des scènes très cocasses avec les deux présentateurs d’une chaîne d’information en continu (Tyler Perry et la presque méconnaissable Cate Blanchett).
Avec ce casting en or – complété par deux coqueluches de la jeunesse : la chanteuse Ariana Grande et l’acteur Timothée Chalamet – ce film à gros budget avait tous les atouts pour toucher un large public et le succès est au rendez-vous : en quelques semaines, le film est déjà devenu le troisième long-métrage original Netflix le plus vu sur la plate-forme. Si on peut regretter la sortie de ce film sur Netflix (qui n’est pas à une contradiction près puisque la vidéo à la demande est très polluante), il faut se réjouir que par ce biais le film ait pu être visionné par des millions de personnes. Mais comme dans toute grosse production américaine, les ficelles sont un peu trop voyantes parfois et surtout, le ton de film hésite entre la comédie, la satire pure et la dénonciation beaucoup plus sérieuse, dans un équilibre souvent bancal. Son réalisateur, Adam McKay, s’est spécialisé dans la comédie et au sein de sa filmographie, on peut conseiller The Big Short. Le casse du siècle (sorti en 2015), film qui avait pour sujet la crise des subprimes et à notre avis bien plus drôle, car Don’t Look Up suscite plutôt un sourire grinçant qu’un franc éclat de rire tant il s’avère réaliste.
…qui pointe des sujets essentiels
La métaphore est en effet filée avec beaucoup de brio et de justesse, avec certains éléments tout à fait à propos, en particulier le personnage de génie de la tech, mélange de Bill Gates, Elon Musk et Steve Jobs. Plus gros donateur de la campagne et donc très proche de la présidente, ce dernier a l’idée d’exploiter les métaux rares présents dans la comète avec une technologie pas encore opérationnelle, faisant miroiter le gisement d’emplois que cela représenterait. Cet arc narratif pointe un danger extrêmement actuel : le techo-solutionnisme ou comment les grandes sociétés essaient de faire croire que la technologie peut résoudre le changement climatique (comme le stockage de carbone) pour éviter de remettre en cause leurs mauvaises pratiques. Ceci est un exemple des très bonnes trouvailles scénaristiques du film (dans un genre plus comique, on peut citer le concert géant de charité avec la star de la pop ralliée à bonne cause dont la chanson prône de « regarder le ciel » face à ceux qui sont dans le déni de l’existence de la comète) qui offre un bon panorama des maux de notre société. Dans les propos de plusieurs scientifiques ou activistes du climat qui se sont exprimés à la suite du visionnage du film se lisait un certain soulagement d’avoir enfin à disposition un produit culturel de masse qui expliquait leur désarroi et les obstacles auxquels ils font face.
Plus qu’un film à succès, Don’t Look Up est en train de devenir un phénomène de société permettant de remettre sur la table le problème du changement climatique à un moment crucial, notamment en France où pour l’instant la campagne présidentielle a accordé bien trop peu de place à ces problématiques. Il est même étonnant qu’un film avec ce parti pris – une fin qu’on ne divulgâchera pas ici – rencontre un tel écho, alors que depuis des années la stratégie alarmiste portée par des documentaires ou films écologiste semblait échouer (d’où à l’inverse le succès du documentaire Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent sur l’écologie vue par le prisme des solutions). Mais la catastrophe se faisant chaque jour plus visible – rappelons que 2021 s’est classée au sixième rang des années les plus chaudes – sans doute l’heure n’est elle désormais plus à l’optimisme, mais à « l’organisation du pessimisme » (selon la formule de Walter Benjamin), et cela commence par accepter de regarder nos maux en face.