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L’abolition des privilèges

On l’a appris en général dans les manuels scolaires, cette date. Le 20 juin, c’est le serment du Jeu de paume, le 14 juillet la prise de la Bastille et le 4 août survient l’abolition des privilèges. Comme si, une fois la machine révolutionnaire lancée, l’événement était inévitable. Mais comment cela se passe concrètement, la fin d’un régime millénaire injuste ?

C’est la question que s’est posée le romancier Bertrand Guillot qui a décidé de retracer précisément le déroulé de cette nuit du 4 août 1789 en se plongeant dans les archives de l’époque (journaux des protagonistes, correspondance, presse). Son roman, sorti il y a deux ans, nous paraît intéressant à lire dans ces temps où notre regard est tourné vers l’Assemblée nationale comme en 1789 vers cette assemblée qui hésite encore sur son nom (l’abbé Sieyès proposera dans sa motion « Assemblée des représentants connus et vérifiés de la nation française »(1)Lire à ce sujet l’échange entre Sieyès et Mirabeau : https://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/histoire/grands-discours-parlementaires/sieyes-mirabeau-et-bergasse-15-17-juin-1789.).

Les vieux mondes mettent longtemps à mourir. Mais quand vient la fin, ils meurent vite. 

La première partie du roman campe le décor et déroule donc, heure par heure, cette nuit du 4 août où les privilèges ont été abolis. Elle ravira les amateurs de la vie politique, mettant au jour les forces en présence, les personnages les plus importants et les tactiques déployées par chacun pour arriver à leurs fins. Sans être exhaustif, l’auteur donne suffisamment d’éléments pour que l’on puisse comprendre le profil et les enjeux de chaque partie et veille à remettre la discussion dans le contexte de l’époque : un royaume en crise dont le coût de la dette devient difficilement supportable. Il rappelle aussi que cette fin des privilèges concerne aussi ceux – on y pense moins – des différentes provinces, conduisant de facto vers une harmonisation des différentes régions et une centralisation accrue du pays.

Une bonne manière de vulgariser cette période dense

Découpé en courts chapitres, le roman avance de façon dynamique et ne se perd pas dans les détails, rendant la lecture relativement facile et agréable, malgré un sujet qui peut sembler aride au départ. Dans les deux tiers suivants du roman, l’auteur revient en arrière pour retracer l’histoire des États généraux qui a conduit à la naissance de cette Assemblée nationale. Il montre comment peu à peu, la situation se tend, chaque parti se crispant sur ces positions, pour que finalement des décisions radicales soient prises. Là encore, il est très intéressant de suivre l’évolution des différentes franges des représentants et ce que provoquent les prises de positions des uns et des autres. Si le risque de l’anachronisme guette celui qui s’aventure vers les siècles passés, Bertrand Guillot a pris la précaution de prendre les conseils d’historiens spécialisés et signale distinctement ses interventions, ses réflexions. Avec ce survol, on replonge dans la Révolution de manière ludique, avec des interventions de l’auteur qui dressent des parallèles pertinents entre cette fin du XVIIIe et notre début mouvementé du XXIe siècle…

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