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Film Louise Violet

1889, soit dans la décennie au cours de laquelle furent votées les lois scolaires Ferry-Goblet, envoyée dans un village de la campagne française, l’institutrice Louise Violet doit y faire accepter l’école de la République (gratuite, obligatoire et laïque). Il a fallu de la force de conviction pour faire accepter l’école publique, gratuite et laïque par une population réticente au départ. Cela montre la force de la toute jeune 3e République pour contrer la toute-puissance de l’Eglise catholique sur les esprits et parvenir à l’émancipation d’une partie grandissante du peuple français.

 

L’école laïque fut l’étape indispensable pour parvenir à la loi du 9 décembre 1905, dite de séparation des Eglises et de l’Etat. Ce n’est pas sans rappeler que notre République, qui arbore fièrement son socle indivisible, démocratique, laïque et social, doit également, de nos jours, dans certaines zones, affronter les courants de pensée obscurantistes, dogmatiques pour que vive le triptyque républicain : LIBERTE, EGALTE, FRATERNITE.

En notre actualité qui a tendance à dénigrer l’école publique, à dénoncer ses faiblesses sans condamner les coupes budgétaires successives qui en sont la cause, ce film est bienvenu pour rappeler l’immense progrès pour l’humanité qu’a été l’instauration de l’école publique, gratuite et laïque.

Au début du film, nous voyons Louise Violet de face en entretien avec un inspecteur qui n’a pas encore intégré que des femmes puissent enseigner et qui lui fait comprendre qu’elle a de la chance que la République la nomme à un poste, même reculé, vu son passé. Ce passé sera dévoilé par la suite(1)Deux lois d’amnistie sont votées. La première est promulguée le 3 mars 1879 et ne concerne que les personnes déjà graciées ou qui obtiennent une grâce présidentielle dans les trois mois. Cette loi laisse hors du bénéfice de l’amnistie un petit millier de personnes encore en exil ou en déportation. C’est pour cette raison qu’une deuxième loi vient la compléter le 11 juillet 1880. Cette seconde loi n’est d’ailleurs pas non plus une amnistie générale, signe, s’il en faut un, que la question reste sensible et qu’il faut passer par des artifices juridiques pour faire entrer la clémence dans les faits. La loi ne prévoit qu’une grâce amnistiante..Clairement, l’inspecteur espère que cette nomination la découragera et la poussera à la démission. L’institutrice, quand elle rejoint son poste, doit affronter l’incompréhension, les a priori, l’animosité des habitants des campagnes reculées. Louise Violet doit faire face à plusieurs obstacles.

De l’utilité de l’instruction

En premier lieu, le sentiment des parents est que l’école est inutile et les savoirs qu’elle transmet ne servent à rien dans leur travail de paysan. Le second est le risque d’une remise en cause de l’autorité patriarcale quand les garçons et les filles en sauront plus que leurs parents et la crainte que leurs enfants ne reprendront pas l’exploitation familiale pour explorer d’autres horizons. Le troisième est que l’enseignant est une femme qui informe qu’elle a suivi les cours de l’Ecole normale d’Institutrice. Elle se voit rétorquer qu’une école qui forme des femmes n’a rien de normale.

Son passé de communarde

Le quatrième, et non des moindres, est que le facteur, qui lit les lettres qu’elle envoie à ses anciens camarades communards en prison, divulgue, sans penser à mal, qu’elle a été communarde et envoyée au bagne. Fière, elle affirme courageusement ses convictions de « partageuse » qui rencontrent une hostilité pour des paysans qui ont à cœur de défendre leur propriété. Elle prend soin de préciser que son rôle n’est pas de transmettre ses idées révolutionnaires aux élèves ; son rôle est de les instruire pour leur permettre d’effectuer leurs propres choix, de faire connaître la France et de la faire aimer. Ce n’est pas gagné à une époque où celui qui est originaire du canton voisin est considéré comme un étranger qui ne devrait pas avoir droit au chapitre. Alors, une institutrice envoyée au fin fond de la campagne, parisienne de surcroît !

De plus, la Commune insurrectionnelle, sociale et patriotique face à l’envahisseur prussien n’a pas bonne presse dans les campagnes où elle est considérée, dixit le curé dans le film, comme sanglante. Louise Violet rétablit un certain équilibre dans l’interprétation des faits. Les Communards n’ont fait que se défendre, défendre leur espoir de justice. Elle raconte comme elle a vu son logis incendié par les soldats versaillais avec son mari et ses enfants enfermés à l’intérieur(2)La Semaine sanglante, du dimanche 21 au dimanche suivant 28 mai 1871, désigne la période la plus meurtrière de la guerre civile de 1871, qui a fait plusieurs milliers de morts et de fusillés du côté des communards.. Elle évoque son séjour au bagne où elle a été émerveillée par l’envie des enfants de s’instruire, ce qui a suscité une vocation en elle. Nous pouvons supposer qu’il s’agit de la Nouvelle-Calédonie et c’est, peut-être, un clin d’œil du réalisateur à la vie de Louise Michel. Dans son entretien avec le curé, il apparaît que ce dernier éprouve des doutes et qu’il ne fait pas comme d’autres qui refusent la communion aux enfants qui fréquentent l’école publique.

Les lois scolaires ne sont rien si la société ne les soutient pas

La fin, après de nombreuses péripéties, avec des hauts et des bas, est heureuse pour elle, pour l’école et pour la République et nous constatons que les habitants finissent par accepter et l’institutrice et l’école publique. Au début, nous voyons Louise Violet dans une grange servant de salle de classe, seule et sans élèves : en effet, à la campagne, la loi sur le travail des enfants n’est pas mise en œuvre et ces derniers sont au travail dans les champs. Leur condition de vie peut être apparentée à du servage et l’école n’est qu’une perte de temps pour les parents. A la fin, l’école est fréquentée par tous les enfants du village. De plus, le maire convainc le Conseil municipal de construire une école avant même de construire un bâtiment pour la Mairie.

Combat social, combat laïque : même combat

Ce film nous montre les difficultés pour que l’école publique, gratuite et laïque soit admise par l’ensemble de la population. Cela devrait nous inviter à poursuivre le combat pour l’école publique, pour qu’elle dispose des moyens humains et matériels pour remplir ses missions :

 

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Deux lois d’amnistie sont votées. La première est promulguée le 3 mars 1879 et ne concerne que les personnes déjà graciées ou qui obtiennent une grâce présidentielle dans les trois mois. Cette loi laisse hors du bénéfice de l’amnistie un petit millier de personnes encore en exil ou en déportation. C’est pour cette raison qu’une deuxième loi vient la compléter le 11 juillet 1880. Cette seconde loi n’est d’ailleurs pas non plus une amnistie générale, signe, s’il en faut un, que la question reste sensible et qu’il faut passer par des artifices juridiques pour faire entrer la clémence dans les faits. La loi ne prévoit qu’une grâce amnistiante.
2 La Semaine sanglante, du dimanche 21 au dimanche suivant 28 mai 1871, désigne la période la plus meurtrière de la guerre civile de 1871, qui a fait plusieurs milliers de morts et de fusillés du côté des communards.
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