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La guerre en Ukraine et le « réveil des monstres »

Statue de la Mère-Patrie, située au sommet du Musée de l'histoire de l'Ukraine dans la Seconde Guerre mondiale, AlexanderVovck, CC BY-SA 4.0

Le 14 février dernier, Bernard Teper, membre de notre rédaction, notre ami André Bellon et l’historien Samuel Tomei, ont signé un article dans la Revue Politique (https://www.revuepolitique.fr/la-bataille-est-aussi-morale/). L’introduction disait ceci : « À Auschwitz, l’Occident a perdu une bataille morale. Commémorer la libération du camp d’Auschwitz était évidemment nécessaire. Mais, en refusant d’y inviter la Russie qui en avait été le libérateur, les Occidentaux ont changé la nature de l’événement. ». Notre journal ReSPUBLICA est sur la même position, la guerre en Ukraine est en passe de provoquer dans chaque camp une réécriture partisane des crimes de la Deuxième guerre mondiale, et plus généralement de l’histoire du continent.

Il y a un an, le 24 février 2022, la Russie envahissait l’Ukraine. Poutine citait comme premier objectif de cette « opération spéciale », la « dénazification » de ce pays. La propagande russe battait son plein : elle mettait en exergue, en les surestimant à dessein, les néo-nazis qui étaient réellement présents dans la division ukrainienne Azov. La ficelle était un peu grosse et le camp occidental autour de l’OTAN a dénoncé à juste titre ce confusionnisme historique et ces amalgames pour justifier l’agression de l’armée russe contre un pays indépendant.

Le grave problème, c’est que le camp occidental ne réagit pas à l’entreprise de révision de l’histoire et même de négationnisme de la Shoah pratiquée par le gouvernement ukrainien.

Le grave problème, c’est que le camp occidental ne réagit pas à l’entreprise de révision de l’histoire et même de négationnisme de la Shoah pratiquée par le gouvernement ukrainien. Et dans ce domaine « qui ne dit mot, consent », alors même que les « conseillers en communication » occidentaux chaperonnent au quotidien les informations diffusées par Zelensky et son gouvernement. Certainement pour ne pas « désespérer le peuple ukrainien » et le mobiliser à outrance, les États-Unis et leurs alliés passent en « pertes et profits » la vénération, voire l’adulation, des trois soi-disant « héros nationaux fédérateurs » par Kyiv : Bogdan Khmelnitski, Simon Petlioura et Stepan Bandera. Ces trois personnages sont commémorés, statufiés et les principales avenues des villes ukrainiennes portent maintenant leurs noms. La principale avenue de la capitale, celle qu’empruntent les convois officiels des dirigeants occidentaux en visite en Ukraine, porte désormais le nom de Bandera. Or, qui sont ces trois « héros » ?

D’abord Bogdan Khmelnitski, le « père de la nation » (1596-1657), était un prince cosaque qui se souleva contre la Pologne et la Lituanie. Monstrueux massacreur de Polonais (autour de 70 000 morts), il extermina une bonne partie des juifs d’Ukraine. Le nombre des victimes est difficile à évaluer. Les historiens situent les pertes humaines juives entre 100 000 et 500 000 morts. Soit le plus grand massacre du peuple juif avant la Shoah.

Ensuite, Simon Petlioura : celui-ci commandait l’armée populaire ukrainienne pendant la guerre civile entre 1918 et fin 1920. Ses troupes furent responsables de centaines de pogroms. Réfugié à Paris, il fut exécuté par le poète anarchiste Schwartzbard en 1926. Ce dernier fut d’ailleurs acquitté par la Cour d’assises, soutenu par toute la gauche française. L’association pour la défense de Schwartzbard donna naissance à la Ligue internationale contre l’antisémitisme (LICA, devenue aujourd’hui LICRA).

Et enfin Stépan Bandera : c’est d’abord un militant fasciste et raciste dans les années trente où son organisation assassina nombre de responsables polonais. Dès 1933, les archives montrent qu’il est un agent allemand, manipulé par la SS. À partir d’août 1941, les bandéristes massacrèrent des dizaines de milliers de Polonais et devinrent les exécutants locaux de la « solution finale ». Car, pour les tueries de masse de Lviv, de Babi Yar près de Kiev, ou d’ailleurs, les Allemands n’étaient que quelques centaines pour organiser et commander les tueurs ukrainiens.

Aujourd’hui, les nationalistes en Ukraine prétendent que Bandera était indépendant des nazis, du seul fait qu’ils l’ont arrêté en 1943. Ils oublient volontairement sa libération par les nazis en 1944 pour contrer l’avance soviétique. Les troupes banderistes en débandade se livrèrent encore une fois à des atrocités que nous ne décrirons pas ici, tant leurs barbaries furent infernales.

Aujourd’hui, le drapeau bandériste rouge et noir flotte sur tous les fronts de la bataille en Ukraine. En janvier dernier, le 114e anniversaire de la naissance de Bandera donna lieu à des commémorations dans toutes les villes d’Ukraine. Le chef d’état-major de l’armée ukrainienne, signalons au passage qu’il est bien plus populaire que Zelensky, fit même un « selfie » avec la photo du collaborateur de la SS.

Avec la continuation de la guerre et son élargissement, les silences occidentaux valant approbation, vont-ils se poursuivre, voire s’élargir ? Nul ne le sait. La France, dont l’armée attend l’arme au pied en Roumanie, va-t-elle accepter demain la réécriture, déjà en cours depuis plusieurs années, de l’histoire roumaine pendant la Deuxième Guerre mondiale ? Il serait bien commode d’oublier que le plus grand massacre de la Shoah « à ciel ouvert » a été perpétré, non pas par les Allemands, mais par l’armée roumaine à Odessa en octobre 1941.

Bref, comment en temps de guerre en Europe, peut-on aujourd’hui encore rendre hommage et instruire les nouvelles générations sur les crimes des nazis et de leurs supplétifs, alors même que les États démocratiques font silence devant les réécritures de l’histoire ? En fait, cette lâche démission est parfaitement contre-productive. Au prétexte de soutenir « malgré tout » l’Ukraine, elle donne des munitions idéologiques à Poutine. Le « réveil des monstres » sert sa propagande pseudo « patriotique ». Ainsi il peut cyniquement utiliser cette glorification des collaborateurs nazis par Kyiv pour mobiliser son peuple et faire admettre la conscription de centaines de milliers de Russes. Plus qu’une faute, c’est une erreur… et c’est une catastrophe morale.

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