Depuis 2014, se déroule le cycle des commémorations nationales et internationales du centenaire de la Première Guerre mondiale.
En 2018, que va-t-on célébrer le 11 novembre prochain?
Au niveau des manifestations officielles, selon Marianne, « Cinq jours de déplacement dans le Grand Est et les Hauts-de-France, au travers de 11 départements, ripolinés en « itinérance mémorielle et territoriale », c’est plus chic, dans les pas des combattants de la Première Guerre mondiale. « À la rencontre de nos ancêtres les poilus », résume-t-on à l’Élysée. Avec images fortes garanties, comme le passage aux Éparges, petite commune de la Meuse, théâtre de l’une des luttes les plus meurtrières de la Grande Guerre, ou la cérémonie dans la clairière de l’Armistice à Compiègne en compagnie d’Angela MERKEL, rencontre que le Château compare déjà à celle de MITTERRAND-KOHL à Verdun en 1984. Avant le point d’orgue du centenaire, une cérémonie le 11 novembre à Paris, sous l’Arc de triomphe, en présence de nombreux chefs d’Etat étrangers, dont Donald TRUMP et Vladimir POUTINE ».
«Le sens de cette commémoration, ce n’est pas de célébrer la victoire de 1918», dit-on rue du Faubourg-Saint-Honoré.
Mais, surtout, à en croire l’Élysée, cela irait à l’encontre de l’idée que la France contemporaine se ferait de la Grande Guerre : non pas une grande victoire, mais une «grande hécatombe».
Voilà qui est dit, à la fois de manière claire et désolante. L’hécatombe, sous le poids des chiffres et de tous les morts des deux côtés, gommerait ainsi le rappel des responsabilités et estomperait le goût de la célébration de la victoire par le vainqueur…
Le fait d’avoir écarté une célébration «trop militaire», nous dit-on dans les médias, résulterait d’une décision du Président de la République prise en accord avec l’Allemagne, qui sera représentée par la chancelière Angela MERKEL.
Ceci explique la position de certains chroniqueurs ou historiens qui ont regretté que la victoire ne soit pas célébrée par une parade militaire…
Mais il nous semble que ce n’est pas tant la forme de la commémoration prévue qui aujourd’hui doit être mise en cause que son contenu…
Car, au niveau de la forme, le refus d’une parade militaire n’est pas en soi choquant, bien au contraire! On en a bien assez avec la parade militaire du 14 juillet qui célèbre la gloire de nos armées, alors qu’elles ne sont pour rien dans la prise de la Bastille de 1789… Mais c’est vrai que l’habitude fut prise sous la IIIème République depuis la première célébration du 14 juillet…
Avec le défilé militaire du 14 juillet, on oublie ainsi la Révolution de 1789 et la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790 – Fête de la Nation et de l’unité nationale – qui a suivi.
Le problème – avec l’Armistice du 11 novembre 1918 mettant fin à la guerre de 1914-1918 – est de savoir ce que nous célébrons le 11 novembre de chaque année?
Or, depuis de trop nombreuses années, force est de constater que la confusion est totale sur la réponse à cette question, et MACRON n’a pas innové car la liste est longue des Présidents de la République qui l’ont précédé et qui ont régulièrement célébré l’Europe avec leurs homologues allemands… Et Angela MERKEL n’a pas fait davantage pression que les chanceliers allemands qui l’ont précédée pour escamoter la victoire française (voir le couple que forma le chancelier KOHL avec MITTERRAND).
La chancelière allemande est dans son rôle de représentante de son pays et de la défense de son image à travers le monde, même si cela doit impliquer, par rapport à la vérité historique, la nécessité de gommer certaines aspérités belliqueuses et guerrières de son passé…
La responsabilité du choix de la forme de la célébration, en France, de la Victoire de 1918 – et surtout de son contenu – est avant tout française, cela va de soi…
À notre sens, c’est la victoire de la France sur l’Allemagne impérialiste qui doit être célébrée. C’est aussi la victoire d’un peuple – celle du peuple français (car les “poilus” étaient fils du peuple) – et aussi celle de ses alliés.
Certains historiens disent très justement que c’est l’instituteur français (des lois républicaines de Jules Ferry de 1880 et 1881) qui a gagné la guerre de 1914-1918 car il a su, de manière très patriotique, faire aimer la France, terre de liberté, des droits de l’Homme et de la République, à ses élèves qui, ayant eu entre 20 ans et 30 ans en 1914/1918, se trouvèrent sur le front, dans les tranchées boueuses, au moment de l’affrontement.
La victoire de la France scella la défaite de l’Allemagne (contrairement à la fable qu’ont racontée les dirigeants allemands de la République de Weimar d’après-guerre, attitude négatrice qui a servi de tremplin au nazisme). Le sacrifice des soldats appelés de 14-18 fut un acte patriotique filial d’attachement à la France, d’autant plus qu’il se fit dans des conditions horribles, et avec très peu de défections.
Pour construire leur « Europe », ce sont les oligarques qui chantent aujourd’hui « du passé faisons table rase », au mépris de la vérité historique.
Mais l’habitude a été prise de célébrer l’Europe, et Macron est dans la lignée de ses prédécesseurs.
Certes, les successeurs du général de Gaulle à la présidence de la République ont tous été marqués par la réconciliation franco-allemande voulue en 1962 par le Général de GAULLE et le chancelier allemand Konrad ADENAUER. Mais cette réconciliation s’expliquait, en partie au moins, par le climat de « guerre froide » de la période, avec l’emprise américaine excessive sur l’Allemagne (pour ne pas parler de tutelle) et, en face des deux blocs, le pragmatisme du général de Gaulle qui souhaitait arrimer l’Allemagne au reste du continent européen. C’est dire que malgré son bien-fondé historique, une telle réconciliation ne saurait continuer à se développer en sacrifiant la vérité historique lors de commémorations officielles nationales, et cela d’autant plus qu’il n’y a plus de « menace soviétique » planant aujourd’hui sur l’Europe (si tant est d’ailleurs qu’elle ait jamais existé) et que la recherche d’une troisième voie entre capitalisme et communisme a été totalement abandonnée par la droite conservatrice dite « gaulliste » à l’avènement du président POMPIDOU et définitivement enterrée par ses successeurs « néo-gaullistes ».
La victoire de la France et de ses alliés sur l’Allemagne lors de la Grande Guerre de 14-18 est un fait historique, de même que les responsabilités de l’Allemagne impérialiste dans le déclenchement du premier conflit mondial.
Alors, de deux choses, l’une : ou l’on commémore ou l’on ne commémore pas, c’est un choix, car l’on n’est pas obligé de le faire si l’on veut tout oublier au nom de la priorité de la construction européenne qui doit gommer le passé des nations.
Mais si l’on se souvient que l’on est une Nation souveraine, c’est-à-dire libre et indépendante, avec son histoire, au choix d’une commémoration s’attache le devoir moral de vérité dû d’bord aux générations qui se sacrifièrent en 14-18, ensuite à celles à venir.