Après l’attentat de Marrakech, des centaines de personnes de toutes nationalités et de toutes religions ont déposé des bougies et des fleurs blanches à la Place Jamâa El-Fna. S’il faut attendre la revendication pour savoir si Al-Qaïda au Maghreb (Aqmi) signe l’attentat, tout dans la méthode rappelle les attentats de Paris et de Londres. Selon les expertises des polices scientifiques dépêchées sur place par plusieurs pays, la bombe était composée de nitrate d’ammonium et d’explosifs TATP, ainsi que de clous, et l’explosion a été déclenchée à distance. Un infirmier du service des urgences d’un hôpital de Marrakech a pu me confirmer la nature des blessures et entendre les blessés décrire l’attentat. Il ne s’agit donc ni d’un accident dû au gaz, ni d’un kamikaze, l’auteur ayant déposé deux bagages à sa table de café où il avait commandé une consommation, avant de repartir. La vie a repris son cours habituel Place Jamâa El-Fna et dans la Médina. Ici, la paranoïa n’a pas pris. Dès le lendemain de l’attentat des milliers de marocains et de touristes européens continuaient à arpenter les souks de Marrakech.
Un phénomène réactionnaire
Le terrorisme islamiste est un phénomène réactionnaire qui voudrait endiguer une irréversible libération engagée. Ce radicalisme se met à dos les populations musulmanes et fait « honte » aux musulmans, cela se nomme ici « la chouma ». Les jeunes marocains, désertant en majorité les mosquées depuis plusieurs années ne s’y trompent pas et veulent davantage de liberté et de tolérance. A cette tentative de déstabilisation du tourisme au Maroc, les citoyens répondent par des pancartes « Touche pas à mon pays ! ». Habitant Marrakech, les voisins et commerçants m’interpellent : « Ce n’est pas ça l’Islam », « Dis à tes amis Bienvenue au Maroc »… Et les musulmans pratiquants sont choqués : « Comment décider de la vie d’un autre au nom de Dieu ? », «Comment un islamiste aurait-il le droit de tuer d’autres frères musulmans ? ». La différence se fait chaque jour plus claire entre les « musulmans « (croyants) et les « islamistes » (extrémistes). On estime qu’une poche d’une centaine de terroristes de l’AQMI (Al Quaïda Maghreb ) se cache encore en circulant entre les frontières : Mali, Niger, Mauritanie, Sud de l’Algérie et du Maroc. Ils sont connus et traqués de toutes parts. S’ils peuvent passer les mailles du filet, ils sont désormais arrêtés pour la plupart au moment de la préparation de leurs attentats. Après l’attentat de 2003 à Casablanca, en 2007 un attentat avait été déjoué. Trois suspects islamistes viennent d’être arrêtés en Allemagne et se préparaient à procéder de façon identique qu’à Marrakech. Ces terroristes connaîtront le sort de ceux de l’ETA, de l’IRA ou des Brigades rouges. Leur combat est perdu d’avance.
Un risque infime pour les touristes
Restons mesurés : le risque d’être touché par un attentat au Maroc est de 0,01 sur 1 million ! Objectivement, le risque est infime. Le pays reçoit depuis dix ans 7 à 8 millions de touristes chaque année. Des dizaines d’européens sont tués chaque année sur les routes marocaines. Le danger terroriste est partout, dans toutes les capitales, de Paris à Madrid, de New-York à Londres, de Rabat à Tunis … Celui qui se dit capable de prévoir une zone à risque est un imposteur. Se replier sur soi, ne plus sortir ou cesser de voyager, c’est servir les intérêts de la terreur sectaire ou du terrorisme d’Etat. La liberté de conscience de chacun est donc mise à l’épreuve : Suis-je libre ou conditionné par la peur entretenue ? Suis-je capable de distanciation ?
Une manipulation politique
Le terrorisme n’a pas de frontières. Faire croire à la nécessité du flicage des citoyens et des voyageurs est un mensonge à visée électoraliste. Les attentats sont exploités par les conservateurs et les nationalistes de tous pays pour entretenir la peur, la xénophobie et les amalgames. Faut-il rappeler les propos similaires de Bush, Berlusconi, Sarkozy, Bouteflika, Moubarak ou Kadhafi … ? Mais l’ennemi est d’abord chez nous ou en nous, il porte un nom : le sectarisme. Le Front National en France – qui défend les nationalismes de Libye ou d’Algérie par exemple – sait parfaitement cristalliser la peur en mettant bout à bout les conflits internationaux ou les faits divers pour attiser la xénophobie. Et, quitte à vendre son âme, les républicains de tous bords s’alignent en se faisant les défenseurs du sécuritarisme et du protectionnisme. Une fermeture des frontières ne serait d’aucune utilité pour lutter contre le terrorisme, seule une action coordonnée des renseignements des différents pays est efficace. La lutte contre le cancer ne passe pas par les radiations de rayon X tous azimuts de l’ensemble d’une population !
Un processus démocratique irréversible
Dans les pays arabes et plus largement en Afrique le processus démocratique et laïc est irréversible. Les dictatures tombent les unes après les autres, les tyrans et les corrompus sont ou seront arrêtés et jugés. La majorité des pays du Sud aspire au partage du savoir, au partage du pouvoir, au partage de l’avoir. L’islamisme radical va à l’encontre des aspirations à plus de liberté et de justice. Or 60% de la population du Maghreb a moins de 25ans et les mouvements de soulèvements sont une belle leçon de courage ! Les défenseurs des droits de l’homme, les altermondialistes, les ONG et associations récoltent le fruit du travail de fond réalisé ces dernières décennies. Lutter contre le terrorisme commence pour chacun par déclarer être avant tout citoyen du Monde, capable de ne pas céder à la peur.
Puissions-nous contribuer à dire : BIENVENUE au MAROC ! BIENVENUE en FRANCE ou en EUROPE ! BIENVENUE en ALGERIE, en TUNISIE ou ailleurs ! BIENVENUE PARTOUT, LA TERRE est à TOUS ! Et que fleurisse en chacun de nous le nouveau « printemps arabe ».
Marrakech, le 01.05.2011