Citoyens, citoyennes,
Au sujet de l’abstention aux cantonales en 2011, comme toujours, aux observateurs d’expliquer que « tout est si compliqué, vous comprenez : le Japon, la Lybie, il faisait beau dimanche, la télé, les français sont vraiment égoïstes, indifférents, pas assez mobilisés, quelle honte, il nous faudrait un sursaut… » .
Mais à qui faire porter la responsabilité politique de l’abstention massive qui se développe en France, sinon à ceux qui animent le débat et sont aux responsabilités depuis tant d’années ?
Les grands partis et leurs vassaux ont tout mis en œuvre pour phagocyter ou confisquer l’espace politique français. Ils se disputent à présent les restes d’un corps encore chaud : celui d’une République Française mortifiée, martyrisée, dont les valeurs sont foulées au pied par un personnel politique souvent plus préoccupé par une pensée balistique – la carrière – que la pensée politique – le bien commun.
L’une des dernières grandes consultations en France fut un référendum. La Nation a répondu très clairement par la négative à la ratification du traité de Lisbonne, qui dans la continuité du traité de Maastricht, conférait à des personnes non élues (et donc non soumises au contrôle des peuples européens) encore un peu plus le pouvoir de régir la vie, directement ou indirectement, sur le territoire français. Oui à l’Europe, mais à une Europe des nations et des peuples.
Le Président de la République, élu de la Nation, garant de la constitution, a osé bafouer le vote du peuple français en autorisant la ratification de ce traité par la voie parlementaire, décrédibilisant au passage le parlement, complice de cette forfaiture. Renouant avec d’anciennes pratiques, ce décret déguisé a fait de notre Président un Roi, puisque le « fait du Prince » a dès lors prévalu sur le choix du Peuple.
Dans ces conditions, comment s’étonner aujourd’hui de l’indifférence des français pour les élections ? En France depuis plusieurs décennies, maîtres d’un l’appareil républicain docile, des Rois-présidents, entouré de leurs ministres et de conseillers (ceux de l’Elysée), font la pluie et le beau temps, faisant fi des votes, des mouvements sociaux. Diviser pour mieux régner, y compris en fracturant l’unité nationale, y compris en galvaudant des valeurs fondatrices comme la laïcité ; baisser l’impôt, organiser la pauvreté des services publics, y compris pour l’éducation ou la santé, le logement. Privatisation, désindustrialisation, dérégulation. Sous couvert de réformes, l’inégalité s’institutionnalise. La droite « décomplexée » érige la spéculation et la cupidité en fer de lance du développement économique, qui remplace désormais le développement humain. Misère morale, affaires. Pour la gauche « moderne », l’égalité des chances, d’accord, mais sûrement pas l’égalité des droits. Dans ce grand casino planétaire, la France mondialisée rejoint peu à peu le tiers monde. On cherche à comprendre le réel, mais on a perdu de vue l’idéal…
Retour à la barbarie, en somme. Et la République dans tout ça ?
Dans cette médiocrité politique ambiante, où le cynisme en remontre à l’indécence, la bêtise et la vulgarité, lorsque notre société ivre de consommation accepte lâchement de laisser sur le bord de la route toute une frange de sa population, et notamment sa jeunesse, le populisme ne peut que s’épanouir sur le compost du mécontentement populaire. Mais il est vrai nous n’avons que si peu de mémoire…
Face au retour de la menace fasciste et xénophobe, à chaque percée de tel ou tel parti antirépublicain, on en appelle au « Front Républicain » pour maintenir le statuquo politique… Mais si la République est bien un rempart efficace contre la barbarie – et elle peut l’être ! – ses principes doivent être respectés au jour le jour. La politique, la société, la République est ce que nous en faisons. Et ce que nous voulons en faire.
Citoyens, citoyennes, Mesdames, Messieurs les élus : pensez donc à ce que vous devez à la République, avant de penser à ce qu’elle vous doit.
Hervé Batteux