Nous relayons le texte du courrier en cours d’envoi aux parlementaires par le Collectif des associations de défense et de promotion de la langue française et des langues nationales d’Europe :Association Francophonie Avenir (AFRAV), Association pour la Sauvegarde et l’Expansion de la Langue française (ASSELAF), Avenir de la Langue Française (ALF), Cercle littéraire des écrivains cheminots (CLEC), Droit de Comprendre (DDC), COURRIEL, Forum francophone international (FFI-France), Institut Culture, Économie, Géopolitique (ICEG)
Madame, Monsieur le (député/sénateur),
La loi du 4 août 1994 sur la promotion de la langue française, dite loi Toubon, a été votée par le Parlement voici vingt ans. Dans l’esprit de l’article II de la Constitution, qui dispose que « la langue de la République est le français », cette loi définit, dès son premier article, le français comme « un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France » et pose que le français est « la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics ». Elle ajoute, en son article II, que « dans la désignation, l’offre, la présentation, le mode d’emploi ou d’utilisation, la description de l’étendue et des conditions de garantie d’un bien, d’un produit ou d’un service, ainsi que dans les factures et quittances, l’emploi de la langue française est obligatoire. »
Cette loi, qui garantit l’unité du Peuple Français et la vitalité de sa démocratie, s’est révélée précieuse pour le rayonnement de notre langue nationale, qui est aussi celle de la Francophonie internationale. Mais elle est à présent très souvent contournée, voire violée, par ceux que l’on ne peut guère désigner que comme des « délinquants linguistiques ». Prenant prétexte de l’importance de l’anglo-américain dans les affaires économiques, les partisans d’un libre-échangisme européen et mondial sans limite tendent méthodiquement à imposer partout une pensée et une langue uniques. L’ensemble de l’espace de notre pays, et même l’intimité mentale de nos concitoyens (le tristement fameux « temps de cerveau disponible ») sont envahis par des slogans répétitifs en langue étrangère. Des mises en demeure sans cesse répétées enjoignent aux Français d’abandonner leur langue. Si elle se produisait, cette évolution serait mortelle pour l’avenir de la diversité culturelle et de la civilisation.
Malgré les effets positifs de la loi, il y a donc lieu plus que jamais de s’alarmer de l’avenir de notre langue. Il suffit d’allumer son téléviseur aux heures de grande écoute (pardon, de « prime time » !), pour constater que les publicités et les messages en anglo-américain dominent outrageusement, et que nombre de nouveaux chanteurs français chantent – ou s’imaginent chanter – en anglais. Il suffit de parcourir une rue pour constater qu’un nombre grandissant d’enseignes sont écrites en anglais. Même dans les services publics et les EPIC pilotés par l’État, des fonctionnaires publics ont imposé depuis quelques années des noms en anglais : « Family TGV », « France is in the air »… Dans leur communication, les directions de la SNCF, d’Air-France (devenue « Airfrance »), d’Orange (ex-France-Télécom), etc., privilégient outrancièrement l’anglais ou le franglais, y compris pour s’adresser aux Français et aux autres Francophones sur le territoire national !
Pis encore, les dirigeants de maintes universités et établissements d’enseignement supérieur imposent l’usage de l’anglais dans l’enseignement, ce que la récente loi Fioraso a bel et bien avalisé en instituant l’anglais comme langue normale de l’Université et de la Recherche en France. Les réformes successives des programmes du lycée tendent à imposer des enseignements en anglais, et l’immersion en anglais des enfants de France est même proposée dès l’école maternelle, alors qu’ils ne maîtrisent pas encore le français ! C’est pourtant la mission de l’école, qui est le premier service public de France, que de transmettre la langue nationale, patrimoine culturel de la Nation selon l’article 75 de la Constitution.
Face à ces abus imposés sans l’aval du Peuple Souverain, et au mépris de sa dignité, les autorités compétentes restent largement passives, et ne font pas appliquer la loi, quand elles ne sont pas elles-mêmes à la pointe de l’anglicisation.
Un autre grave sujet d’inquiétude est le projet de ratification parlementaire de la très anticonstitutionnelle et antirépublicaine Charte européenne des langues minoritaires et régionales. Les langues régionales doivent certes être protégées, puisqu’elles sont, elles aussi, constitutives du patrimoine culturel de la France, mais sans porter atteinte au primat de la langue officielle et commune, garante de l’unité nationale et de la paix civile. Or cette charte, en tendant à instituer la co-officialité de langues de territoires avec la langue nationale, ne pourrait que porter atteinte au droit de tous à connaître les actes publics (délibérations municipales, jugements, etc.). La langue nationale serait ainsi prise en tenaille entre le tout-à-l’anglais des affaires, massivement promu par les milieux économiques dominants ainsi que par l’Union européenne, et les revendications régionalistes, voire séparatistes, fondées sur un dévoiement de l’usage des langues régionales, encouragé lui aussi par l’Union européenne. Avec la langue nationale, c’est l’unité de la Nation elle-même qui est menacée.
Des détenteurs d’influence, comme certains chefs d’agences publicitaires ou dirigeants d’entreprises supranationales, ne cachent pas leur volonté de faire basculer notre pays rapidement au tout-anglais, afin de dissoudre notre nation dans la mondialisation anglo-saxonne, avec tout ce que celle-ci comporte de vassalisation économique, sociale, culturelle, géopolitique et militaire. La preuve la plus récente est le secret qui entoure les négociations menées sans mandat démocratique – et exclusivement en anglais -, par l’Union européenne, sur le projet de Grand Marché Transatlantique, dit « TAFTA » (en anglais !). Nombre de nos concitoyens, de convictions politiques très diverses, estiment qu’un tel traité, en imposant le libre-échange sans limite, entraînerait la ruine de l’industrie française, la fin de nos services publics, la destruction de nos acquis sociaux, et aussi le naufrage inévitable de l’exception culturelle. Des garanties de pure apparence, transitoires et révocables, ne retarderaient qu’à peine l’abandon de toutes les langues nationales de l’Europe. L’Histoire et l’expérience politique récentes prouvent en effet que l’Union européenne n’a jamais observé ses engagements de respecter l’identité culturelle des États membres. Bien au contraire, elle cède toujours à la pression des milieux économiques dominants – voire de la puissance mondiale dominante -, et promeut systématiquement l’anglais comme langue officieuse de son administration. Lorsque les peuples se seraient, bon gré mal gré, accoutumés à cette relégation de leur langue, le français, l’allemand, l’italien, etc., le projet est clairement d’imposer l’anglais comme langue officielle de la future « Union transatlantique ».
Dans l’exercice de leur mission de veille linguistique, les associations de défense et promotion de la langue française constatent ainsi chaque jour que la France est soumise à un arrachage linguistique insidieux, qui n’est jamais soumis au débat démocratique national.
Aussi le devoir leur impose-t-il d’alerter les Français et les pouvoirs publics sur des écrits récurrents, émanant de milieux proches des grandes affaires, qui demandent l’« assouplissement » de la loi Toubon, dans tant de domaines que le but véritable est de l’abroger. Pourtant – tout au rebours de ces appels à l’incivilité -, la lucidité sur le devenir du monde, le souci de la cohésion sociale, l’intérêt national, tout en un mot indique au contraire que la vitalité de la langue nationale est indispensable à notre avenir. C’est donc le devoir de la Représentation Nationale que d’imposer le respect de cette loi et même de la renforcer.
Certes, des parlementaires dont les engagements politiques diffèrent s’unissent pour faire leur devoir envers la langue française, qui est l’un de leurs principaux outils de travail. Nous saluons par exemple la proposition du sénateur Philippe Marini, votée par le Sénat – mais non mise à l’ordre du jour de l’Assemblée -, les interventions fréquentes de M. Jacques Myard, la demande – non satisfaite à ce jour – de M. Jean-Jacques Candelier de mettre en place une « Commission d’enquête parlementaire sur la situation linguistique de la France », ou encore l’action persévérante de M. Pouria Amirshahi contre l’article II du projet de loi Fioraso, et en faveur d’une vision généreuse et dynamique de la Francophonie.
Mais il faut agir bien plus résolument, tant l’invasion et la substitution linguistiques s’aggravent dans notre pays et dans d’autres pays francophones.
C’est pourquoi nos associations proposent des actions urgentes et indispensables :
– Refuser le projet funeste de substituer l’anglais au français dans l’enseignement supérieur. Sous le prétexte d’attirer des étudiants asiatiques qui paieraient pour venir étudier en anglais dans les établissements d’enseignement français, ce projet illusoire, mis en avant par des universitaires et des politiciens peu nombreux mais influents, porterait un coup fatal à la vitalité intellectuelle en France, creuserait un fossé entre les classes sociales, trahirait les nombreux pays qui nous font l’honneur de partager l’usage de notre langue, affaiblirait sans recours notre influence internationale et ruinerait la Francophonie. Ce calcul mercantile à courte vue aurait sans nul doute les conséquences sociales, économiques, politiques et culturelles les plus désastreuses, dont les générations à venir nous reconnaîtraient à juste titre comme les coupables.
– Maintenir et renforcer la loi Toubon ; exiger que le Pouvoir Exécutif s’explique devant la Représentation Nationale à propos des innombrables manquements non sanctionnés, voire encouragés, à son sujet.
– Compléter cette loi afin que les infractions linguistiques signalées par de simples citoyens ou par les autorités compétentes, et dûment constatées et prouvées, donnent lieu à de lourdes amendes qui pourraient alimenter un fonds d’État pour la défense et la promotion du français selon le principe « pollueurs = payeurs ».
– Organiser très bientôt au Parlement, avec le concours du service public de l’audiovisuel, un vrai débat sur l’avenir de la langue française, patrimoine commun de tous les Français.
– Refuser de voter les lois de finances qui comporteraient des coupes dans les budgets de l’action pour le français en France, ainsi que de l’action culturelle extérieure de la France.
Ces décisions marqueraient la volonté des parlementaires de ne pas abandonner le pays à des coteries qui ne visent que leurs intérêts à court terme.
Vous remerciant de votre attention et restant à votre disposition pour toute rencontre ou précision, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur le (…) nos salutations citoyennes les plus cordiales, et indéfectiblement francophones.