Site icon ReSPUBLICA

Apologie du terrorisme : instrumentalisation partisane ?

Utilisant la niche parlementaire, le groupe des députés LFI a proposé l’adoption du retrait de la loi sur les retraites refusée par une majorité de citoyens et, dans le même temps, l’abrogation de la loi réprimant l’« apologie du terrorisme », en raison d’une possible atteinte à la liberté d’expression. Discuter d’une telle loi n’a rien d’infamant dans un débat démocratique.

 

Cependant, nous pouvons nous interroger sur la concomitance d’un rejet de la réforme des retraites et de la volonté de supprimer la loi sur le terrorisme. C’est une stratégie contre-productive qui conduira les médias mainstream à minimiser l’importance du sujet des retraites et à se focaliser sur le traitement du terrorisme. Tentons de prendre de la hauteur et du recul face aux polémiques de tous bords.

Partons de la réalité. Il s’avère que cette loi réprimant l’apologie du terrorisme ne va pas empêcher les actes terroristes. Certes, ce n’est pas parce qu’une loi semble inefficace qu’il faut la supprimer. A ce compte, nombre de lois et principes pourraient être effacés. Précisons, sans vouloir exonérer les dirigeants LFI de leurs travers et de leur complaisance à l’égard de l’islamisme politique et intégriste, que vouloir abroger la loi sur le terrorisme n’implique pas de soutenir le terrorisme. Ce n’est certainement pas le cas. Cependant, les tergiversations, le refus de qualifier le Hamas, après le massacre d’innocents du 7 octobre 2023, de mouvement terroriste, de mouvement qui emploie des méthodes ayant pour objet de terroriser, peuvent conduire l’opinion à considérer, à tort ou à raison, que LFI soutient de tels mouvements. Le tort de l’orientation stratégique des dirigeants de LFI est de mettre l’accent sur la seule cause palestinienne et d’oublier les otages israéliens.

Cela enlève une partie du crédit aux mouvements qui défendent, à juste titre, la cause palestinienne, au peuple palestinien victime des exactions des colons israéliens, des attaques meurtrières et assassines de l’armée israélienne sur la bande de Gaza.

Revenons à la loi sur l’interdiction de l’apologie du terrorisme. Il est légitime de considérer que son usage par les différents ministres de l’Intérieur en fait une atteinte à la liberté de manifester, à la liberté d’expression.

Souvenons-nous des manifestations contre les mégas-bassines(1)Article du 17 septembre 2023 de ReSPUBLICA « « On ne dissout pas un soulèvement ou 40 voix pour les soulèvements de la Terre » : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-combats/respublica-combat-ecologique/on-ne-dissout-pas-un-soulevement-ou-40-voix-pour-les-soulevements-de-la-terre/7434300. que le ministre de l’époque avait qualifiées d’écoterrorismes pour justifier l’intervention musclée des forces de l’ordre condamnée par le Conseil d’Etat. Souvenons-nous des multiples manifestations propalestiniennes interdites par des préfets sous le fallacieux prétexte de soutien aux Hamas. Souvenons-nous de l’annulation de conférences ayant pour thème le conflit israélo-palestinien et le risque génocidaire consécutif à la réaction disproportionnée du gouvernement israélien.

Apologie du terrorisme — Provocation au terrorisme

Sur le site officiel(2)Apologie du terrorisme – Provocation au terrorisme | Service-Public.fr, est présentée la teneur de cette loi. Ainsi, les individus sont invités à signaler des articles parus dans la presse ou sur les réseaux sociaux, ainsi que des contenus qui défendent le terrorisme ou qui incitent à commettre des actes terroristes. Les étapes à suivre pour effectuer ces signalements sont proposées. Il est ajouté que ces contenus constituent un délit puni d’une amende et/ou d’une peine d’emprisonnement inférieure à 10 ans.

La provocation est définie comme l’incitation à commettre des actes terroristes. L’apologie du terrorisme consiste à présenter ou commenter favorablement soit le terrorisme en général, soit des actes terroristes déjà commis 

Qu’en est-il exactement de cette loi proposée par LFI ?

Le député LFI, Ugo Bernalicis, est à l’origine d’une proposition de loi visant à abroger le délit d’apologie du terrorisme, estimant qu’elle réprime militants, journalistes, syndicalistes… Les motifs du groupe LFI(3)https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/textes/l17b0577_proposition-loi. repose sur la

Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) [qui] de manière constante considère que la liberté d’expression n’est pas faite seulement pour les idées et les informations qui sont inoffensives ou accueillies avec ferveur, mais aussi pour les idées et informations qui heurtent, choquent ou inquiètent l’État ou une fraction quelconque de la population

Il est ajouté que

l’instrumentalisation de la lutte antiterroriste s’est accentuée particulièrement contre la liberté d’expression. En effet, les propos incriminés …relèvent désormais de l’article 421— 2— 5 dans le Code pénal… Cette évolution législative a pour conséquence directe de permettre le recours aux règles de droit commun de la procédure pénale et non à celles qui sont, dans notre République, spécifiques à la répression des abus de la liberté d’expression

Ainsi au nom de l’« apologie du terrorisme », les moyens de police, de justice sont détournés pour en faire le lieu de règlement de débats politiques. En son nom, des manifestations, des conférences, des expressions publiques ont été interdites, empêchées, étouffées. » Dans les articles 2 et 3 de la loi proposée par le groupe LFI, il est « demandé au Gouvernement [de remettre] au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’utilisation de l’article 421— 2— 5 du Code pénal par les institutions judiciaires depuis son inscription dans le Code pénal et [de remettre] au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur l’utilisation de l’article 421— 2— 5 du Code pénal par les institutions judiciaires depuis la circulaire relative à la lutte contre les infractions susceptibles d’être commises en lien avec les attaques terroristes subies par Israël depuis le 7 octobre 2023. 

Effet d’une abrogation de la loi de 2024

N’oublions pas qu’abroger la loi de 2024 ne fait pas revenir à la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse(4)https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/LEGITEXT000006070722/2021-01-04/.. Cette dernière a été modifiée par des lois successives, notamment la loi de 1893 qui avait supprimé un alinéa sur l’apologie. Depuis, la loi du 22 juin 2004(5)Modifié par Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 — art. 2 () JORF 22 juin 2004. qui concerne les crimes et délits commis par voie de presse ou tout autre moyen de publication stipule que

Seront punis comme complices d’une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l’écrit, de la parole ou de l’image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l’auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d’effet ».

Ainsi, cette abrogation met en application la condamnation des propos ayant conduit à des crimes ou délits.

Lutte légitime contre le terrorisme et son apologie

La liberté d’expression doit être la plus grande possible, mais des limitations sont légitimes, des règles sont nécessaires pour garantir justement cette liberté d’expression. La loi n’est pas que répression, elle est également une garantie de la liberté de toutes et tous.

Ce n’est pas tant l’abrogation de la loi contre la provocation au terrorisme et à son apologie qui devait être proposée, mais son encadrement pour élever des garde-fous à d’éventuelles remises en cause de la liberté d’expression. Les atteintes aux personnes, les injures racistes ou non aux personnes en raison de leurs origines, de leurs options spirituelles doivent être sévèrement réprimées. Les appels à la haine, à la discrimination doivent être sanctionnés. En revanche, tout ce qui relève de la critique des idées religieuses, philosophiques, politiques doit être préservé. C’est une autorité indépendante qui doit pouvoir déterminer ce qui relève d’un cas ou de l’autre.

Notes de bas de page[+]

Quitter la version mobile