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Construire un avenir émancipateur malgré le crépuscule macroniste

L’extrême centre macroniste est en train d’entraîner la descente aux enfers de la France sur de nombreux plans. L’INSEE vient de sortir son dernier bilan, qui est catastrophique pour le grand nombre. 2023 est une année de forte croissance des inégalités sociales ; afin d’étayer nos propos, nous vous invitions à consulter les liens suivants : Les mesures sociofiscales de 2023 : la non‑reconduction des mesures exceptionnelles de 2022 diminue le revenu disponible des ménages modestes − France, portrait social | Insee et En 2023, le gouvernement a appauvri les pauvres et enrichi les riches | Alternatives Economiques.

Paupérisation des couches populaires et moyennes

L’ensemble des mesures sociales et fiscales a frappé les catégories populaires et la majorité des couches moyennes (soit 70 % de la population). La dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation a favorisé les plus riches. Les 10 % des plus pauvres ont perdu en moyenne 290 euros par an, ce qui est pour eux un scandale.

La non-revalorisation des minimas sociaux par le couple Macron-Borne a participé aux nombreuses mesures ayant favorisé le ruissellement du circuit de l’argent des plus pauvres vers les plus riches. Le premier mandat et le début du deuxième mandat d’Emmanuel Macron fournissent la preuve de la perversité de l’extrême centre.

Pour présenter la dernière livraison d’Eurostat(1)Key figures on Living conditions in Europe – 2024 edition., Christian Chavagneux, d’Alternatives économiques, pose les questions suivantes : « Depuis 2010, les Français sont-ils plus pauvres que leurs voisins ? Plus pauvres dans l’absolu ? Les deux, répond Eurostat. ». Il continue : « Pour l’ensemble de l’Union européenne, ce revenu médian disponible réel a augmenté de 18,5 % entre 2010 et 2023…Cinq pays ont… vu leur revenu disponible médian réel diminuer : l’Espagne, l’Italie, la Grèce, Chypre et… la France ». Merci Sarkozy, Hollande et Macron !

Le mythe du couple franco-allemand confirmé

La décision d’Ursula Van der Leyen, présidente de la Commission européenne de l’UE, de passer en force pour la signature de l’accord de libre-échange du Mercosur, montre que la narration du couple franco-allemand est une fable. Le soutien du gouvernement allemand et de la droite allemande à cette décision de l’UE en porte témoignage. L’Allemagne pourra exporter plus de voitures, et tant pis pour l’agriculture française et pour les normes écologiques. Les réserves de l’Italie et de la Pologne à cette politique de l’UE ne sont pas suffisantes eu égard aux traités et directives européens. Une fois de plus, l’extrême centre macroniste a montré son inefficacité à défendre les intérêts de la France.

Pusillanimité d’une partie de la gauche et du mouvement syndical

Nous avons déjà parlé la semaine dernière des tendances centrifuges négatives au sein du NFP, mais ce n’est pas mieux du côté syndical. Contradiction chez les travailleurs. Il a été produit un communiqué commun à tous les syndicats totalement unitaire(2)Les urgences sociales doivent enfin trouver des réponses concrètes ! | CGT., mais totalement problématique pour une partie importante des travailleurs. Ils sont tous là. Les uns estiment que c’est un texte démobilisateur dans lequel on évite d’appeler « un chat un chat ». Tout est « en creux ». On pourrait le résumer par la phrase suivante : « Nous ne souhaitons pas assumer une mobilisation contre la politique antisociale de l’extrême centre, mais nous vous supplions de répondre à quelques-unes de nos revendications ». Pour les autres, ils estiment que la signature totalement unitaire est un plus dans la période et que les revendications immédiates sont portées par l’ensemble du syndicalisme.

En passer par la République sociale : revendications immédiates et projet de société

Avec Bruno Leipold, la République sociale est un passage obligé pour l’émancipation.

Réunissons-nous, débattons pour retrouver un objectif désirable dans ce monde crépusculaire. Nous vous proposerons des éléments de réflexion chaque semaine hors période de trêve de fin d’année. Ci-dessous, en voilà deux d’entre eux.

Pour penser la double besogne présente dans la charte d’Amiens de la CGT et dans la pensée de Jean Jaurès, il convient d’abord de définir les revendications immédiates qu’un mouvement syndical de lutte de classe devrait définir.

Puis, il faut concevoir un modèle politique souhaitable comme objectif et donc s’appuyer sur une théorie explicative du réel. Une ligne stratégique est également nécessaire pour y parvenir. Tout d’abord, il faut pouvoir militer avec une théorie politique que l’on dialectise avec l’action réelle collective, qu’elle soit syndicale, associative ou politique. Et ce sont ces allers-retours entre théorie et pratique et les débats suscités dans la pratique qui permettent d’affiner de nouveau la théorie.

Comme dans toutes les sciences sociales correctement étudiées, les théories politiques critiques du capitalisme se sont construites avant la Première Guerre mondiale. De ces théories ont découlé de nombreuses déviances : ainsi, certains ont préféré s’adapter au capitalisme jusqu’à s’y complaire, quand d’autres ont utilisé une théorie élaborée dans des pays développés pour agir dans des pays sous-développés, ce qui a abouti à des monstruosités.

S’inspirer de Condorcet et de Robespierre, de Marx et d’Engels, et de Jaurès et de Gramsci

Pourtant, l’étude des pensées de Condorcet et de Robespierre, de Marx et d’Engels, de Jaurès et de Gramsci, pose des jalons importants dans la compréhension du capitalisme, y compris au 21e siècle, pour tous les pays développés, comme les pays de l’ouest européen par exemple. Mais encore faut-il avoir lu ces auteurs très prolifiques dans leur écriture et ne pas se contenter de consulter des résumés effectués par des contributeurs qui ne les ont pas suffisamment lus.

Et je le dis également pour certains universitaires ou dirigeants politiques. Par exemple, ceux qui ont suffisamment lu Jaurès savent qu’il a développé des thèses beaucoup plus révolutionnaires que la plupart des dirigeants politiques de la gauche dite radicale aujourd’hui. Mais on peut dire la même chose vis-à-vis de Karl Marx par exemple. Contrairement à certains lieux communs d’interprétation, la pensée de Karl Marx a été profondément influencée par le républicanisme. Même si la relation de Marx avec le républicanisme a subi des modifications au cours de sa vie. Par exemple, il a beaucoup appris de la Commune de Paris. Il a alors donné de plus en plus d’importance aux institutions politiques pour combattre l’inégalité sociale inhérente au capitalisme lui-même. Et il a construit une conception républicaine de la liberté selon laquelle on n’est pas libre lorsqu’on est soumis à un pouvoir arbitraire, y compris dans l’entreprise.

Marx, dans sa première période, défendait une république démocratique. Puis il pensa le communisme en radicalisant sa critique du républicanisme, le qualifiant de bourgeois. Puis, après la Commune de Paris, il en vint à considérer qu’il avait eu tort dans le Manifeste de 1848 et il proposa alors la nécessité d’une République sociale pour assurer le contrôle populaire.

Bruno Leipold, professeur de théorie politique à la London School of Economics and Political Science, a écrit un livre de grande qualité « Citizen Marx : Republicanism and the Formation of Karl Marx ‘s Social and Political Thought » (Princeton University Press). Lors d’une interview(3)Marx and Republicanism: An Interview with Bruno Leipold – JHI Blog., il a précisé que « vous avez raison de souligner que c’est un trope tout à fait standard de présenter le « républicanisme » ou la « république » en opposition à la « démocratie ». « Mon refus de répéter ce trope dans mon livre découle directement de ma contextualisation du républicanisme au XIXe siècle. ». Ce livre et l’interview ci-dessus développent l’intérêt, aujourd’hui, d’une étude marxienne de la nécessaire République sociale que nous avons engagée. Voir notre Librairie militante.

Combattre l’hégémonie des idées reçues issues du capitalisme

Avec Yohann Douet, pensons le discours contre-hégémonique dans les classes populaires rurales. ReSPUBLICA, à longueur de colonnes, met en lumière la faiblesse de la gauche et la force de l’extrême droite dans les zones rurales, y compris dans les petites villes. En s’appuyant sur une lecture de Gramsci et son actualisation pour le 21e siècle, Yohann Douet, auteur du livre « L’hégémonie et la révolution- Gramsci, penseur politique », propose une contribution intéressante pour tous ceux qui veulent travailler sur une ligne stratégique plus efficace que la reprise des comportements perdants d’hier ou d’avant-hier(4)Lutte hégémonique et classes populaires rurales. Le combat antifasciste à la lumière de Gramsci..

Il trouve des similitudes, toutes choses étant inégales par ailleurs, entre l’idéologie de la montée mussolinienne dans les zones rurales italiennes et l’idéologie de la montée du RN en France d’aujourd’hui. Vous y retrouverez une pensée qui va dans le sens de Benoît Coquard, dont ReSPUBLICA a déjà parlé dans ses colonnes dans un article fameux de notre ami Pierre Hayat(5)« Ceux qui restent » dans les régions sinistrées · ReSPUBLICA.. Par ailleurs, vous y verrez une analogie avec les propos de Cagé et Piketty sur le logement dans leur dernier ouvrage « Une histoire du conflit politique ».

Sortir du biais délétère qui oppose campagne et ville

D’une façon générale, il adapte la pensée de Gramsci sur la nécessité de « briser le bloc rural » entre la paysannerie, la petite bourgeoisie et les grands propriétaires pour former ce que nous appelons le bloc historique populaire. Pour y parvenir, il suggère la réimplantation de vrais services publics, qui aurait comme conséquence la réintégration d’emplois diplômés et modifierait le bloc rural ancien en le rendant compatible avec le bloc populaire urbain par de nouvelles sociabilités et des formations militantes concomitantes.

Il fustige le mouvement « gazeux » pour lui préférer un mouvement d’organisation moléculaire (synonyme chez Gramsci de fonctionnement par capillarité). Il préconise une organisation présente sur tous les territoires et pas seulement dans les villes-centres des grandes villes. L’auteur parle de l’action des gilets jaunes qui ont réalisé des « fissures » dans le bloc rural. Ce fut une sorte de guerre de mouvement, mais qui n’a pas alimenté la guerre de position de la gauche. Comme l’a écrit Gramsci, « négliger et, pis, mépriser les mouvements dits spontanés, c’est-à-dire renoncer à leur donner une direction “consciente”, à les élever à un plan supérieur en les insérant dans la politique, […] peut avoir souvent de très graves et très sérieuses conséquences ». Il considère que le RN est bien « le parti du désespoir contre-révolutionnaire ». Pour le vaincre, « la meilleure arme reste donc de faire naître, et de faire éprouver concrètement, un espoir révolutionnaire », de faire émerger une perspective alternative qui dépasse le système économique actuel délétère pour l’être humain en particulier et pour la nature en général.

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