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Contre la dérive autoritariste du macronisme !

Cet article adressé au Comité de rédaction de ReSPUBLICA développe des pistes intéressantes pour vivifier notre démocratie et rendre le pouvoir au peuple selon le principe « Le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple ». Ce principe est bafoué par une sorte d’égocratie qui s’est substituée à la démocratie véritable. Nous avons estimé utile de publier cette contribution au débat même si sur certains aspects, il doit y avoir des discussions argumentées.

 

L’expression est-elle trop forte ? L’auteur ne le pense pas ! Il estime que les prolégomènes (longue introduction placée en tête d’un ouvrage, contenant les notions préliminaires nécessaires à sa compréhension) de cette dégradation politique en France ne datent pas toutes de Macron depuis 2017. Pour lui, le processus vient de plus loin, mais a été accéléré par Macron, fondé de pouvoir du « bloc bourgeois ».

La descente aux enfers : démocratie représentative vs démocratie directe

C’est à Sieyès(1)Emmanuel-Joseph Sieyès, souvent appelé « l’abbé Sieyès », né le 3 mai 1748 à Fréjus et mort le 20 juin 1836 à Paris, est un homme d’Église, homme politique et essayiste français, surtout connu pour ses écrits et son action pendant la Révolution française, faisant partie des prêtres favorables au processus révolutionnaire et même des régicides de 1793. que l’on doit le régime actuel de « démocratie représentative ». Or on sait que Sieyès a été un des organisateurs, plus tard, du 9 thermidor et du coup d’État du 18 brumaire 1799 qui plaça Bonaparte au pouvoir, lequel mit un point final à la Révolution française. Voilà un bel ancêtre dont se réclament nos « démocrates » ! Mais c’est dès 1789 que Sieyès fit triompher sa « théorie » de la représentation : pour lui en effet le peuple est incapable de penser, de délibérer et de décider. Il faut que ce soient des « représentants »(2)Pourtant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen évoque la démocratie directe : article 6 « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. » qui le fassent à sa place ! Le peuple est tout juste capable d’élire ces représentants de temps en temps, mais ensuite il doit rentrer chez lui et se taire pendant 3 à 6 ans et laisser ses « élus » décider pour lui ! Et d’ailleurs de 1789 à 1792 ce fut une monarchie « constitutionnelle » qui fut instaurée et non une démocratie, que Sieyès et ses amis méprisaient comme ils méprisaient le peuple !

Nous sommes donc encore sous ce régime de « système représentatif ». Toutes les constitutions depuis le 9 thermidor 1794 (chute des Montagnards et de Robespierre) ont été et sont encore des constitutions « représentatives », qui dépouillent les citoyens de tous leurs pouvoirs (article 27 de la constitution actuelle qui interdit le mandat impératif !). Sans parler de la restauration de 1814, de « l’acte additionnel aux constitutions de l’empire », de la deuxième république de 1848, du bonapartisme de 1851, les III, IV et Ve républiques qui ont institutionnalisé chacune à leur tour ce système politique qui n’est pas la démocratie !

Le pouvoir est entre les mains du président et du gouvernement. L’Assemblée nationale n’est plus qu’un parlement bidon servant à légitimer les lois proposées par l’exécutif (80 % des lois émanent de l’Élysée ou de Matignon) !

Le peuple – depuis 230 ans – est invité à aller « voter » tous les 5 ou 6 ans pour désigner des candidats qu’il n’a pas choisis lui-même, puis rentre dans ses foyers et n’a plus rien à dire jusqu’aux prochaines élections. Durant les intervalles de 5 à 6 ans, ce sont ces « représentants » qui décident, douillettement installés dans leurs sinécures, et bien rémunérés. Le peuple est muet et bien conditionné par des médias tous possédés par une oligarchie de neuf milliardaires qui fabrique l’opinion comme on promeut une marque de dentifrice ! Les partis politiques ayant quant à eux été transmutés en écuries électorales indignes.

La Constitution de 1958 conclut ce processus par des pouvoirs exorbitants donnés au « président de la République » (articles 5 à 16 de la constitution). L’Assemblée nationale n’a qu’une compétence d’attribution (article 34) et le gouvernement une compétence générale (article 37). L’affaire est bouclée : l’oligarchie fait croire que nous sommes en « démocratie » alors qu’elle a concentré tous les pouvoirs dans ses mains et placé ses hommes et ses femmes, ses fondés de pouvoir, à tous les postes-clés de l’État. Le peuple, lui, n’a plus que le droit de se taire.

Tous les politologues, constitutionnalistes, sociologues mainstream, valident ce système par le mythe du « moment délibératif » censé réaliser la « synthèse » des points de vue, à la place du peuple bien entendu, incapable de faire lui-même ce travail ! C’est la représentation absolue, la « démocratie représentative », « libérale », indigne système permettant au capitalisme financiarisé de dominer. C’est le « capitalo-parlementarisme » comme le dit Alain Badiou.

Mais ce système est-il éternel et empreint de fatalité historique ?

La démocratie délibérative

C’est ce que veulent nous faire croire tous les clercs du système !

Ils passent sous silence toutes les expériences démocratiques qui depuis 2500 ans parsèment notre histoire : des démocraties antiques (Grèce, Rome républicaine), aux insurrections paysannes de 1356 en France, à la Fronde de 1648-1653, à la révolution des sans-culottes du 10 août 1792, aux révolutions de 1830-1848, à la Commune de Paris de 1871, au Front populaire, au Conseil national de la résistance, jusqu’au mouvement de mai-juin 1968, des grèves massives de 1995, au mouvement des Gilets jaunes de 2018-2019, aux grandes manifestations contre la loi scélérate sur les retraites, aux révoltes de la jeunesse et des paysans de 2023, etc. sans citer tout ce qui s’est passé dans d’autres pays !

La classe dominante au pouvoir essaye d’invisibiliser tous ces mouvements populaires qui chacun ont apporté des contributions à l’émancipation : les assemblées villageoises, le débat démocratique, le mandat impératif, la votation, la révocabilité des élus, les mandats courts et non cumulables, la rotation des mandats, la déprofessionnalisation de la politique, les partis politiques de masse, les institutions favorisant la démocratie et le débat, le contrôle de l’impôt et sa progressivité en fonction des revenus, l’interdiction de l’enrichissement qui nie les besoins communs, les associations de citoyens égaux et libres, les libertés publiques, le principe de légalité, etc.

Mais la vraie démocratie frappe au carreau de l’histoire ! La classe bourgeoise n’échappera pas à la contestation de ses privilèges. De tous côtés montent les propositions, les cahiers d’exigences, les protestations transformées en revendications politiques et en mesures à prendre d’urgence.

Nous en citerons quelques-unes qui sont appelées à être débattues dans les assemblées populaires et les ronds-points qui ne manqueront pas de se former dans les prochains mouvements sociaux.

Une nouvelle organisation territoriale

Niveau communal

Il s’agit de renforcer les Communes en réduisant leur nombre pour qu’elles atteignent une masse critique permettant une démocratie locale qui est la pierre angulaire de la démocratie politique. De nos jours 34955 communes dont la moitié ont moins de 500 habitants seront réduites à 7 à 10000 communes ce qui permettrait une véritable démocratie locale. Dirigées par des conseils municipaux élus au suffrage universel direct, sur mandat impératif, avec réduction des pouvoirs délégués au maire et accroissement de ceux du conseil municipal, les nouvelles communes seront les écoles de la démocratie citoyenne.

Niveau départemental

80 départements également renforcés, incluant les DROM(3)Département et régions d’outre-mer. et TOM, avec suppression des « euro-régions » qui ne sont que des machines de guerre contre l’État républicain et la République Une et Indivisible. Ces départements seraient dirigés par des conseils départementaux également élus au SU direct.

Une loi organique instituera ces nouveaux conseils politiques municipaux et départementaux qui auront des compétences prévues par la nouvelle constitution.

Une nouvelle organisation de la planification

Nous devrions supprimer toutes les organisations lobbyistes et corporatives comme les « chambres » patronales d’industrie, de commerce et d’agriculture et les remplacer par des Comités communaux et départementaux représentant « les forces vives de la Nation » ; ces comités économiques, sociaux et environnementaux auraient pour rôle d’élaborer le plan national de réindustrialisation et de planification économique, sociale et environnementale du pays. Aux organes corporatifs inspirés de l’idéologie pétainiste seront substituées des institutions démocratiques élues par le peuple lui-même.

Au niveau national : remplacement du Sénat

Un Conseil national, issu des comités économiques, sociaux et environnementaux communaux et départementaux remplacera le Sénat, institution inutile et exclusivement destinée à limiter les pouvoirs de l’Assemblée nationale. Ce Conseil national sera responsable de l’élaboration du plan national en collaboration avec un nouveau Commissariat général au plan placé aux côtés du gouvernement.

Une Convention nationale remplacera l’actuelle Assemblée nationale-croupion. Elle sera élue au suffrage universel direct, à la représentation proportionnelle avec répartition des restes à la plus forte moyenne, sur scrutin de liste nationale et plurinominale. Ce système démocratique permettra de faire représenter à la Convention nationale tous les petits partis qui atteindront le quotient national (48 millions d’électeurs inscrits/ nombre de sièges à pourvoir. Une Convention nationale de 750 députés, ce qui n’est pas « excessif » (car la glorieuse Convention nationale de 1792-1794 en avait déjà 750 pour une France de 25 millions d’habitants), serait instituée.

Pour assurer une majorité politique à la Convention, pourra être instauré un système déjà appliqué dans certains pays étrangers (Grèce, Allemagne par exemple), c’est la prime à la majorité : le parti politique ou la coalition de partis ou de mouvements arrivés en tête bénéficiera d’une prime en sièges qui lui donnera la majorité afin de pouvoir gouverner.

Innovation majeure d’un tel système

Une des innovations proposées est de transformer le programme politique de ce parti ou de cette coalition de partis en contrat de législature, c’est-à-dire en véritable mandat impératif du peuple adressé à cette majorité. Ce mécanisme empêchera de rééditer la forfaiture de 2008 où un prétendu « Congrès » a allègrement violé la décision du peuple (par le référendum de 2005) de rejeter le traité de Lisbonne. L’absence de contrôle des parlementaires par le peuple a permis à la majorité qualifiée de ceux-ci de se rendre coupables d’un coup d’État contre la démocratie !

L’innovation majeure que nous proposons est l’institution d’assemblées primaires dans les communes ou groupements de communes.

En effet, le fameux « moment délibératif » doit être la propriété du peuple ! Ces assemblées primaires auraient pour tâche de fixer les mandats sur la base desquels les partis politiques proposeront leurs programmes. Leurs candidats devront être validés par les Assemblées primaires.

À une telle organisation de la démocratie, il est reproché de transformer les élus en mannequins paralysés par des mandats impératifs ! Je soutiens que non, car d’une part les mandats seraient des orientations générales non détaillées : par exemple le mandat de mettre en place une Sécurité sociale à 100 %, ou mandat de sortie de l’UE, ou mandat de créer un impôt progressif ou proportionnel aux revenus, ou mandat de maintenir le droit du sol contre le « droit du sang », ou mandat de rétablir la souveraineté industrielle du pays par un plan indicatif, etc. Le rôle des élus sera alors de transformer ces mandats d’orientation en lois, et cela sera déjà un gros travail pour les élus.

Ces assemblées primaires travailleront sur le temps de travail, ce qui nécessitera une réduction de la durée de la journée de travail et un nouveau système d’éducation nationale et d’information du citoyen qui lui assurera une bonne formation et une information honnête et pluraliste pour assumer le débat public. Elles seront composées de l’ensemble des citoyens de la commune. Qui osera soutenir que ce que les Grecs ont fait pendant 130 ans il y a 2500 ans (12000 citoyens débattaient sur la Pnyx 4 à 5 fois par mois)(4)Il est utile de préciser que la classe des producteurs, surtout des esclaves, était écartée de la gestion publique., ne peut être accompli aujourd’hui avec toutes les techniques dont nous disposons ? Qui osera nous dire que les Assemblées primaires qui ont déjà été vivantes entre 1791 et 1799 en France seraient aujourd’hui « utopiques » ?

La démocratie ne doit pas rester aux portes des entreprises ! Le temps passé au travail représente un bon tiers de la vie des hommes et des femmes, il doit donc être maîtrisé et contrôlé par le peuple lui-même(5)Jean Jaurès y insistait dans la conception de la Société nouvelle qu’il développait. ! Ainsi, les entreprises doivent être mises à la disposition de celles et ceux qui y travaillent, comme la terre d’ailleurs ! Nous proposons donc la généralisation des SCOP (sociétés coopératives et participatives). Il est étonnant que cette perspective soit totalement ignorée par les partis politiques et les organisations syndicales de notre pays ! Il est temps que la production soit contrôlée par le peuple et qu’il soit mis fin à la destruction de la planète et de la biodiversité par la bourgeoisie et son capitalisme dévastateur !

Le tocsin du soulèvement doit retentir !

Souvenons-nous de l’article final de la Déclaration des droits du 24 juin 1793 : lorsqu’un gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est le plus indispensable des devoirs(6)La résistance à l’oppression figure parmi les droits de l’homme et du citoyen. !

L’oligarchie bourgeoise et financière qui tient ce pays doit savoir qu’on ne badine pas avec le peuple français !

Celui-ci va lui demander des comptes :

1 – Il va mettre en place, sans demander sa permission, des formes directes de démocratie qui ne sont pas réservées aux « cités-États » ni aux « cantons suisses de haute- montagne » !

2 – Il va expérimenter et généraliser les formes non capitalistes d’entreprise, parmi lesquelles les SCOP. Pour en finir avec la subordination des salariés au patronat, et promouvoir les besoins populaires contre « la valeur actionnariale » et la « gouvernance patronale » des entreprises par les possesseurs de capitaux.

3 – Il va reprendre possession de ses organisations politiques et syndicales et régler ses comptes avec la « théorie » fumeuse de Michels pour qui « la loi d’airain de l’oligarchie des organisations » est une fatalité historique, un « invariant sociologique » ! Ce mythe au service exclusif de la bourgeoisie est le leitmotiv repris jusqu’au psittacisme par la « science politique » contemporaine qui croupit dans cette dogmatique qu’elle prend pour une « loi sociologique canonique ».

4 – Il va mettre fin au cycle de la forme politique avec laquelle la bourgeoisie gère la société à son seul profit : le système « représentatif délégataire », et le remplacer par la dynamique épistémique du débat démocratique !

5 – Il va enfin reconquérir sa souveraineté en sortant des organisations supranationales qui étouffent son indépendance et sa liberté, comme « l’Union européenne », l’OTAN, la BCE ou les traités néo-libéraux souscrits sans son accord.

Il n’y a qu’une seule alternative

Ou bien la dictature macroniste par la « dé-démocratie » (Wendy Brown) bonapartiste dans un capitalisme financiarisé et mondialisé, ou bien le dépassement (l’Aufhebung de Hegel) du capitalo-parlementarisme « représentatif » par la démocratie délibérative et le travail libéré du Capital, par la lutte des classes nationale et internationale.

Notes de bas de page[+]

Notes de bas de page
1 Emmanuel-Joseph Sieyès, souvent appelé « l’abbé Sieyès », né le 3 mai 1748 à Fréjus et mort le 20 juin 1836 à Paris, est un homme d’Église, homme politique et essayiste français, surtout connu pour ses écrits et son action pendant la Révolution française, faisant partie des prêtres favorables au processus révolutionnaire et même des régicides de 1793.
2 Pourtant la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen évoque la démocratie directe : article 6 « La loi est l’expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. »
3 Département et régions d’outre-mer.
4 Il est utile de préciser que la classe des producteurs, surtout des esclaves, était écartée de la gestion publique.
5 Jean Jaurès y insistait dans la conception de la Société nouvelle qu’il développait.
6 La résistance à l’oppression figure parmi les droits de l’homme et du citoyen.
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