« Délinquance : les coupables sont à l’Intérieur », par F. Delapierre

« Délinquance : les coupables sont à l’Intérieur », par François Delapierre,
éd. Bruno Leprince, sept. 2013, 264 p., 10 €

La présentation polémique de l’ouvrage (le titre, les visages affrontés à égalité en couverture de Nicolas Sarkozy et     Manuel Valls) pourraient faire croire qu’il s’agit d’une déclinaison du « Tous pourris ». Heureusement le propos de François Delapierre, secrétaire national du Parti de gauche, est moins sommaire. Il évite de rentrer dans les généralités d’usage sur le traitement de l’immigration ou le dossier des Roms pour mieux traiter des questions de fond.
Et il le fait avec des données provenant de source syndicales ou de chercheurs, sans s’interdire une réflexion appuyé sur quelques bons auteurs comme Durkheim ou Braudel.

Le premier angle d’attaque est celui des statistiques de la délinquance qui fondent les politiques répressives : on ne peut résumer l’argumentation mais on relève le rôle d’un tandem « d’enfer » qui, après avoir prospéré sous Sarkozy, garde l’oreille de l’actuel ministre de l’Intérieur et des médias, celui d’Alain Bauer (ex rocardien, proche de Valls) et de son complice Xavier Raufer, venu lui de l’extrême droite. Mais ce complexe « politico-sécuritaire », comme le nomme Delapierre, ne se borne pas à faciliter l’achat de matériels de vidéo-surveillance peu efficaces, à confier au privé de nouvelles tâches de maintien de la la sécurité ou d’auxiliaire des services pénitentiaires, il participe d’une vaste opération d’enfumage dont le ressort principal est le recours à la peur, et notamment à celle du terrorisme. Sur ce point, dans le chapitre « Le terrorisme, beaucoup en vivent, peu en meurent » la démonstration n’est pas totalement convaincante quand elle se base sur une vision purement comptable et nationale, en revanche elle pointe bien la place du terrorisme basque, comme celle des Corses dans le grand banditisme.

La pression du chiffre et les absurdités auxquelles elle mène sont bien décrites concernant la délinquance « ordinaire » à laquelle l’auteur oppose à juste titre la délinquance financière (complaisance institutionnalisée, fraude et paradis fiscaux) dont les montants sont sans proportion. Le problème reste que ces délits ne sont pas perçus comme « impactants » par les couches populaires qui, en revanche, vivent mal l’augmentation des incivilités – et tendent à apprécier la politique de Manuel Valls au-delà du vote partisan…
Cette perception populaire, il n’est pas sûr que le Parti de gauche en tire les conclusions stratégiques voulues dans le contexte électoral actuel.

Quoi qu’il en soit, on créditera François Delapierre d’une analyse saine et de propositions intéressantes : revenir sur un illusoire transfert de responsabilités aux communes, rétablir la confiance par les contacts de proximité (permettre aux policiers de « descendre de voiture »), donner de meilleures capacité d’enquête à la PJ, légaliser sous contrôle l’usage du cannabis  pour éviter « une coûteuse guerre  de harcèlement contre les consommateurs ».
Enfin et surtout, plaçant le rôle du maintien de l’ordre plutôt du côté du Jaurès de l’Armée nouvelle que de Clemenceau, l’ouvrage s’achève sur l’idée (à approfondir) d’associer le peuple à sa sécurité en défendant le retour à un service civique (mixte) obligatoire qui permettrait de placer des appelés au sein des forces de police et de gendarmerie.