IMMIGRATION : COMBATTRE LES MENSONGES

You are currently viewing IMMIGRATION : COMBATTRE LES MENSONGES

Depuis des années, des mensonges concernant les travailleurs et familles issus de l’Immigration sont déversés quotidiennement dans notre pays (nous nous appuyons sur les travaux de François Héran – professeur au Collège de France –, le mensuel Alternatives Économiques de décembre 2023 et nos expériences militantes syndicales). Cet article analyse quelques poncifs sur la question.

On ne peut pas accueillir toute la misère du monde ?

Interrogé le 24 septembre 2023 sur sa politique migratoire, le président de la République a accumulé les clichés : « On a un système social généreux » (sous-entendu, qui attire trop les migrants) ; « On ne peut pas accueillir toute la misère du monde » (slogan de Michel Rocard en 1989) ; « Nous faisons notre part » (allusion au correctif apporté sept ans plus tard par le même Michel Rocard).

Ces arguments ont l’apparence de constats objectifs. Il n’en est rien. Tout d’abord, la France n’attire pas toute la misère du monde. On sait de longue date que l’émigration est sélective quand elle fuit les dictatures, les conflits ou les persécutions. Faute de ressources et de réseaux, les trois quarts des déplacés ayant fui la Syrie n’ont pas dépassé les pays limitrophes (Turquie, Liban, Jordanie). Seul le quart restant a réussi à gagner l’Europe de l’Ouest. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la Turquie héberge sur son sol 3,8 millions de Syriens, tandis que la France métropolitaine en a enregistré ou relocalisé 38000 en l’espace de dix ans : cent fois moins ! L’Allemagne, de son côté, en a enregistré 770000 : 25 fois plus que la France. La « submersion migratoire » syrienne prophétisée par Marine Le Pen en septembre 2015 n’est jamais venue jusqu’à nous.

Sur la décennie 2013-2022, la France est restée à la traîne de l’Union européenne. Elle n’a enregistré sur cette période que 3 % des demandes déposées en Europe par les Syriens, contre 48 % pour l’Allemagne. Elle a fait davantage pour les Afghans, surtout depuis la chute de Kaboul : 11 % des demandes présentées en Europe l’ont été en France, mais c’est encore loin des 34 % parvenues en Allemagne.

L’octroi de l’allocation pour demandeur d’asile n’a pas permis d’attirer chez nous plus de 4 % des Ukrainiens bénéficiant de la protection temporaire en Europe. Ces proportions sont très inférieures au poids de la France dans l’Union : 15 % des habitants, 18 % du PIB.

Aucun appel d’air en 10 ans !

Mais si notre générosité était si attirante, on devrait voir les Syriens, les Afghans, les Irakiens ou les Ukrainiens choisir la France, bien plus qu’au prorata de notre population et de notre richesse. La France n’est pas, loin de là, le pays d’Europe qui, en proportion, a le plus attiré les demandeurs de refuge.

L’hypothèse d’une « hyperattractivité » de la France ne résiste pas à l’examen : notre protection sociale n’a suscité aucun « appel d’air » en dix ans.  Non seulement le système social français n’attire pas la « misère du monde », mais il n’attire même pas les citoyens de l’Union européenne, pourtant libres de s’installer chez nous.

Plus on ferme les frontières, plus les passeurs relèvent leurs tarifs et plus ils s’enrichissent. Sans que la demande de passage se tarisse pour autant.

Immigration et délinquance ?

De nombreux concitoyens pensent que l’immigration est la principale cause de l’insécurité. Pourtant, toutes les études sérieuses en France et ailleurs montrent qu’il n’en est rien(1)La Lettre du CEPII – Centre d’études prospectives et informations internationales. Avril 2023- www.cepii.fr ; https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/entre-les-lignes/immigration-et-delinquance-derriere-les-chiffres-la-manipulation_5866127.html?gad_source=5&gclid=EAIaIQobChMI-6irpsKMhAMVvT8GAB2EfwBlEAAYAiAAEgI15_D_BwE#at_medium=1&at_platform=2&at_offre=3&at_campaign=FTVI_DSA&at_adgroup=Actualites&at_adgroupid=53013476151&at_adid=626546187071&at_term= ; https://www.histoire-immigration.fr/societe-et-immigration/y-a-t-il-un-lien-entre-delinquance-et-immigration.. En refusant les papiers aux immigrés, l’État les place dans une position de proies idéales pour les mafias (passeurs, trafiquants …), les marchands de sommeil et les patrons voyous de la sous-traitance en cascade.

En Italie et dans certains États des USA, on a pu constater que la régularisation, donc l’accès à un travail et un salaire décent, ainsi qu’à un logement salubre, a fait diminuer le taux de délinquance plus rapidement que pour d’autres territoires.  

Par ailleurs, les contrôles policiers ciblent plus les minorités visibles. À situation comparable, la justice condamne plus lourdement les étrangers. Enfin, le traitement médiatique fausse les choses. Le plus souvent, lorsqu’un acte de délinquance est commis, la nationalité (voire la religion) du délinquant est rendue publique quand il s’agit d’un étranger ou d’une personne d’origine immigrée. Il n’en est rien quand c’est un national. Un journal de Saxe (Allemagne), le Sächsische Zeitung, a décidé de révéler la nationalité de tous les délinquants, étrangers ou allemands. Depuis, les lecteurs sont informés quand le délinquant est allemand. Et dans cette région, les intentions de vote pour l’AFD (extrême droite allemande) ont diminué de 20 %.

Dans ce domaine, comme dans d’autres, la règle doit être : mêmes droits, mêmes devoirs et égalité devant la loi pour toutes et tous.

L’illusion de l’immigration zéro ou de la régularisation zéro

Le Rassemblement national accuse le pacte européen d’« organiser la submersion migratoire ». Les Républicains s’enferment dans le réflexe pavlovien de la « ligne rouge » (à chacun ses tabous…). Agitant le spectre de l’appel d’air, ils prônent une « régularisation zéro » aussi irréaliste que l’immigration zéro. Mise en œuvre, elle produirait l’inverse du résultat recherché : une montée du nombre des travailleurs sans papiers, car le pays ne peut avancer sans cette main-d’œuvre. C’est en vain que l’on invoque la préférence pour le travail national, qui rappelle la mission impossible de Lionel Stoléru, ce secrétaire d’État de Raymond Barre « chargé de la condition des travailleurs manuels et immigrés » de 1977 à 1981. Il prétendait réduire le nombre d’immigrés en appelant les Français à se tourner vers les métiers manuels. Ce fut un fiasco, car les marchés du travail étaient déjà disjoints.

Françaises, immigrées, mêmes patrons, mêmes combats

Pendant le confinement, qui a tenu le pays à bout de bras ?  Les travailleuses et travailleurs des « premières lignes », dans les plateformes de logistiques qui nous permettaient de recevoir nos commandes via internet, dans la santé et l’aide à domicile, aux caisses des supermarchés, etc. Dans ces secteurs, comme celui du BTP, de la restauration, du nettoyage, de la sécurité, etc. avec ou sans papiers, ce sont des travailleurs les plus exploités qui font tourner l’économie.

À Chronopost, où les travailleurs font grève depuis plus de 30 mois, les cadres savent très bien qui a des papiers et qui n’en a pas. Quand il y a des camions à décharger en dehors des cadres réglementaires, ils s’adressent aux sans-papiers. Si ceux-ci résistent, ils perdent leur emploi d’intérimaire. En maintenant volontairement des travailleuses-travailleurs sans papiers, les patrons savent qu’ils gardent une main-d’œuvre corvéable à merci. Cela leur permet aussi de tirer vers le bas les salaires de tous les salariés français ou immigrés. La lutte pour la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers relève de l’intérêt de classe de tous les salariés. Les wokistes et les indigénistes, en les assignant à résidence communautariste, spirituelle et ethnique, fragmentent le salariat et font le jeu des capitalistes.

Les lycéens et étudiants, chercheurs, femmes et hommes sont notre avenir, quelle que soit leur origine, leur nationalité.

Accueillir des étudiants étrangers, c’est aider leurs pays d’origine à se développer. C’est aussi aider la France ! Marie Curie était Polonaise ! Manouchian était arménien ; même s’il n’était pas « étudiant », il aurait sans doute été « sans-papier ». Il a combattu dans la résistance organisée par le PCF pour contribuer à libérer notre pays du joug nazi. Bien d’autres scientifiques « étrangers » apportent encore leurs contributions dans les équipes de recherches en France et partout dans le monde. 

Alors pourquoi tant de discours haineux et mensongers ?

En se servant des Immigrés comme boucs émissaires, le patronat, l’État et l’extrême droite divisent les travailleuses et travailleurs.

Sur le plan médiatique, cela leur permet de ne pas parler du pouvoir d’achat, de la précarité, du logement et de la dégradation programmée des services publics, déjà bien avancée (Transports publics, Santé publique, Éducation nationale, Poste, etc.). Notre riposte doit être l’unité sociale. Nous devrons lutter tous ensemble contre les prochaines attaques antisociales et pour de nouvelles conquêtes sociales.