A l’heure où sont rédigées ces lignes, la répartition des groupes politiques au Parlement européen (PE) n’est pas encore définitive mais les tendances issues des élections européennes des 4-7 juin sont désormais claires. Un premier fait marquant de cette consultation est la chute considérable de la représentation des partis issus de la social-démocratie dans l’Assemblée.
Au niveau continental, le Parti socialiste européen (PSE) est, en effet, le groupe qui connaît la plus grande réduction de ses effectifs au PE. Avec 162 députés sur 736, ce groupe perd 55 sièges par rapport à la mandature précédente (le PSE avait obtenu 217 élus en 2004) pour ne plus représenter que 22 % des eurosdéputés (contre 27,6 % entre 2004 et 2009).
Comme le constate fébrilement Poul Nyrup Rasmussen (président du PSE), «une espèce de découragement (…) a sans doute touché d’abord nos électeurs dans le contexte actuel».
Une « espèce » ? Un rapide tour d’Europe des votes obtenus par les partis sociaux-démocrates permet de prendre la mesure du phénomène.
En Allemagne, le SPD a obtenu son plus mauvais score pour une élection européenne avec 20,8 % des voix (contre 21,52 % en 2004 et 30,7 % en 1999).
Au Royaume-Uni, avec 15,31 % des voix, le Labour Party du Premier ministre Gordon Brown arrive, humilié, en troisième position après le Parti conservateur et le United Kingdom Independence Party. Il s’agit du plus mauvais score de ce parti à une élection depuis 1918.
En Italie, avec 26,14 % des voix (31,10 % en 2004), le Parti démocrate prolonge sa lente dérive électorale même s’il semble momentanément amortir cette chute grâce aux effets du nouveau scandale qui a touché Silvio Berlusconi pendant la campagne.
Aux Pays-Bas, le PvDA travailliste a été le grand perdant des élections. Avec 12,10 % des voix, il enregistre une chute de 11,50 % par rapport à 2004 où il avait obtenu 23,60 % des voix.
La situation – à l’exception de la Suède et de la Grèce où les sociaux-démocrates obtiennent un score comparable ou supérieur à celui de 2004 – est partout la même. Et ce, dans les pays historiques de la social-démocratie comme dans les autres : perte de 20 % des voix pour les socialistes au Portugal, de 10,5 % en Autriche (le SPÖ perd la première place), de 5 % en Espagne, de 4 % en Finlande, etc.
La sombre réalité de la social-démocratie, partout en Europe, est que sa conversation heureuse à l’idéologie néolibérale et son renoncement à des politiques de transformation et à la défense des intérêts des classes populaires depuis 25 ans ont abouti, durablement, à sa disqualification politique auprès de ces dernières. Ce phénomène a produit une évolution politique majeure dont les tendances s’expriment aussi bien, à des degrés divers, dans les votes nationaux et au niveau européen : pauvres et classes populaires décrochent de la vie politique ou votent à droite.
Dans plusieurs pays – dont la France -, une nouvelle et douloureuse réalité sociopolitique se révèle et s’impose aux partis sociaux-démocrates : une partie de leur électorat issue des classes moyennes aisées et libérales (dont celles qui avaient voté « oui » au référendum de 2005 en France) s’évapore vers d’autres formations, notamment les Verts.
Le constat proposé – dans son éditorial sur les résultats de l’élection européenne – par l’organe de presse de la finance internationale, le Financial Times, est aussi ironique que lucide : « les partis dont la mission historique fut de remplacer le capitalisme par le socialisme n’ont pas de philosophie de gouvernement. Leurs politiques anti-crise sont à peine distinguables de celles de leurs rivaux. » (1)« Europe’s right turn » (9 /06/2009)
Faut-il s’en remettre à la finance internationale pour que la social-démocratie européenne, si attentive à ses points de vue, comprenne l’impasse dans laquelle elle s’est fourvoyée ?
Notes de bas de page
↑1 | « Europe’s right turn » (9 /06/2009) |
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