Source : http://huberthurard.over-blog.com/2017/04/ne-simplifions-pas-le-dilemme.html
Faut-il être surpris par la présence du Front National au second tour de l’élection présidentielle ? Tous les sondages, qui devraient en passant être interdits en ces périodes décisives de choix, ont placé Marine Le Pen au second tour. Après la présence du FN au second tour des régionales, des municipales et sa victoire aux européennes ne soyons plus surpris de voir ce parti encore ici.
Depuis dimanche soir, les donneurs de leçon appellent au vote républicain. A faire barrage, à voter Macron, à voter contre le FN et usent à foison de toute contorsion sémantique pour nous appeler à sauver la République.
Ils en appellent au peuple et à la responsabilité. Mais que n’ont-ils fait médias, responsables syndicaux du MEDEF et élus aux plus hautes fonctions durant toutes ces années si ce n’est de participer à rendre le fascisme audible ? François HOLLANDE nous ferait l’affront de nous faire croire qu’il découvre le danger depuis dimanche soir alors qu’il a reçu la cheffe de file de ce parti à l’Elysée et que sa politique d’injustice sociale et économique a participé à envoyer des millions de gens vers ce vote contestataire. Nos radios, nos télés, nos hebdos ont depuis des années donné la parole aux colporteurs de la préférence nationale. Ils ont mis les coups de projecteur sur le sensationnel, en ont fait des tonnes sur des faits divers, ont utilisé des champs lexicaux qui sont entrés dans des inconscients collectifs. Comment le sentiment d’insécurité a pu naître ainsi dans des villages paisibles si ce n’est à cause de tous ces abus éditoriaux savamment distribués au compte-goutte depuis des années ? Comme il n’y a jamais eu de pédagogie chez ces médias de masse il a fallu que le peuple téléspectateur, auditeur, lecteur fasse lui-même preuve de discernement et d’esprit critique. Exercice devenu de plus en plus répétitif pour certains et toujours inexistant pour d’autres, toujours plus nombreux.
Marine LE PEN a été auditionnée par le MEDEF en mars dernier. Est-elle aux yeux du MEDEF une candidate comme les autres ?
Ce parti, qui aurait dû être interdit il y a des années si nos élus de tous bords avaient eu ce courage, est reçu comme un parti républicain lambda sur tous les plateaux de télévision. Et la tribune qui lui est ainsi offerte régulièrement lui permet de distiller un programme xénophobe dissimulé subtilement en maîtrisant l’art de la litote et de la tromperie face à une espèce de respectabilité passive qui me donne systématiquement des nausées. Je reçois alors dans ces situations le venin d’un côté et le zèle bienséant du journaliste modéré ou de l’élu bien élevé qui derrière sa posture de neutralité m’invite à croire en une certaine duplicité.
Ils ont créé Frankenstein, ils l’ont élevé et me demandent, une fois de plus et avec obséquiosité de le combattre.
Et qu’en est – il également de toutes celles et ceux qui se comportent aujourd’hui comme des directeurs de conscience ou comme des juges de moralité en exhortant à voter Macron, avec comme seul argument la simplicité d’un raisonnement binaire, celui ou celle qui n’a pas envie de le faire ? Qui vient aujourd’hui me sermonner et me pousser vers le candidat de cette finance qui oppresse quand depuis des années je me bats contre le fascisme du Front National en utilisant l’éducation, la réaction systématique, la présence sur le terrain ? Où donc étaient tous ces prophètes cycliques quand je me suis constitué « délinquant solidaire » auprès du procureur de la République en 2009 pour avoir commis le « délit de solidarité » ou bien quand j’ai été poursuivi au tribunal par un nostalgique de la division Charlemagne ? Ce n’est pas tous les cinq ans qu’il faut se réveiller et appeler à combattre le fascisme. C’est en réagissant en masse à un article, à une interview qui, directement OU indirectement fait le lit du racisme (croyez bien que si l’Obs ou BFM ou France 2, TF1 et consorts reçoivent 10 000, 20 000, 100 000 commentaires réguliers sur leur façon de traiter l’information ils en tiendront compte). C’est aussi en ne laissant jamais passer un discours douteux. C’est en faisant de l’éducation populaire, en prenant position au lycée et à la faculté, en prouvant par l’Histoire que la préférence nationale est insensée et qu’elle amène la guerre, en militant dans une association, un parti, un mouvement, bref en agissant aussi souvent que cela est nécessaire. C’est aussi par le bulletin de vote. Par celui du premier tour avant celui du second. Par le choix de sortir d’une constitution qui permet d’en arriver là où nous en sommes et qui privilégie une monarchie républicaine en lieu et place d’un régime exclusivement parlementaire. Cette même constitution qui à travers son article 16 donne les pleins pouvoirs au Président de la République et qui permet donc à une dictature de s’installer avec le soutien constitutionnel.
Oui, le vote Le Pen est un déni de la République. Je ne ferai pas de calculs politiques en taisant mes opinions. Il est considéré pour beaucoup comme un vote protestataire mais il n’est pas possible aujourd’hui d’ignorer qu’il est mêlé à des votes racistes et xénophobes, antisémites et nationalistes. Il ne faut pas croire au ton mielleux de celle que l’on suppose être le paisible Chaperon Rouge.
Certains électeurs se sont certainement drapés dans le vote Macron ou Fillon en pensant habiller un statut social. Ils se sont pris pour des cadres ou pour des rationalistes économiques par désir d’appartenance, se sont pris pour des bien-pensants réalistes par culte du monde Bourgeois-Bohème. Parmi ceux-ci il y en a qui découvrent le projet d’Emmanuel MACRON depuis dimanche soir. Pas tous bien sûr. Je ne ferai pas cette absurdité intellectuelle et sectaire. Néanmoins la situation actuelle d’un soutien au projet « En Marche » qui n’est que de l’ordre de 18 % du corps électoral va, dans ce contexte d’une confrontation avec l’extrême droite, condamner tout décompte d’adhésion supplémentaire qui aurait pu se produire dans le cadre d’un second tour exclusivement républicain. Chirac n’avait pas tenu compte des 82 % de 2002 dans sa politique et ce fut une erreur qui aura encore malheureusement des conséquences le 7 mai prochain.
Macron porte le projet du libéralisme économique absolu qui va continuer à exclure mais qui saupoudrera habilement le peuple qui souffre du juste nombre nécessaire d’amortisseurs sociaux devant empêcher, selon leurs analyses, toute forme de révolte populaire. « Ça peut tanguer un peu mais on maîtrisera la situation » se disent-ils dans leurs logiques morbides.
Dans six mois les groupes de presse auront détruit leur jouet MACRON et s’en seront trouvé un autre. Dans six mois ils nous diront qu’il est le Président le plus mal-aimé de la Vème république et que sa « côte de popularité » est de seulement 35 %. Dans un an, elle sera à 20 %. Le candidat du patrimoine financier aura alors préservé les richesses de ceux qui ne savent plus quoi en faire si ce n’est les contempler et aura entretenu le rêve des déjà nantis qui veulent toujours posséder davantage sans jamais se poser la question de savoir au détriment de qui ou de quoi ils se gavent.
La politique telle qu’elle est pratiquée par les opportunismes de toutes sortes porte préjudice à notre démocratie. La soif de pouvoirs a été permise et encouragée par la possibilité de cumuler et de cumuler encore. Notre constitution a engendré des professionnels de la politique qui règnent en seigneurs néo-féodaux sur leurs territoires et sur les consciences de ceux qui se sentent redevables. Regardez donc aujourd’hui comme les courtisans, tels les candidats potentiels d’En Marche, hèlent désormais leur jeune suzerain en quémandant une investiture non plus des cris de « Marly sire, Marly » mais en prônant la zélée résignation économique sur les réseaux sociaux. Le népotisme qu’ils ont organisé est à tous les étages mais ils nous demandent néanmoins de l’encourager en votant contre Le Pen elle-même adepte du concept. Ainsi dit, on espère d’ailleurs que la pilule passera mieux !
Et puis de l’autre côté des hypocrites zélés il y a ceux qui se drapent peut-être aussi dans une posture où leur analyse tient probablement au seul fait de se croire courageux, téméraire et à contre-courant. Ils détiennent la certitude et schématisent leur argumentation, comme les partisans du « vote utile », en utilisant toutes sortes de slogans tous aussi réducteurs les uns que les autres. Là aussi, je ne commettrai pas l’erreur de généraliser ce comportement car il y a pour beaucoup d’autres de ces abstentionnistes une cohérence de raisonnement que je comprends et que j’ai d’ailleurs présentée plus haut
Faut-il voter donc une nouvelle fois par dépit ? Réduire la démonstration à une pensée binaire ou au contraire se perdre en arguties ne permet pas d’avancer. La prise en compte du complexe n’est pas annihiler la prise de décision et n’en déplaise à celles et à ceux qui croient soit détenir la vérité soit s’expriment confortablement dans l’immédiateté il peut pour tous les autres être difficile de faire un choix. La contorsion intellectuelle n’est pas plus simple que ce que la situation le laisse croire.
Je fais partie de ceux qui ne sont pas sensibles aux consignes de votes et j’ai toujours trouvé là aussi la posture de ceux qui s’y astreignent avec ardeur bien narcissique et vaniteuse. Le dilemme ne se règle pas par sommation morale. Le vote se fait selon âme et conscience et nul ne peut juger, d’où qu’il soit, ce qui détermine pour un individu le choix entre l’abstention et le vote Macron.
Ce qui me guide comme citoyen républicain et comme père est le combat contre l’injustice et contre toute forme de fascisme. Me faut-il être une nouvelle fois la main de fer du système pour repousser encore une fois et pour un temps seulement celle à qui il a lui-même donné naissance ? Qu’ils me laissent donc avec mon esprit critique et mon libre arbitre faire l’analyse de la situation dans laquelle ils m’ont plongé. Je n’ai pas besoin du dictat de la pensée unique.
Ce système politique tiendra-t-il compte de mon sacrifice citoyen en changeant la constitution ? Non.
Tiendra-t-il compte de celui-ci en proposant plus de justice sociale ? Non.
Les médias vont-ils apprendre de leurs fautes et lutter contre le FN en ne lui faisant plus la courte échelle ? Non.
Et pour tous il en sera toujours non car le système qu’ils entretiennent les nourrit et les engraisse.
Il y a une chose et une seule sur laquelle je peux compter si je fais ce choix de faire barrage encore une fois par mon vote au fascisme et à l’idéologie haineuse c’est la percée et la constance des valeurs humanistes et républicaines qui sont portées par le mouvement et par tous les gens que j’ai le plaisir et la responsabilité de représenter aux élections législatives. La ferveur insoumise qui s’est démontrée dans les urnes ne doit pas s’éteindre en juin prochain. Elle doit s’amplifier et nous donner les moyens de stopper les attaques aux plus démunis et de proposer à ceux qui souffrent de retrouver le goût du bonheur par le fait d’un travail parlementaire acharné. Ma détermination à changer notre société s’enrichit de cette mobilisation et de cette prise de conscience collective qui s’est exprimée dimanche 23 avril dernier. Demain, un autre candidat, une autre candidate, s’enrichira de cette même mobilisation parce que cette détermination est portée par tous ces militants et par toutes ces militantes qui ne cessent de s’investir depuis des années sur le terrain et auprès des gens sans besoin de lumière ou de reconnaissance mais simplement pour prendre leur part à une volonté de changement.
Pas une voix de la France Insoumise ne peut aller au Front National et je continuerai toujours à combattre ce parti partout où il se trouve et de toute manière que ce soit. Nous sommes toutes et tous convaincus que ce système politique arrive à sa fin et il nous faut vite vite vite le changer avant qu’il ne soit vraiment trop tard. C’est encore possible mais cela ne semble plus dépendre que ce que nous voterons toutes et tous les 11 et 18 juin prochains… Mobilisons nous encore parce que cela en vaut la peine !