Nouveau théorème de Barnier : voter Macron pour éviter Le Pen, c’est favoriser l’alliance Macron-Le Pen

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L’article tente une analyse de ce que nous dit le projet de loi de finances (PLF) quant à la situation politique et économique du gouvernement Macron-Barnier sous surveillance du RN.

Macron a réussi le tour de force de devenir champion d’Europe de l’accroissement de la dette : 1 000 milliards d’euros sous son règne. Aucun autre pays européen n’a réussi à l’égaler. Et ce n’est pas fini, car, il y a un an, le déficit budgétaire prévu était de 4,4 %, il s’est élevé un an plus tard à 6,1 % soit 1,7 point de PIB d’écart soit près de 50 milliards d’euros, ce qui est énorme. Le président de la Cour des comptes demande une explication. Philippe Brun, député socialiste, vice-président de la Commission des finances, demande une commission d’enquête. Bruno le Maire répond par un SMS : « la vérité apparaîtra plus tard ! » Nouveau record : la France emprunte à 10 ans à un taux supérieur à l’Espagne ! L’écart avec l’Allemagne grandit au bénéfice de l’Allemagne. En termes de compétitivité, la France et l’Union européenne décrochent vis-à-vis des États-Unis et de la Chine !

École, mortalité infantile, santé publique…

La France tente un nouveau record européen grâce à la croissance de sa mortalité infantile ! L’année scolaire 2023-2024 a vu de nombreuses classes sans enseignants devant elles : pour améliorer les choses, le gouvernement Barnier décide de proposer pour 2025 la suppression supplémentaire de 4000 postes d’enseignants, dont 3 155 dans l’école maternelle et élémentaire ! L’accroissement de la mortalité infantile en France est tel que nous pouvons devenir malheureusement champion d’Europe dans cette catégorie ! Ensuite, alors que l’Objectif national des dépenses d’assurance-maladie (Ondam) 2023 a été augmenté il y a un an de 3,3 %, l’Ondam Barnier est proposé à 2,8 % au lieu de 10 % pour satisfaire les besoins sociaux non satisfaits ! La casse de l’hôpital public se développera donc. Et tout est à l’avenant(1)Une visioconférence géante sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025 aura lieu le vendredi 25 octobre 2024. Adressez-nous vos adresses électroniques pour y participer..

Le pire budget d’austérité

La proposition de budget 2025 par le gouvernement Macron-Barnier-Le Pen est le pire budget de la Vème république du point de vue de la classe populaire ouvrière et employée et même des couches moyennes intermédiaires, c’est-à-dire objectivement de la majorité de la population française. Nous verrons comment il sortira du débat parlementaire. En attendant le débat parlementaire, rappelons que la France est sous contrôle de la Commission européenne pour déficit excessif comme six autres pays de l’UE. Michel Barnier, eurocrate patenté, homme de confiance de la bureaucratie bruxelloise animée par Ursula Van der Leyen, qui aurait dû remettre le 20 septembre dernier le document relevant du Pacte de stabilité a obtenu un report de délai d’un mois.

Il a également obtenu de la présidente de la Commission de préparer son document en promettant un retour aux 3 % de l’ordolibéralisme européen, non pas en 2027, mais en 2029. Cela a permis à Michel Barnier et aux réactionnaires qui dirigent la France actuellement de ne pas augmenter l’impôt sur le revenu des Français riches qui gagnent jusqu’à 40 000 euros par mois ! 

Et la gauche ? Le RN au tournant !

Voilà pourquoi la responsabilité de la gauche est entamée. Il n’est plus concevable de se satisfaire des 28 % des voix du NFP au premier tour des législatives de fin juin 2024. Même avec du bruit et de la fureur ! Et encore moins de vociférer que l’on a gagné avec 28 % des voix. La gauche doit devenir une gauche de gauche et se mettre en ordre de marche pour s’engager sur une voie visant à la majorité absolue contre l’union en formation de toutes les droites incluant le RN dès la prochaine élection. Car c’est cela qui nous attend ! Le barrage des « castors » ne suffit plus ! Mais pour cela, la gauche, le NFP et toutes ses composantes sans exception, doivent changer de ligne stratégique en commençant par unifier la classe populaire ouvrière et employée (45 % de la population active) au lieu de la diviser par la doctrine de Terra Nova de 2011(2)Sources : « Quand la gauche dit “adieu” aux ouvriers et employés », voir la note de Terra nova : « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? ». prônant l’abandon de la classe populaire et de la lutte des classes au profit d’une alliance wokiste des couches moyennes supérieures avec des catégories identitaires qui sont essentialisées dans la discrimination (femmes, « racisés », LGBTQI+, etc.). Nous ne pouvons pas rester l’arme au pied lorsque la classe populaire s’abstient principalement, mais commence à voter de plus en plus RN parce qu’ils subissent le déclassement et qu’ils se sentent abandonnés par la gauche(3)Voir les travaux de Benoît Coquard.! Non ! Tous les électeurs RN ne sont pas des racistes !

Et l’Union européenne ? Que penser du rapport Draghi ?

En attendant, vu l’importance des politiques de l’UE sur la politique française, il convient aussi de parler du débat européen.

Mario Draghi est un ancien banquier de Goldman Sachs, ancien président de la BCE, ancien président du Conseil italien, membre du groupe de Bilderberg et de l’Académie pontificale des sciences sociales. Il vient de produire un rapport qui fait date(4)Lire le rapport : https://commission.europa.eu/document/download/97e481fd-2dc3-412d-be4c-f152a8232961_en?filename=The%20future%20of%20European%20competitiveness%20_%20A%20competitiveness%20strategy%20for%20Europe.pdf.. Ce dernier est intéressant d’abord parce qu’il établit une critique en règle contre certains éléments des traités, documente sérieusement, face aux sceptiques irrationnels, le retard en termes de productivité de l’Union européenne face aux États-Unis et à la Chine et fixe des propositions. Selon lui, il s’agit de redonner de la vigueur à la compétitivité européenne. Mais cela n’étonnera personne, il reste à l’intérieur d’un horizon capitaliste libéral et attaché à l’ordolibéralisme européen. Il propose de se mettre en ordre de marche pour investir 800 milliards d’euros par an pour améliorer la productivité européenne. Il va sans dire que les adorateurs de l’actuelle Union européenne et du statu quo sont peu enclins à le suivre. Ce rapport est également un appel pressant à réviser les traités de l’Union et en particulier celui de son fonctionnement.

« Le renforcement de l’UE nécessite des changements de traités, même si ce n’est pas une condition préalable pour que l’Europe aille de l’avant. Beaucoup peut être fait par des ajustements ciblés jusqu’à la mise en place du consensus pour les modifications du traité. »

Dans le domaine du commerce international, les traités prônent le libre-échange généralisé et l’ouverture des frontières, allant même jusqu’à demander dans l’article 206 du Traité de Fonctionnement de l’Union européenne «…la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres. », c’est-à-dire sociales et environnementales. La raison exigerait, au contraire, la régulation des échanges et le protectionnisme écologique et social pour satisfaire les besoins sociaux de la grande majorité.

Aller plus loin que Draghi : engager des ruptures avec la doxa bruxelloise

Bien sûr du point de vue du bloc historique populaire à créer, la proposition de Mario Draghi doit être combattue, car il n’organise son plaidoyer que sur la compétitivité des économies et néglige les besoins sociaux des catégories populaires et la lutte pour la justice sociale. Et donc, nous devons intégrer notre réflexion sur la double besogne(5)La double besogne, c’est l’articulation entre les revendications immédiates et le modèle politique vers lequel nous souhaitons aller.. C‘est pourquoi le débat argumenté sur l’Union européenne doit reprendre, car la gauche ne peut pas se contenter d’un plus de redistribution somme toute nécessaire, mais il faut aussi des ruptures. Comme le dit l’économiste David Cayla : « Certaines propositions impliquent de véritables ruptures, comme celle consistant à engager un bras de fer avec les autorités européennes pour sortir du marché européen de l’électricité et rétablir un monopole public, de mettre fin aux traités de libre-échange et de modifier le droit de la concurrence.» Et pour améliorer le programme du NFP, il faudrait aussi centrer sur la double besogne en matière de sphère de constitution des libertés (école, services publics et Sécurité sociale). Le débat est donc ouvert !

Innovation technologique et productivité

Nous partageons le fait que le risque d’un déclassement de l’Union européenne à l’horizon 2050 comme puissance économique mondiale selon le scénario de Patrick Arthus(6)Voir l’article d’Alternatives Économiques : « Patrick Artus : “2050, c’est la disparition de l’Europe comme puissance économique” ».. Il développe l’idée que l’Union européenne est un échec patent, car elle est organisée avec des « technologies et industries intermédiaires du passé ». L’Europe n’innove plus. Sa productivité baisse. Le nombre de salariés qualifiés est insuffisant pour la période. Le prix de l’énergie est trop élevé. Et la complainte des entreprises sur le surcroît des normes est irrecevable et c’est Isabel Schnabel, qui ne peut être considérée comme une révolutionnaire, qui le dit(7)Lire : « From laggard to leader? Closing the euro area’s technology gap ».. Elle montre que les multinationales américaines installées en Europe ont des gains de productivité bien plus élevés que leurs concurrentes européennes. Et en France, le peu de croissance est principalement dû aux dépenses publiques que les élites françaises veulent raboter(8)Lire à ce sujet sur l’Insee« Point de conjoncture du 9 septembre 2024  »..

Mais là où on ne peut qu’être d’accord avec Mario Draghi : il faut 800 milliards d’investissements par an soit près de 4 fois le plan Marshall si on compare en points de PIB et si on veut d’une part résoudre le problème de productivité et d’autre part engager les investissements écologiques.

Par contre, son projet passe par une fédéralisation totale de la politique industrielle et économique, fédéralisation qui aujourd’hui ne peut se faire qu’aux conditions de l’Allemagne depuis que le mythe du couple franco-allemand est tombé. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

Mener une campagne pour une nouvelle hégémonie culturelle

Prenons un exemple que le bloc bourgeois développe. Les prélèvements obligatoires français sont les plus élevés d’Europe donc, il faut faire des économies sur les dépenses publiques. Ce mantra débile doit être démonté. L’ensemble des prélèvements obligatoires se monte à 43 % du PIB en 2023 (le PIB étant d’environ 2565 milliards). 56 % de cet ensemble correspond aux recettes de la Sécurité sociale, 29 % de l’État et 15 % des administrations territoriales locales. Les journalistes du bloc bourgeois oublient de dire qu’ils comparent des choux et des carottes.

Car la Sécurité sociale qui finance la grande majorité des retraites, des soins de santé, des prestations familiales, des prestations logement, des services publics de la petite enfance, de l’animation sociale, des prestations autonomie, des prestations sur les accidents du travail et maladies professionnelles, etc., c’est de l’argent public. Ce sont des prélèvements qui retournent aux Français via une socialisation de la satisfaction des besoins. Et les journalistes du bloc bourgeois comparent avec d’autres pays qui ont partiellement ou majoritairement privatisé ce qui est financé en France par de l’argent public. Et bien les prestations privatisées ne sont pas comprises dans les prélèvements obligatoires comme les complémentaires Santé d’ailleurs. Les comparaisons faites par le bloc bourgeois sont donc grotesques. Voilà pourquoi, nous devons développer une éducation populaire refondée, car les journalistes du bloc bourgeois disent n’importe quoi !

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Une visioconférence géante sur le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2025 aura lieu le vendredi 25 octobre 2024. Adressez-nous vos adresses électroniques pour y participer.
2 Sources : « Quand la gauche dit “adieu” aux ouvriers et employés », voir la note de Terra nova : « Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? ».
3 Voir les travaux de Benoît Coquard.
4 Lire le rapport : https://commission.europa.eu/document/download/97e481fd-2dc3-412d-be4c-f152a8232961_en?filename=The%20future%20of%20European%20competitiveness%20_%20A%20competitiveness%20strategy%20for%20Europe.pdf.
5 La double besogne, c’est l’articulation entre les revendications immédiates et le modèle politique vers lequel nous souhaitons aller.
6 Voir l’article d’Alternatives Économiques : « Patrick Artus : “2050, c’est la disparition de l’Europe comme puissance économique” ».
7 Lire : « From laggard to leader? Closing the euro area’s technology gap ».
8 Lire à ce sujet sur l’Insee« Point de conjoncture du 9 septembre 2024  ».