Pour l’émancipation sociale et démocratique, exit le gouvernement Macron-Barnier

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Cela fait maintenant plusieurs semaines que le Président a tergiversé quant à la nomination d’un nouveau  Premier ministre permettant la constitution d’un nouveau gouvernement. Les scenarii se sont accumulés : gouvernement technique, coalition allant des communistes à la droite dite républicaine excluant les Insoumis, gouvernement NFP avec des Insoumis, gouvernement NFP soutenu par LFI sans ministres insoumis… Des personnalités ont été mises en avant. Finalement, le choix s’est porté sur Michel Barnier, vieux routard de la politique. Au lieu de nommer Lucie Castets, proposée par la coalition arrivée en tête, ce qu’a voulu le Président Macron, c’est de continuer la même politique néolibérale et ordolibérale qu’il mène depuis 2017 sans tenir compte du vote des électeurs qui eux ont dit clairement qu’il ne voulait plus de sa politique. L’irresponsabilité du président Macron justifie un appel à sa démission que seul un mouvement populaire peut obtenir.

Changer pour ne rien changer : la stratégie présidentielle

La dissolution, issue d’un caprice présidentiel, n’a pas apporté la clarification attendue par l’Élysée. Une seule certitude : l’extrême centre a été rejeté par plus de 60 % des électeurs. Toute la problématique de Macron est de poursuivre la politique menée depuis 2017 et déjà engagée avant cette date. Le Président est dans le déni. Il n’a pas écouté le peuple lors de la contre-réforme antisociale du système de retraite et n’écoute pas plus les électeurs qui se sont exprimés.

Les élus de droite et de l’extrême centre ne sont pas à une contradiction près. Souvent, ils oublient qu’ils ont été élus grâce au report au second tour des voix NFP, notamment de LFI, qui a bien fonctionné. Sans la stratégie de barrage dit du « castor », l’extrême centre macroniste n’aurait eu au maximum qu’environ 80 députés. Macron vient de nous offrir la pire scène de la société du spectacle en nous faisant croire à une grande différence entre Cazeneuve, Bertrand, Beaudet et Barnier ! N’importe quel citoyen éclairé pouvait dire qu’ils sont tous les quatre des néolibéraux et ordolibéraux avec des politiques quasi identiques sur les grands sujets sociaux du moment.

Dans un premier temps, il n’est pas question de soutenir un gouvernement dans lequel figureraient des ministres LFI. Dans un deuxième temps, quand vient la proposition de soutenir un gouvernement NFP sans ministre LFI, c’est le programme qui ne convient pas. Il n’est pas question de revenir sur la réforme des retraites rejetée par 70 % des Français et Françaises, pas question d’imaginer des prélèvements fiscaux plus justes pour que les ultra-riches contribuent au bien commun à la hauteur de leurs revenus et patrimoines.

Emmanuel Macron illustre le mésusage de la Constitution de la Ve République et accentue son caractère faiblement démocratique. Pour contrebalancer le caractère présidentiel de notre constitution, le recours au peuple par la voie référendaire est institué. Ce recours permet de donner une respiration démocratique. Seul le général de Gaulle en a tenu compte en démissionnant en 1969 à la suite d’un résultat qui le désavouait. Entre-temps, ni Jacques Chirac lors du référendum sur la Constitution européenne, ni Emmanuel Macron quand il se trouve désavoué, n’ont envisagé de remettre leur mandat en jeu ou simplement de tenir compte de la volonté populaire. Le président Macron dispose d’une grande puissance institutionnelle et, dans le même temps, adopte une attitude irresponsable, obnubilé qu’il est d’être porteur de la seule politique économique crédible. Tous les économistes alternatifs n’ont qu’à se rhabiller.

Barnier nouveau Premier ministre pour la continuité d’une politique rejetée par l’électorat

Michel Barnier semble correspondre à la quadrature du cercle macroniste et répondre à la question suivante : comment enjamber l’expression électorale manifestée à la sortie des urnes pour engager une rupture avec le macronisme et poursuivre la politique économique initiée depuis 2017 et bien amorcée les décennies précédentes ?

Le parcours politique de Michel Barnier répond à la volonté présidentielle de ne pas écouter la voix du peuple. Pour le président Macron, Michel Barnier représente au moins deux avantages.

Premier avantage : Michel Barnier est un vieux briscard de la politique depuis 50 ans. Comme il faut, au moins dans un premier temps, ne pas froisser le RN, choisir Michel Barnier, qui a été celui qui a défendu une position ferme sur l’immigration avec un moratoire sur la question, permet de ménager Marine Le Pen. Sans doute, un accord de cette dernière, pour ne pas dézinguer d’entrée le prochain gouvernement a été obtenu. Le fait que Jean-Philippe Tanguy, député du RN, se soit prononcé contre cette nomination n’empêche en rien la complaisance probable de son parti à son égard.

Deuxième avantage :  Il y a l’épée de Damoclès de la note à la Commission européenne sur le Pacte de stabilité que la France devra rédiger. C’est au bas mot 100 milliards d’économies et/ou de recettes à trouver. La faible croissance, 1 %, et une dette publique à 5,6 % ne laissent que peu de marges de manœuvre. Soit (sans exclusion d’une solution par rapport à l’autre) il y a une hausse des recettes notamment par des prélèvements sur les ultra-riches associée à des annulations de dépenses inutiles, comme le propose le NFP, soit il y a une renégociation des règles sur le déficit public avec l’Union européenne. Dans ce dernier cas, Michel Barnier, grand connaisseur des rouages européens, semble bien placé.

Conséquences antisociales d’une application stricte du pacte de stabilité

L’application pure et simple des directives ou recommandations européennes conduira à la poursuite de la destruction de nos services publics qui sont de plus en plus en déshérence.

L’extrême centre en France et les dirigeants de l’UE, au vu d’une nouvelle dérive de la dette française qui sera probablement au-dessus de 6 points de PIB en 2025, pensent que la seule solution envisageable est de diminuer sur 4 ans les dépenses sociales de 100 milliards d’euros pour respecter le pacte de stabilité de l’Union européenne(1)Source: EXCLUSIF Budget : les mesures chocs qui s’offrent au futur gouvernement pour reprendre le contrôle du déficit | Les Echos.. Il est alors clair qu’il faut soit négocier avec l’ordolibéralisme européen soit accélérer la destruction de l’école publique pour toutes et tous, des services publics pour toutes et tous, des 5 branches de la Sécurité sociale pour toutes et tous, et repousser les investissements de la bifurcation écologique.

À gauche : quelle stratégie ?

Le NFP s’est mis d’accord sur la candidature au poste de Premier ministre de Lucie Castets qui avance une possibilité de majorité de conviction sur certains sujets comme, entre autres, le retour aux 62 ans pour départ à la retraite. Cela relève du simple respect de leurs électeurs. Malgré le refus du Président de la nommer, il était indispensable de soutenir sa candidature.

Le soutien à un gouvernement Castets sans ministres LFI rappelle la position du PCF qui a soutenu le gouvernement du Front populaire en 1936. Les grandes différences entre 1936 et 2024 sont que LFI n’a pas le soutien majoritaire des ouvriers et employés, ce qui est rédhibitoire pour une stratégie de conquête du pouvoir et qu’il n’est pas inféodé, ce qui est positif, à une puissance étrangère, contrairement au PCF de 1936 qui a dû abandonner la stratégie « classe contre classe » et s’allier à la social-démocratie sur injonction de Staline, inquiet de la montée des fascismes.

Pour l’instant, la solidarité au sein du NFP semble tenir. Pourtant, déjà, apparaissent des velléités, notamment au sein du PS, de tourner le dos à la volonté électorale pour entrer dans une coalition qui poursuivra les politiques antisociales, les politiques de destruction des services publics et les politiques économiques contraires aux intérêts de la France et de ses habitants. Entrer dans de telles compromissions ne fera que renforcer le RN. La coalition des contraires anti-RN risque de ne plus fonctionner aux prochaines échéances électorales.

Pour une nouvelle ligne stratégique de gauche majoritaire contre le gouvernement Macron-Barnier

Sans une nouvelle ligne stratégique qui ne fracture pas la classe populaire ouvrière et employée, comme c’est le cas aujourd’hui dans sa complaisance avec le wokisme, l’intersectionnalité, le repli identitaire, l’indigénisme, la Gauche demeurera dans l’impuissance à conquérir le pouvoir. C’est à cette condition que la Gauche pourra obtenir que la politique austéritaire de Macron-Barnier soit censurée par la volonté populaire. L’inconnu demeure dans la capacité du mouvement populaire à se mobiliser. Pour cela, la Gauche doit principalement se recentrer sur la lutte :

  • contre les politiques fondées sur la « chasse aux pauvres » au travers de l’instrument privilégié de la numérisation, « chasse aux pauvres » menée par les Allocations familiales (16 milliards d’aides sociales ne sont pas sollicitées, voire selon les Comptes publics 120 milliards) et France travail,
  • pour la défense du pouvoir d’achat,
  • contre la paupérisation,
  • pour redonner de la chair aux services publics qui sont « à l’os »

Quelle politique économique pour la gauche ?

Se recentrer sur les revendications sociales ne sera pas suffisant. Il faut une nouvelle politique économique qui ne peut être seulement une politique de l’offre « keynésienne ». Après avoir dénoncé l’impasse des positions économiques du bloc bourgeois de l’extrême centre, il faut montrer, via une campagne d’éducation populaire refondée, que la politique économique du RN n’est qu’une variante de celle du bloc bourgeois. Le programme du NFP fixe, certes, un cap clair vers la justice sociale et fiscale, pour l’écologie qui est un préalable pour une bifurcation politique. Cependant, il ne précise rien sur leurs hypothèses de croissance, ce qui est fâcheux pour présenter une vision holistique de l’économie. En fait, c’est un programme de redistribution, mais aucunement un programme de rupture écologique et économique, rupture qui implique des changements structurels indispensables pour soutenir une lutte de classes imposée par le grand patronat et les droites politiques.

Une politique de réindustrialisation massive conforme aux principes de la bifurcation écologique surtout dans des secteurs de pointe dans l’avenir est nécessaire, contrairement aux politiques suivies et proposées en France, y compris par la gauche

Pour une gauche de gauche ou une gauche de rupture, la nécessité est de planifier une évolution économique et écologique qui lie gains de productivité, suppression de la misère, diminution de la pauvreté et des inégalités, augmentation de l’utilisation de l’épargne populaire. Tout cela doit aller de pair avec une augmentation de la démocratie au travail pour passer du salariat aux travailleurs associés(2)Voir les travaux de Bruno Trentin, Alain Supiot, et le livre de Nicolas et Teper, Penser la République sociale au 21ème siècle, que vous trouverez dans la librairie militante du site de ReSPUBLICA.

C’est la seule façon de lier un développement économique et social avec une perspective d’émancipation post-capitaliste. C’est la seule façon de libérer l’investissement et le développement de la domination de la rentabilité du capital comme aujourd’hui.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Source: EXCLUSIF Budget : les mesures chocs qui s’offrent au futur gouvernement pour reprendre le contrôle du déficit | Les Echos.
2 Voir les travaux de Bruno Trentin, Alain Supiot, et le livre de Nicolas et Teper, Penser la République sociale au 21ème siècle, que vous trouverez dans la librairie militante du site de ReSPUBLICA.