L’élection au suffrage universel du Président de la République a personnalisé, à un point tel le débat politique, que celui ci est désormais sous la dictature des sondages, des petites phrases, des experts et du marketing médiatique.
Les citoyens sont réduits à un rôle de simples spectateurs/consommateurs d’images, alors que tout devrait être mis en œuvre pour que ceux-ci soient les vrais acteurs de la démocratie. En faisant, avec la 5éme République, du présidentialisme le cœur de la vie politique, on a dépolitisé celle-ci, tout en hyperinstitutionalisant les comportements. On attend du Président et/ou de l’élu en charge d’une collectivité qu’il règle tout à la fois des problèmes d’ordre général mais aussi privé. Le présidentialisme est une machine à déresponsabiliser. Nous sommes dans une conception consumériste et non citoyenne de la politique.
De ce fait la politique, ou plus exactement le politique n’inspire plus confiance, mais plutôt le rejet, avec, comme conséquence, une abstention de plus en plus massive aux élections, notamment dans les milieux populaires.
On retrouve aussi, au niveau de nombreuses grandes collectivités, la démarche présidentielle et autocratique de la 5éme République, renforcée par la décentralisation telle qu’elle a été mise en oeuvre. La « course aux places » et les enjeux de pouvoir se substituent fréquemment à la bataille des idées, renforcés par la spécificité bien française du cumul des mandats.
La personnalisation du pouvoir est devenue le coeur de notre démocratie. Le « JE » a pris le pas sur le « NOUS ».Le collectif a cédé le pas à l’individuel.
Dans ces conditions, la participation réelle et active des citoyens à la gestion des collectivités, et à la vie publique en général, est pratiquement inexistante en France.
Pourtant la complexité croissante des rapports sociaux, la crise systémique, les enjeux et défis planétaires rendent indispensable l’intervention de l’ensemble des citoyens, y compris les plus en difficultés, dans tous les aspects de la vie de notre pays. Car ce qui est désormais en jeu, c’est l’émergence d’un autre type de développement, humain, écologique et démocratique, à l’échelle du monde et des territoires, pris dans leurs diversités. Cela appelle des réponses concrètes afin de construire une société plus fraternelle, une société plus respectueuse des hommes, des femmes et de l’environnement. Et ce n’est pas un homme (ou une femme) seul, même président de la République qui est en capacité de le faire ! Celle-ci ne pourra se construire que dans une mobilisation consciente et collective du peuple citoyen. La participation de tous au pouvoir de décision et d’orientation de la société est le plus fort facteur de cohésion sociale et de dynamisme.
Des propositions novatrices pour une nouvelle ère de la démocratie
Il est temps de sortir des formules incantatoires sur la démocratie, pour commencer à la mettre concrètement en actes, dans des pratiques de participation citoyenne, aux côtés d’un système représentatif reconstruit et revivifié. C’est crucial pour l’avenir de la démocratie.
Il est impératif :
- De mettre fin au présidentialisme et de refonder la République en mettant un terme à la Véme République, en exigeant la convocation d’une Assemblée Constituante afin de construire, avec l’ensemble des citoyens, une nouvelle Constitution pour une 6éme République démocratique,laïque,social et écologiste pour notamment :
- donner au Parlement de véritables pouvoirs et le contrôle sur l’exécutif, assurer la participation et le contrôle du peuple sur les lois, repenser l’organisation des territoires et la gouvernance de ceux-ci, développer la démocratie partout dans tous les domaines et à tous les niveaux.
- De repenser et de revivifier le modèle représentatif, en sortant du carriérisme en politique, en concevant l’engagement électif comme un engagement temporaire au service de l’intérêt général. Ce sera le moyen d’entraîner la participation d’un plus grand nombre à l’exercice d’un mandat d’élu, de favoriser le rajeunissement et la mixité sociale.Des pistes d’évolution, parmi d’autres, vont dans cette voie :
- scrutin proportionnel à toutes les élections. Le scrutin majoritaire favorisant la notabilité, la sur-reprèsentation masculine et le carriérisme politique.
- interdiction du cumul des mandats et limitation dans le temps de l’exercice du mandat (maximum de 2 mandatures)
- gouvernance collégiale et partage du pouvoir dans les collectivités, rotation des responsabilités,co-présidences, présidence tournante dans les intercommunalités,etc.
- séparer dans les collectivités, le pouvoir législatif (assemblée) du pouvoir exécutif
- interdire la présidence de deux exécutifs, ainsi que la présidence d’un exécutif, avec un mandat de parlementaire et le cumul d’un exécutif d’une commune avec l’exécutif d’une intercommunalité
- Favoriser un développement territorial, multi-niveaux, multi-acteurs et multi secteurs ayant en son cœur la mutualisation, la coopération et la participation citoyenne
- Introduction du mandat impératif ou introduction du référendum révocatoire à mi-mandat, qui obligerait les élus à respecter leurs engagements,
- Evaluation,chaque année,de l’action du Président de la République,des ministres,des parlementaires , des exécutifs des collectivités, par des jurys citoyens indépendants désignés par tirage au sort
- Mise en place d’un statut de l’élu, permettant à chaque citoyen quel que soit son statut social d’exercer un mandat sans risque d’être pénalisé,notamment dans l’évolution de sa carrière professionnelle. Le statut de l’élu doit aussi concerner le syndicalisme et le secteur associatif
- Parité dans toutes les strates institutionnelles et droit de vote aux étrangers résidants dans notre pays depuis un certain nombre d’années, afin d’éviter le repli communautaire et renforcer le vivre ensemble.
- De construire une nouvelle culture politique avec le peuple au centre. Renforcer l’intervention des citoyens sur tous les territoires, du local au mondialLa démocratie n’est pas seulement un mode de désignation des représentants, c’est surtout une manière de vivre ensemble, l’expression même de la dignité ; c’est de décider des affaires communes, de les mettre en œuvre et de se construire un destin commun, basé sur la solidarité, l’équité, la justice sociale, le respect des hommes, des femmes et de la nature, la coopération, l’ouverture au monde et aux autres cultures.Un tel idéal démocratique ne peut s’envisager et se construire que dans la durée, par une pratique longue visant à faire prévaloir l’intérêt général sur l’intérêt privé, par une culture de la citoyenneté et de la responsabilité, avec :
- Le droit à la participation citoyenne inscrit dans la Constitution, une loi qui en formulera les modalités d’application et une charte de la démocratie participative dans toutes les assemblées
- L’instauration de la citoyenneté et de la démocratie dans les entreprises (publiques et privées)
- Des dispositifs multiples :droits de pétitions des citoyens pour faire inscrire une question à l’ordre du jour des délibérations du parlement et des assemblées délibératives, forums participatifs, conférences de citoyens, assemblées citoyennes, jurys citoyens, comités d’initiatives citoyennes, conseils de quartier, droit de saisine, budgets participatifs, observatoires locaux des engagements, observatoires de la démocratie participative, conseils de développement participatifs, référendum d’initiative populaire, comités d’usagers participatifs, etc.
- Des modalités pratiques : tirage au sort et/ou panel de citoyens respectant la réalité sociale, la parité et l’échelle des âges, avec une animation territoriale à la participation citoyenne
- des moyens de communications : radios et TV locales, web TV, journaux, gérés par des collectifs citoyens dans les territoires de proximité, en toute indépendance,
- création d’un observatoire national et d’observatoires régionaux de la participation citoyenne
- D’informer et de former : le renouveau de l’éducation populaire et citoyenne est une exigence. Que chaque citoyen devienne maître de son destinIl faut favoriser l’accès de tous aux informations liées aux politiques publiques, et créer les conditions d’une appropriation collective des questions et problématiques soulevées par les citoyens. Tout citoyen bien formé et informé est capable s’agir en politique et de gérer, aux côtés des élus, toutes les affaires du local au mondial. Il faut développer une intelligence individuelle et collective Il est nécessaire :
- de favoriser l’émergence de médias pluralistes et indépendants des groupes de pression
- de multiplier les universités populaires et citoyennes pour re-donner de la vitalité au civisme, favoriser les prises de conscience émancipatrice individuelles, augmenter la puissance d’agir de chacun, œuvrer à la transformation sociale et politique d’une société qui ne peut rester en l’état
- de disposer d’une formation initiale qui inclurait des modules de formation à la citoyenneté active, dès l’école élémentaire (préparer les jeunes à être des citoyens responsables et actifs)
- De mettre en place une évaluation démocratique des politiques publiques sans laquelle il n’y a pas de citoyenneté activeIl ne peut y avoir de véritable démocratie participative active si le citoyen n’est pas assuré que les choix faits et discutés avec les décideurs sont bien appliqués, et donnent des résultats ; s’ils correspondent bien aux objectifs de départ, à l’intérêt général, à la cohésion sociale, sociétale et territoriale.
Nous sommes au début d’un long processus et ce d’autant plus que la démocratie entend relier entre elles toutes les échelles, du local au mondial, qu’elle porte sur tous les défis auxquels notre pays est confronté, qu’elle est au cœur de la gouvernance multi-niveaux, multi-acteurs et multi-secteurs de l’approche territoriale et qu’elle s’articule avec un projet politique global, constructeur d’autres rapports sociaux, d’autres institutions et d’une autre civilisation.
Il n’y a pas d’autres voies et alternatives pour répondre aux défis planétaires et à la survie de l’humanité.
Alors il est temps d’OSER LA DEMOCRATIE !
Les premiers signataires : Paul Ariès, politologue, directeur du Sarkophage, Francis Combes, écrivain, Patrick Coulon, co-auteur de « Démocratie participative et transformation sociale », Jean Claude Depoil, syndicaliste paysan,responsable agricole FDSEA03, Catherine Gégout, ancienne élue à Paris, Marc Lacreuse, co-animateur du collectif national Education populaire et transformation sociale, AlainLaurent,consultant,président de « Territoires responsables » Jean Claude Mairal, ancien président du Conseil général de l’Allier, Christian Maurel, sociologue,co-fondateur du collectif national Education populaire et transformation sociale, Yannick Monnet, membre du Conseil national du PCF, Héloïse Nez, enseignante, Patrick Norynberg, DGA développement social et territorial, auteur de « Faire la ville autrement » et « Ville,démocratie et citoyenneté,expérience du pouvoir partagé », Yves Rémi, directeur du CIDEFE, Julien Talpin, sociologue, Bernard Teper, co-animateur Réseau d’Education populaire » (REP), Pierre Thomé, auteur de « Créateurs d’utopies », Bernard Vasseur, philosophe, Pierre Zarka , association des communistes unitaires.