SARKOZY, HOLLANDE, MACRON, LA FRANCE À L’ÉPOQUE DES PRÉSIDENTS KLEENEX ?

Ou comment rendre compatible la Constitution de la Ve République donnant un pouvoir très très très fort au président, et une réalité de ce même pouvoir présidentiel très très très faible… à la merveilleuse époque de l’Europe et de l’OTAN.

Toute honte bue, votre serviteur est enfin de retour pour commenter la vie politique française ! Il faut en effet un certain culot de ma part pour revenir analyser dans ReSPUBLICA les évolutions politiciennes… après avoir prédit la victoire de Michel Barnier à la primaire du parti Les Républicains en décembre dernier, un fiasco total. 

Patatras, « l’homme du Brexit » a fini en 3e position, à 1400 voix de dame Pécresse, la présidente en tailleur rouge du conseil régional d’Île-de-France. 

Tout penaud, caché dans une petite grotte ariégeoise afin de fuir les lazzis et les quolibets de mes peu charitables camarades du comité de rédaction, j’ai tout de même pu faire le tour du problème grâce à la connexion wifi de mon espace néandertalien. Visiblement, le grand Michel (un mètre quatre-vingt-dix tout de même !) a été lâché au finish, comme on dit au pays du Brexit, dans la dernière ligne droite avant le scrutin. En effet, les médias qui le soutenaient, comme Le Point, Le Figaro, l’Express…, et qui le qualifiaient de « winner » et de « Biden français » se sont brusquement repliés en le traitant d’un seul coup de « bonnet de nuit ». Pourtant, Biden, que Donald Trump appelait aussi « Joe l’endormi », avait gagné ! … Et chez nos amis d’outre-Rhin, le nouveau chancelier n’est pas particulièrement un boute-en-train digne du comique troupier. Mais pour la presse française, « l’homme du Brexit » ne faisait plus l’affaire, il était brusquement devenu tout fade et tout mou, une sorte de nouveau « flamby ». Le « flamby » d’origine, Hollande, qui, lui, avait tout de même réussi son coup, lâchait d’ailleurs : « Michel Barnier a un côté prince charmant pour les maisons de retraite. »

Trop méchant celui-là, et pas seulement avec les « sans dents ».

Pourquoi l’oligarchie française propriétaire des médias a-t-elle donc changé d’avis, et de cheval, à 15 jours du scrutin fatidique ? Car, après 45 ans de vie politique, tous connaissaient à fond le politicien savoyard à ski, ses atouts et ses faiblesses en descente comme en slalom. Une chose aurait dû pourtant mettre la puce à l’oreille : en fait « l’homme du Brexit », le négociateur soi-disant victorieux de la négociation avec « Boris (Johnson) l’ébouriffé », n’était pas du tout le candidat de la nouvelle bureaucratie européenne. Plus encore : Ursula von der Leyen ne pouvait pas le sentir, d’après les magazines de stratégie politique que sont Gala et Closer ! Et Ursula, ce n’est pas une tendre avec son casque à pointe. En fait, Barnier appartenait au clan « Clearstream » … euh, pardon je veux dire au clan de Jean-Claude Juncker, l’ineffable banquier luxembourgeois. En écrivant cela, je me rends compte du peu d’informations dont nous disposons sur les rivalités internes au sein de la monstrueuse bureaucratie bruxelloise. Que savons-nous des coteries et des groupes de pression au sein de la Commission européenne ? Le secret bancaire a perduré à la fin de Juncker, presque rien ne filtre sur les rivalités de nos « vrais » dirigeants, vous savez, ceux et celles qui nous commandent au nom du drapeau que l’on hisse la nuit du premier janvier sous l’Arc de Triomphe !

Une chose aurait dû pourtant mettre la puce à l’oreille : en fait « l’homme du Brexit », le négociateur soi-disant victorieux de la négociation avec « Boris (Johnson) l’ébouriffé », n’était pas du tout le candidat de la nouvelle bureaucratie européenne

Bref, exit « l’homme du Brexit », et place à la première présidente de la République française (dans l’ambiance couleur bleue européenne, vous savez la couleur des projecteurs que l’on allume la nuit sur des monuments parisiens le premier janvier) ! Eh oui, je m’entête, je persiste dans les prédictions. Je ne peux pas m’en empêcher, c’est comme ça. Je crois en ma bonne étoile… et sur le fait qu’en termes de pures probabilités on ne peut pas toujours se tromper ! Car l’idée est toujours la même : le « phénomène C8-CNews Zemmour » coupe, de fait, l’extrême droite en deux. À qui profite ce « meurtre à la tronçonneuse » ? … À la droite classique et bien réac, bien sûr. Sans le « phénomène C8-CNews Zemmour », pas de second tour pour les réacs. 

Bien sûr, sur le plan politique ça ne va pas changer bézef : Pécresse, qui n’a de rouge que le tailleur, fera la même politique que Macron-Castaner, les éborgneurs de Gilets Jaunes. Mais « l’alternance » sera tout de même un grand moment de « respiration démocratique », comme on disait à Sciences Po du temps du gourou Duhamel. Après dix ans de socialisme, puis de socialisme en chaussures de « Marche », la droite qui marche elle aussi, mais seulement à la « Manif pour tous » reprendra la main. Une coalition droite+centre+un-peu-de-gauche prendra la relève d’une coalition gauche+centre+un-peu-de-droite… une sorte de balançoire à deux places qui fait plaisir à tout le monde, mais chacun doit attendre son tour.

Une coalition droite+centre+un-peu-de-gauche prendra la relève d’une coalition gauche+centre+un-peu-de-droite… une sorte de balançoire à deux places qui fait plaisir à tout le monde, mais chacun doit attendre son tour.

Il faut dire qu’avec  « Pécresse-tendresse » (non, ça c’était le slogan de Quilès en 1983 à la municipale de Paris), nous n’aurons qu’à faire un copier-coller de la gestion Macron sur les dossiers européens, sur la politique étrangère, sur l’alignement total envers l’OTAN, sur la « nécessaire » réforme des retraites, sur la liquidation de l’hôpital public, de l’école publique, du service public… tout pareil je vous dis, sauf bien sûr la cravate noire sur chemise blanche sera remplacée par le tailleur rouge. Il faut dire que le rouge sur fond bleu européen c’est presque mieux finalement ! Et puis une femme présidente de la République ça change tout, au niveau présentation. Nos amis d’outre-Rhin s’y sont déjà essayés, alors il ne fallait pas attendre. Et en France ça fera un peu Jeanne d’Arc. Ce qui tombe bien, comme nous sommes en froid en ce moment avec la perfide Albion sur les quotas de pêche et sur une sombre histoire de sous-marins avec un pays à l’envers du monde, finalement le symbole de « la pucelle d’Orléans » tombe à pic. Un détail tout de même, avec Jeanne-Pecresse, sur la photo on remplacera la lance historique par un Kärcher, ça fera plus moderne !

Bien sûr, certains esprits critiques vont me seriner « mais quelle est la raison d’un changement de président à chaque élection depuis Jacques Chirac ? ». Bon, bien sûr c’est la même politique depuis le « tournant de la rigueur » en 1983, nous aurions donc pu nous contenter d’un seul président ou présidente depuis 38 ans. Mais franchement, ça ferait trop Corée du Nord. Alors on change, c’est plus gai. Mais certains, en particulier nos amis d’outre-Atlantique, se sont aperçus depuis Mitterrand et surtout depuis Chirac que cela ne suffisait pas, qu’un président réélu prenait de très mauvaises habitudes, n’en avait plus rien à faire de rien, finissant par croire qu’il pouvait tout faire à sa guise, un peu comme un roi. Plus de contraintes de réélection ! Et cela se termine en catastrophe, comme lorsque Chirac et Villepin rechignent à soutenir la « guerre de civilisation » en Irak. Le discours de Villepin à l’ONU en 2003 a jeté un froid, un an après la réélection du grand Jacques. Depuis, avec le « gaulliste » Sarkozy, nous avons réintégré le commandement intégré de l’OTAN en 2009. Comme c’est une alliance politico-militaire, eh bien on fait de la politique. Et en France la politique depuis 1958, c’est la présidence de la République, merci au grand Charles (finalement il faudrait peut-être se méfier des grands…). Bref, d’après moi qui me suis trompé sur Barnier, je sors l’équation suivante de mon chapeau : pour rendre faible une présidence forte, le locataire du 55 rue du faubourg Saint-Honoré a droit à un seul tour de manège de 5 ans… pour ne pas attraper la grosse tête. Certains diront que c’est ça l’impérialisme américain…

Cela dit, j’ai un peu les pétoches, le comité de rédaction m’a bien prévenu : « si Macron est réélu, on te promet une ambiance à la Fouquier-Tinville… tu sais la charrette ! ». Bien sûr, je suis un républicain acharné, mais je trouve que mes petits camarades exagèrent un peu. Mais en 1794, les « exagérés » c’étaient les copains d’Hebert. Bref, ReSPUBLICA est dirigé par un comité de rédaction hébertiste !