« Tu déconnes Jean-Luc », une lettre ouverte

Tu déconnes Jean-Luc. Tu déconnes. Chavez est mort et ce n’est pas l’Amérique du Sud ici. Il n’y a pas tous ces paysans sans terre et tous ces miséreux éloignés du civisme et de la démocratie. Tu déconnes Jean-Luc parce que tu sembles faire comme si tu étais tout seul. Faire le tribun c’est bien, c’est tonitruant, cela fait monter l’adrénaline militante et cela rassemble. Tu as raison, il faut faire le tribun parfois et offrir ces grands moments de communion collective au peuple de gauche.
Cela ne rempli pas l’assiette mais un peu le cœur C’est déjà ça d’pris.  Tu portes de belles idées Jean-Luc, des idées neuves, soucieuses de justice, de solidarité, de fraternité. Tu places l’individu au centre de tout et le fric comme moyen et non comme but. J’y adhère moi à tout ça. Depuis le PS j’y adhère, depuis notre départ de ce parti j’y adhère toujours. Je ne suis pas résigné et je lutte contre la pensée unique que les pseudos intellectuels bien pensants, ceux qui pensent pour tous voudraient me faire avaler sous prétexte que celui qui voudrait faire autrement serait un excentrique que l’on n’appellerait plus « excentrique » mais extrémiste de gauche ! Les mêmes qui appellent « populiste » celui qui parle enfin et tout simplement au peuple sans démagogie pour le coup. Parce que la démagogie, la vraie, elle s’est désormais glissée dans leurs discours policés riches de mots compliqués qui font croire qu’ils ont tout compris au monde complexe et bouleversé qui nous entoure.
Mais tu déconnes Jean-Luc et tu fais parfois comme si tu étais tout seul.
Notre projet Jean-Luc, il faut le rendre audible, il faut le rendre réaliste. Ne t’énerve pas. Ne gueule pas, je suis calme moi. Je le sais moi, qu’il l’est, réaliste ! Mais avec tes sorties verbales passionnées et quelques unes de tes propositions bolivariennes tu nous ramènes le projet à un stade d’utopie pour toutes celles et ceux qui ne veulent ou ne peuvent Jean-Luc, oui, ne peuvent décrypter et analyser ces propositions. Et oui, le monde ne fonctionne pas comme tu voudrais, comme nous voudrions qu’il fonctionne tout de suite !
Par exemple, qu’est ce que c’est que cette connerie de balancer lors d’une émission de télé que tu veux taxer tous les revenus à 100 % au delà de 360 000 euros annuels ? Tu disais 90 % et c’était bon. Non, t’as voulu montrer que t’en avais, t’as voulu assumer ton panache et vlan, t’es allé vers le caricatural ! Sur le fond pourquoi pas mais sur la forme, c’est une connerie qui veut dire : « voilà notre rêve, etc etc » et qui favorise un peu plus le classement de ton parti à l’extrême gauche. Une mesure comme ça elle discrédite le reste du programme. Que l’on soit d’accord avec elle ou pas n’est même plus le sujet. On devient Alice au Pays des Merveilles, LCR, LO enfin bref, tu marginalises le projet tout entier avec ce type de connerie et ce, malgré nous.
Là, tu veux organiser une manif le 5 mai. Est ce notre rôle Jean-Luc ? Début 2012, tu parlais de révolution citoyenne. Tu n’évoquais que cette révolution par les urnes. Je partageais cette vision républicaine car nous sommes toi et moi des défenseurs acharnés de la République mais alors pourquoi cette manif ? Sur le fond, nous partageons évidement le diagnostic mais les urnes Jean-Luc, les urnes ! Là, tu facilites le job de la presse. Elle se réjouira de te mettre encore dans des cases de contestataires, d’extrémistes etc etc… Je sais bien que tu as envie de rue. Mais c’est trop tôt Jean-Luc, c’est encore trop tôt. C’est encore, fort heureusement, le temps des urnes. Je suis comme toi. Je suis profondément socialiste. Nous avons du quitter le parti et nos copains Lienemann, Filoche et les autres quand celui-ci n’a voulu garder du socialisme que le nom. Ils ont peut-être eu peur d’assumer des idées qui nécessitaient des combats acharnés à l’échelle européenne, je ne sais pas… Peur d’inventer un autre monde. Résignés. Bref, nous, nous sommes partis. Mais nous sommes partis pour que nos idées soient un jour au pouvoir.  Pas pour faire marrer la galerie avec des coups de gueule discrédités par leur fréquence. L’indignation, la révolte, nous la portons tous avec toi Jean-Luc mais nous n’avons pas quitté notre minorité au PS pour s’inscrire dans l’éternité d’une minorité sur l’échiquier politique. Sinon à quoi bon ? Si j’avais voulu me faire plaisir avec seulement des coups de gueule j’aurais choisi l’original Jean-Luc. C’est à dire Olivier. Non, moi, ce que je voudrais, c’est que nous travaillons à rendre nos idées crédibles. Parce qu’elles le sont ! Le vote des ouvriers ? On ne l’a pas eu ! Il nous faut plus de temps et plus de pédagogie. Il faut continuer à taper sur Le Pen et sur ses idées nauséabondes. Ils oublient, ces idiots ou ces racistes qui votent pour elle, que ce sont ces idées là, de peur et de xénophobie qui ont causé la seconde guerre mondiale !
Cultivé, intelligent, courageux, généreux tu es tout ça. C’est une richesse pour le parti de gauche. Et puis tout d’un coup tu traites l’autre de salopard ! Tu déconnes encore ! Il est bien clair qu’un mec qui prône une telle politique ne peut, à mes yeux, être quelqu’un de bien. Mais « salopard » Jean-Luc, « salopard » ! Encore une sortie caricaturale qui nous emporte tous dans les méandres du clownesque ! C’est peut-être drôle, c’est peut-être insultant, que sais je, mais c’est tout sauf sérieux et en ce moment Jean-Luc, pour crédibiliser notre projet même si nous n’avons pas besoin de sérieux tout le temps nous n’avons pas besoin non plus de renforcer les journalistes qui nous poussent sur la gauche du terrain.
C’est nous la gauche Jean-Luc ! Pas l’extrême gauche, pas la sociale – démocratie ! La gauche ! Et la gauche, elle est crédible !!!
Alors cessons déjà un peu la personnification du parti. Tu es excellent Jean-Luc mais il faut désormais montrer que ce parti n’est pas celui d’un seul homme et d’un homme seul. Il faut imposer les Généreux, les Autain, les Delapierre et les autres… Nos savants, nos intellectuels, nos économistes, nos militants, il faut les faire monter au créneau.
On va y arriver Jean-Luc. Tu as fait un gros boulot aux présidentielles et aux législatives. On va y arriver. Mais fais nous davantage confiance et ne t’emballe pas aussi souvent. Nous avons la même révolte. Faisons dès lors en sorte que le chemin qui mènera nos idées au pouvoir soit le plus direct possible. Pour cela Jean-Luc, il faut aussi jouer avec les armes de l’adversaire. Et son arme favorite, c’est la com !

Je t’embrasse Jean-Luc,
Hubert (http://huberthurard.over-blog.com/)