Ce livre de David Bollier, paru aux éditions Charles Léopold Mayer, retiendra l’attention de tous ceux qui s’intéressent aux processus démocratiques et aux processus d’implication citoyenne. Même si nous pouvons tordre le nez sur des nostalgies du passé, notamment sur les communs des populations indigènes relevant du précapitalisme ou sur des croyances Bisounours d’harmonie avec le néolibéralisme, il y a suffisamment de matériaux pour resituer les communs dans une perspective anticapitaliste. Ce livre permet de resituer les biens communs par rapport aux biens publics, les communs par rapport aux services publics. Il permet de s’intéresser aux raisons qui font que les services publics aujourd’hui régressent mais que les communs se développent.
A partir des communs qui peuvent être définis par une ressource à gérer, une communauté de « commoneurs » et des règles sociales qui favorisent la coopération et le partage, nous pouvons voir le point commun des communs avec l’anticapitalisme à savoir le refus de l‘enclosure capitaliste. Alors que ce livre est dédié à la promotion des communs, il nous permet cependant de comprendre la contradiction qu’il y a entre les communs et la propriété privée d’une part , comme la contradiction qui existe entre les communs et l’Etat mais aussi entre les communs et les marchés.
Pour tous ceux qui réfléchissent à un synchronisme éventuel entre les communs et les services publics dans un processus de sanctuarisation vis-à-vis des marchés et de la propriété privée, le tout dans une perspective de réelle avancée démocratique, voilà un livre qu’il faut lire.
D’abord, parce que plus d’un milliard de personnes dans le monde subsiste grâce aux communs de subsistance. Mais aussi parce que le monde actuel fabrique et développe des nouveaux communs numériques, des nouveaux communs sociaux, des nouveaux communs culturels. Pas inintéressant pour des anticapitalistes républicains laïques et sociaux de s’intéresser aussi au copyleft versus le copyright, au GNU/ Linux versus Microsoft, à Wikipédia versus les revues payantes de prestige, au mouvement de libre accès universitaire versus la marchandisation du savoir, au mouvement coopératif et mutualiste versus la propriété privée des moyens de production, du don du sang versus la marchandisation du sang, des Amap circuit court, du développement du covoiturage, au mouvement des Indignés, etc.
Comme disaient Karl Marx, Friedrich Engels, Jean Jaurès et Antonio Gramsci, chacun à leur façon, toute transformation sociale et politique demande une bonne connaissance des pratiques sociales actuelles, afin de voir sur quelles bases d’appui existantes nous pouvons nous appuyer pour « culbuter » le système actuel vers l’application d’un nouveau modèle politique alternatif. Car contrairement à la chanson de l’Internationale, jamais, en 2 500 ans d’histoire, on n’a fait table rase totale du passé.
Après la lecture de ce livre, on peut se poser la question de savoir si les communs dont l’ambivalence me paraît certaine ne seraient pas par contre une des antichambres possibles de nouvelles pratiques intégrables dans un projet alternatif au capitalisme, dans une République sociale, une fois dégagés de la gangue du capitalisme lui-même.