On assiste à une grosse crise des bourses de Wall Street, d’Europe, du Japon et de Shanghai, et certains en attribuent la responsabilité au coronavirus. Au cours de la dernière semaine de février 2020, la pire semaine depuis octobre 2008, le Dow Jones a baissé de 12,4 %, le S&P 500 a baissé de 11,5 % et le Nasdaq Composite a baissé de 10,5 %. Même scénario en Europe et en Asie pendant la dernière semaine de février. À la bourse de Londres, le FTSE-100 a baissé de 11,32 %, à Paris le CAC40 a chuté de 12 %, à Francfort le DAX a perdu 12,44 %, à la bourse de Tokyo, le Nikkei a baissé de 9,6 %, les bourses chinoises (Shanghai, Shenzhen et Hong-Kong) ont également baissé. Lundi 2 mars suite à des (promesses d’) interventions massives des banques centrales pour soutenir les bourses, les indices sont repartis à la hausse. Pour combien de temps ?
Les grands médias affirment de manière ultra simplificatrice que cette chute généralisée des bourses de valeur est provoquée par le coronavirus et cette explication est reprise largement sur les réseaux sociaux. Or ce n’est pas le coronavirus et son expansion qui constituent la cause de la crise, l’épidémie n’est qu’un élément détonateur. Tous les facteurs d’une nouvelle crise financière sont réunis depuis plusieurs années, au moins depuis 2017-2018 (voir https://www.cadtm.org/Tout-va-tres-bien-madame-la datant de novembre 2017 ; https://www.cadtm.org/Tot-ou-tard-il-y-aura-une-nouvelle-crise-financiere datant d’avril 2018 ; et plus récemment : https://pour.press/les-conditions-sont-reunies-pour-une-nouvelle-crise-financiere-eric-toussaint/). Quand l’atmosphère est saturée de matières inflammables, à tout moment, une étincelle peut provoquer l’explosion financière. Il était difficile de prévoir d’où l’étincelle allait partir. L’étincelle joue le rôle de détonateur mais ce n’est pas elle qui est la cause profonde de la crise. Nous ne savons pas encore si la forte chute boursière de la fin février 2020 va « dégénérer » en une énorme crise financière. C’est une possibilité réelle. Le fait que la chute boursière coïncide avec les effets de l’épidémie du coronavirus sur l’économie productive n’est pas fortuit, mais dire que le coronavirus est la cause de la crise est une contrevérité. Il est important de voir d’où vient réellement la crise et de ne pas être berné par les explications qui dressent un rideau de fumée devant les causes réelles.
Les grands médias affirment de manière ultra simplificatrice que la chute généralisée des bourses de valeur est provoquée par le coronavirus […] Or, l’épidémie n’est qu’un élément détonateur. Tous les facteurs d’une nouvelle crise financière sont réunis au moins depuis 2017-2018.
Le Grand Capital, les gouvernants et les médias à son service ont tout intérêt à mettre sur le dos d’un virus le développement d’une grande crise financière puis économique, cela leur permet de s’en laver les mains (excusez-moi l’expression).
La chute des cours boursiers était prévue bien avant que le coronavirus fasse son apparition.
Le cours des actions et le prix des titres de la dette (appelés aussi obligations) ont augmenté d’une manière totalement exagérée par rapport à l’évolution de la production au cours des dix dernières années, avec une accélération au cours des deux ou trois dernières années. La richesse du 1 % le plus riche a aussi fortement crû car elle est largement basée sur la croissance des actifs financiers.
Il faut souligner que le moment où intervient la chute des cours boursiers est le résultat d’un choix (je ne parle pas de complot) : une partie des très riches (le 1 %, le Grand Capital) a décidé de commencer à vendre les actions qu’il a acquises car il considère que toute fête financière a une fin, et plutôt que la subir il préfère prendre les devants. Ces grands actionnaires préfèrent être les premiers à vendre afin d’obtenir le meilleur prix possible avant que le cours des actions ne baisse très fortement. De grandes sociétés d’investissements, de grandes banques, de grandes entreprises industrielles et des milliardaires donnent l’ordre à des traders de vendre une des actions ou des titres de dettes privées (c’est-à-dire des obligations) qu’ils possèdent afin d’empocher les 15 % ou 20 % de hausse des dernières années. Ils se disent que c’est le moment de le faire : ils appellent cela prendre « leurs bénéfices ». Selon eux, tant pis si cela entraîne un effet moutonnier de vente. L’important à leurs yeux est de vendre avant les autres. Cela peut provoquer un effet domino et dégénérer en une crise généralisée. Ils le savent et se disent qu’ils finiront par s’en tirer sans trop de mal comme cela s’est passé pour un grand nombre d’entre eux en 2007-2009. C’est le cas notamment aux États-Unis, des deux principaux fonds d’investissement et de gestion d’actifs BlackRock et Vanguard qui s’en sont très bien tirés, de même que Goldman Sachs, Bank of America, Citigroup ou les Google, Apple, Amazon, Facebook, etc.
Un autre élément important est à souligner : le 1 % vend des actions d’entreprises privées, ce qui provoque une chute de leur cours et entraîne la chute des bourses. Or dans le même temps, ils achètent des titres de la dette publique considérés comme des valeurs sûres. C’est notamment le cas aux États-Unis où le prix des titres du trésor étatsunien a augmenté suite à une demande très forte. À noter qu’une augmentation du prix des titres du trésor qui se vendent sur le marché secondaire a pour conséquence de baisser le rendement de ces titres. Les riches qui achètent ces titres du Trésor sont disposés à un faible rendement, car ce qu’ils cherchent, c’est la sécurité à un moment où le cours des actions des entreprises est en baisse. En conséquence, il faut souligner qu’une fois de plus c’est bien les titres des États qui sont considérés par les plus riches comme les plus sûrs. Gardons cela en tête et soyons prêts à le dire publiquement car il faut s’attendre à ce que revienne bientôt le refrain bien connu de la crise des dettes publiques et des craintes des marchés à l’égard des titres publics.
Le Grand Capital (le 1 %) a réduit la part qu’il investit dans la production et a augmenté la part qu’il met en circulation dans la sphère financière.
Mais revenons à ce qui se passe à répétition depuis un peu plus d’une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis l’approfondissement de l’offensive néolibérale et de la grande dérèglementation des marchés financiers [1] : le Grand Capital (le 1 %) a réduit la part qu’il investit dans la production et a augmenté la part qu’il met en circulation dans la sphère financière (c’est y compris le cas d’une firme « industrielle » emblématique comme Apple). Il a fait cela au cours des années 1980 et cela a produit la crise du marché obligataire de 1987. Il a refait cela à la fin des années 1990 et cela a produit la crise des dot-com et d’Enron en 2001. Il a remis cela entre 2004 et 2007 et cela a produit la crise des subprimes, des produits structurés et une série de faillites retentissantes dont celle de Lehman Brothers en 2008. Cette fois-ci, le Grand Capital a principalement spéculé à la hausse sur le prix des actions en bourse et sur le prix des titres de la dette sur le marché obligataire (c’est-à-dire le marché où se vendent les actions des entreprises privées et les titres de dettes émis par les États et d’autres pouvoirs publics). Parmi les facteurs qui ont entraîné la montée extravagante des prix des actifs financiers (actions en bourses et titres des dettes privées et publiques), il faut prendre en compte l’action néfaste des grandes banques centrales depuis la crise financière et économique de 2007-2009. J’ai analysé cela notamment dans https://www.cadtm.org/La-crise-de-la-politique-des-banques-centrales-dans-la-crise-globale
Ce phénomène ne date donc pas du lendemain de la crise de 2008-2009, il est récurrent dans le cadre de la financiarisation de l’économie capitaliste. Et avant cela, le système capitaliste avait aussi connu des phases importantes de financiarisation tant au 19e siècle que dans les années 1920, ce qui avait abouti à la grande crise boursière de 1929 et la période prolongée de récession des années 1930. Puis le phénomène de financiarisation et de dérèglementation a été en partie muselé pendant 40 ans suite à la grande dépression des années 1930, à la Seconde Guerre mondiale et à la radicalisation de la lutte des classes qui s’en est suivi. Jusqu’à la fin des années 1970 il n’y a plus eu de grandes crises bancaires ou boursières. Les crises bancaires et boursières ont fait leur réapparition quand les gouvernements ont donné toutes libertés au Grand Capital pour faire ce qu’il voulait dans le secteur financier.
Les crises bancaires et boursières ont fait leur réapparition quand les gouvernements ont donné toutes libertés au Grand Capital pour faire ce qu’il voulait dans le secteur financier.
Revenons à la situation des dernières années. Le Grand Capital, qui considère que le taux de rentabilité qu’il tire dans la production n’est pas suffisant, développe les activités financières non directement liées à la production. Cela ne veut pas dire qu’il abandonne la production, mais qu’il développe proportionnellement plus ses placements dans la sphère financière que ses investissements dans la sphère productive. C’est ce qu’on appelle aussi la financiarisation ou la mondialisation financiarisée. Le capital « fait du profit » à partir du capital fictif par des activités largement spéculatives. Ce développement de la sphère financière augmente le recours à l’endettement massif des grandes entreprises, y compris de firmes comme Apple (j’ai écrit une série d’articles là-dessus https://www.cadtm.org/La-montagne-de-dettes-privees-des-entreprises-sera-au-coeur-de-la-prochaine).
Le capital fictif est une forme du capital, il se développe exclusivement dans la sphère financière sans véritable lien avec la production (voir encadré : Qu’est-ce que le capital fictif ?). Il est fictif au sens où il ne repose pas directement sur la production matérielle et sur l’exploitation directe du travail humain et de la nature. Je parle bien d’exploitation directe car évidemment le capital fictif spécule sur le travail humain et sur la nature, ce qui généralement dégrade les conditions de vie des travailleurs·ses et la Nature elle-même.
Qu’est-ce que le capital fictif ?« Le capital fictif est une forme de capital (des titres de la dette publique, des actions, des créances) qui circule alors que les revenus de la production auxquels il donne droit ne sont que des promesses, dont le dénouement est par définition incertain ». Entretien avec Cédric Durand réalisé par Florian Gulli, « Le capital fictif, Cédric Durand », La Revue du projet : http://projet.pcf.fr/70923. Selon Michel Husson, « le cadre théorique de Marx lui permet l’analyse du « capital fictif », qui peut être défini comme l’ensemble des actifs financiers dont la valeur repose sur la capitalisation d’un flux de revenus futurs : « On appelle capitalisation la constitution du capital fictif » [Karl Marx, Le Capital, Livre III]. Si une action procure un revenu annuel de 100 £ et que le taux d’intérêt est de 5 %, sa valeur capitalisée sera de 2000 £. Mais ce capital est fictif, dans la mesure où « il ne reste absolument plus trace d’un rapport quelconque avec le procès réel de mise en valeur du capital » [Karl Marx, Le Capital, Livre III]. Michel Husson, « Marx et la finance : une approche actuelle », À l’Encontre, décembre 2011, https://alencontre.org/economie/marx-et-la-finance-une-approche-actuelle.html
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Le capital fictif souhaite capter une partie de la richesse produite dans la production (les marxistes disent une partie de la plus-value produite par les travailleurs·ses dans la sphère de la production) sans mettre les mains dans le cambouis c’est-à-dire sans passer par le fait d’être investi directement dans la production (sous la forme d’achat de machines, de matières premières, de paiement de la force de travail humaine sous la forme de salaires, etc.). Le capital fictif, c’est une action dont le possesseur attend qu’elle donne un dividende. Il achètera une action Renault si celle-ci promet un bon dividende mais il pourra aussi revendre cette action pour acheter une action General Electric ou Glaxo Smith Kline ou Nestlé ou Google si celle-ci promet un meilleur dividende. Le capital fictif, c’est aussi une obligation de dette émise par une entreprise ou un titre de la dette publique. C’est aussi un dérivé, un produit structuré… Le capital fictif peut donner l’illusion qu’il génère par lui-même des profits tout en s’étant détaché de la production. Les traders, les brokers ou les dirigeants des grandes entreprises sont convaincus qu’ils « produisent ». Mais à un moment donné, une crise brutale éclate et une masse de capitaux fictifs repart en fumée (chute des cours boursiers, chute des prix sur le marché obligataire, chute des prix de l’immobilier…).
Les traders, les brokers ou les dirigeants des grandes entreprises sont convaincus qu’ils « produisent ». Mais à un moment donné, une crise brutale éclate et une masse de capitaux fictifs repart en fumée.
Le Grand Capital, de manière répétée, veut croire ou faire croire qu’il est capable de transformer le plomb en or dans la sphère financière, mais de manière périodique la réalité le rappelle à l’ordre et la crise éclate.
Lorsque la crise éclate il faut faire la distinction entre l’élément détonateur d’une part (aujourd’hui, la pandémie du coronavirus peut constituer le détonateur) et les causes profondes, d’autre part.
Au cours des deux dernières années, il y a eu un ralentissement très important de la production matérielle. Dans plusieurs grandes économies comme celles de l’Allemagne, du Japon (dernier trimestre 2019), de la France (dernier trimestre 2019) et de l’Italie, la production industrielle a reculé ou a fortement ralenti (Chine et États-Unis). Certains secteurs industriels qui avaient connu un redémarrage après la crise de 2007-2009 comme l’industrie de l’automobile sont rentrés dans une très forte crise au cours des années 2018-2019 avec une chute très importante des ventes et de la production. La production en Allemagne, le principal constructeur automobile mondial, a baissé de 14 % entre octobre 2018 et octobre 2019 [2]. La production automobile aux États-Unis et en Chine a également chuté en 2019, de même en Inde. La production automobile chute fortement en France en 2020. La production d’un autre fleuron de l’économie allemande, le secteur qui produit les machines et les équipements, a baissé de 4,4 % rien qu’au mois d’octobre 2019. C’est le cas également du secteur de la production des machines-outils et d’autres équipements industriels. Le commerce international a stagné. Sur une période plus longue, le taux de profit a baissé ou a stagné dans la production matérielle, les gains de productivité ont aussi baissé.
En 2018-2019, ces différents phénomènes de crise économique dans la production se sont manifestés très clairement, mais comme la sphère financière continuait de fonctionner à plein régime, les grands médias et les gouvernements faisaient tout pour affirmer que la situation était globalement positive et que ceux et celles qui annonçaient une prochaine grande crise financière s’ajoutant au ralentissement marqué dans la production, n’étaient que des oiseaux de malheur.
Le point de vue de classe sociale est aussi très important : pour le Grand Capital, tant que la roue de la fortune dans la sphère financière continue de tourner, les joueurs restent en piste et se félicitent de la situation. Il en va de même pour tous les gouvernants car ils sont présentement liés au Grand Capital, tant dans les vieilles économies industrialisées comme l’Amérique du Nord, l’Europe occidentale ou le Japon, qu’en Chine, en Russie ou dans les autres grandes économies dites émergentes.
Malgré le fait que la production réelle a cessé en 2019 de croître de manière significative ou a commencé à stagner ou à baisser, la sphère financière a continué son expansion.
Malgré le fait que la production réelle a cessé en 2019 de croître de manière significative ou a commencé à stagner ou à baisser, la sphère financière a continué son expansion : les cours en bourse ont continué d’augmenter, ils ont même atteint des sommets, le prix des titres des dettes privées et publiques a continué sa progression vers le haut, le prix de l’immobilier a recommencé à croître dans une série d’économies, etc.En 2019, la production a ralenti (Chine et Inde), a stagné (une bonne partie de l’Europe) ou a commencé à baisser dans la deuxième moitié de l’année (Allemagne, Italie, Japon, France) notamment parce que la demande globale a baissé : la plupart des gouvernements et le patronat interviennent pour faire baisser les salaires, les retraites, ce qui réduit la consommation car l’endettement des familles, en augmentation, ne suffit pas à pallier à la baisse de revenus. De même, les gouvernements prolongent une politique d’austérité qui entraîne une réduction des dépenses publiques et des investissements publics. La conjonction de la chute du pouvoir d’achat de la majorité de la population et la baisse des dépenses publiques entraînent une chute de la demande globale et donc une partie de la production ne trouve pas de débouchés suffisants, ce qui entraîne une baisse de l’activité économique [3].
Il est important de préciser de quel point de vue on se situe : je parle de crise de la production non pas parce que je suis un adepte de la croissance de la production. Je suis pour l’organisation (la planification) de la décroissance afin de répondre notamment à la crise écologique en cours. Donc, personnellement, la chute ou la stagnation de la production au niveau mondial ne me chagrine pas, au contraire. C’est très bien si l’on produit moins de voitures individuelles et si leurs ventes chutent. Par contre pour le système capitaliste, il n’en va pas de même : le système capitaliste a besoin de développer sans cesse la production et de conquérir sans cesse de nouveaux marchés. Quand il n’y arrive pas ou quand cela commence à coincer, il répond à la situation en développant la sphère de la spéculation financière et en émettant de plus en plus de capitaux fictifs non reliés directement à la sphère productive. Cela semble fonctionner pendant des années, et puis à un moment donné des bulles spéculatives éclatent. À plusieurs moments de l’histoire du capitalisme, la logique d’expansion permanente du système capitaliste et de la production s’est exprimée par des guerres commerciales (et c’est de nouveau le cas aujourd’hui notamment entre les États-Unis et ses principaux partenaires) ou bien par de véritables guerres, et cette issue n’est pas tout à fait exclue aujourd’hui.
Il faut entamer immédiatement et planifier de manière urgente la décroissance pour combattre la crise écologique. Il faut produire moins et mieux.
Si l’on se situe du point de vue des classes sociales exploitées et spoliées qui constituent l’écrasante majorité de la population (d’où l’image des 99 % opposés au 1 %), il est clair que la conclusion est qu’il faut rompre radicalement avec la logique d’accumulation du capital qu’il soit productif ou financier, ou productif financiarisé, peu importe les appellations. Il faut entamer immédiatement et planifier de manière urgente la décroissance pour combattre la crise écologique. Il faut produire moins et mieux. La fabrication de certains produits vitaux pour le bien-être de la population doit croître (constructions et rénovations de logements décents, transports collectifs, centres de santé et hôpitaux, distribution d’eau potable et épuration d’eaux usées, écoles, etc.) et d’autres productions doivent radicalement baisser (voitures individuelles) ou disparaître (fabrication d’armes). Il faut réduire radicalement et brutalement les émissions de gaz à effet de serre. Il faut reconvertir toute une série d’industries et d’activités agricoles. Il faut annuler une grande partie des dettes publiques, et dans certains cas l’entièreté de celles-ci. Il faut exproprier sans indemnité et transférer dans le service public les banques, les assurances, le secteur de l’énergie et d’autres secteurs stratégiques. Il faut donner d’autres missions et d’autres structures aux banques centrales. Il existe d’autres mesures telles la mise en œuvre d’une réforme fiscale globale avec une forte taxation du capital, une réduction globale du temps de travail avec des embauches compensatoires et le maintien des niveaux de salaire, la gratuité des services de santé publique, de l’éducation, des transports publics, des mesures effectives pour garantir l’égalité entre les sexes. Il faut répartir les richesses en respectant la justice sociale et en faisant primer les droits humains et le respect des fragiles équilibres écologiques.
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Nous devons mener la lutte contre la crise multi-dimensionnelle du système capitaliste et nous engager résolument sur la voie d’une sortie écologiste-féministe-socialiste. Il s’agit d’une nécessité absolue et immédiate.
Nous sommes confrontés à une crise multidimensionnelle du système capitaliste mondial : crise économique, crise commerciale, crise écologique, crise de plusieurs institutions internationales qui font partie du système de domination capitaliste de la planète (OMC, OTAN, G7, crise dans la Fed – la banque centrale des États-Unis –, crise dans la Banque centrale européenne), crise politique dans des pays importants (notamment aux États-Unis entre les deux grands partis du grand capital), crise de santé publique, guerres… Dans l’esprit d’un grand nombre de personnes dans de nombreux pays, le rejet du système capitaliste est plus élevé qu’il ne l’a jamais été au cours des cinq dernières décennies, depuis le début de l’offensive néolibérale sous Pinochet (1973), Thatcher (1979) et Reagan (1980).
L’abolition des dettes illégitimes, cette forme de capital fictif, doit s’inscrire dans un programme beaucoup plus large de mesures supplémentaires. L’écosocialisme doit être mis au cœur des solutions et non laissé de côté. Nous devons mener la lutte contre la crise multidimensionnelle du système capitaliste et nous engager résolument sur la voie d’une sortie écologiste-féministe-socialiste. Il s’agit d’une nécessité absolue et immédiate.
Notes
[1] Voir Éric Toussaint, Bancocratie, 2014, chapitre 3 « De la financiarisation/dérèglementation des années 1980 à la crise de 2007-2008 ».
[2] L’industrie automobile allemande emploie 830 000 travailleurs et 2 000 000 d’emplois connexes en dépendent directement (Source : Financial Times, « German industrial output hit by downturn », 7-8 décembre 2019).
[3] Concernant l’explication des crises, parmi les économistes marxistes, « deux grandes « écoles » se font face : celle qui explique les crises par la sous-consommation des masses (la surproduction de biens de consommation) ; et celle qui les explique par la « suraccumulation » (l’insuffisance du profit pour poursuivre l’expansion de la production des biens d’équipement). Cette querelle n’est qu’une variante du vieux débat entre les partisans de l’explication des crises par « l’insuffisance de la demande globale » et ceux de l’explication par la « disproportionnalité ». » Ernest Mandel. La crise 1974-1982. Les faits. Leur interprétation marxiste, 1982, Paris, Flammarion, 302 p. À la suite d’Ernest Mandel, je considère que l’explication de la crise actuelle doit prendre en compte plusieurs facteurs qu’on ne peut pas la réduire à une crise produite par la surproduction de biens de consommation (et donc une insuffisance de la demande) ou bien par la suraccumulation de capitaux (et donc l’insuffisance du profit).