Henriette Zoughebi, élue communiste, vice-présidente du conseil régional d’Île-de-France, est une des conceptrices de l’exposition « L’égalité, c’est pas sorcier ! ».
Pourquoi le combat féministe est-il si essentiel pour vous ?
Henriette Zoughebi. Parce que, dès qu’on fait bouger un élément des inégalités entre hommes et femmes, c’est toute la société qui progresse. Par exemple, les salaires les plus bas sont des salaires féminins. L’augmentation générale des salaires – une revendication raisonnable et pas utopique du tout puisque même des membres du Medef la prônent – profiterait naturellement d’abord aux femmes, mais aussi aux hommes. La visibilité des inégalités vécues par les femmes est particulièrement importante car elle donne de la cohérence aux choses. À l’hôpital Tenon, à Paris, les femmes ont fait reculer le pouvoir qui voulait fermer le service des IVG. C’est la casse de l’hôpital public qui avait conduit à cette décision, mais ce sont les conséquences directes pour la vie des femmes qui ont provoqué leur réaction. C’est ainsi qu’une nouvelle dynamique sociale peut renaître face aux actuelles régressions du point de vue social comme des mentalités.
Comment vivez-vous le fait que les femmes subissent une discrimination salariale de 17 % à 32 % ?
Henriette Zoughebi. C’est intolérable que des personnes, de par leur sexe, subissent cette discrimination dans quelle que branche que ce soit, dans quelle qu’entreprise que ce soit, à quel que poste que ce soit. C’est quelque chose de très violent. D’autant que l’aspiration des femmes à travailler pour avoir une véritable autonomie est extrêmement forte. Aujourd’hui, les inégalités progressent malgré les promesses électorales de Sarkozy. C’est un obstacle pour les jeunes femmes qui, de plus en plus nombreuses, aspirent à une vie équilibrée, où ni le tout-travail ni le tout-famille n’ont leur place.
Les femmes sont particulièrement victimes du temps partiel imposé. Comment combattre cette dérive ?
Henriette Zoughebi. Pour le faire reculer, la seule chose à faire est de se battre pour transformer ces postes en emplois à temps complet. Combattre la précarisation. Il y a là quelque chose à imposer aux employeurs. Les femmes de ménage qui commencent à 5 heures du matin après avoir préparé le petit déjeuner pour les enfants ne gagnent pas, pour autant, leur vie. Il faut s’attaquer à ça parce que c’est injuste et parce que cela créerait des emplois. Il y a une politique volontaire à mettre en place et une bataille à mener sur ce front.
Comment faire pour améliorer la condition des femmes dans l’entreprise ?
Henriette Zoughebi. Nous avons tous les outils pour faire bouger les choses : il y a des lois et, depuis décembre 2010, des statistiques comparatives sexuées existent. Il faut s’en servir. Comme il y a autant de femmes que d’hommes et qu’elles ne sont pas moins compétentes, ces chiffres devraient permettre d’avancer vers la parité. Les blocages sont nombreux dans les entreprises. Pour s’en débarrasser, nous aurions besoin d’un observatoire de l’égalité professionnelle qui publierait les chiffres et montrerait les enjeux des batailles à mener. C’est une revendication du Parti communiste.
S’il est une lutte où les femmes ont remporté une victoire, c’est celle contre les violences domestiques. Comment l’expliquer ?
Henriette Zoughebi. Le mouvement de lutte des femmes a été extrêmement fort sur cette question. Avec cette loi, nous avons réussi à faire bouger la norme. C’est extrêmement important car tout ce qui a trait à l’égalité est au croisement de grandes questions de société et de ce que nous avons de plus intime, donc d’une réflexion personnelle. Si la conscience n’avait été que sociale, qu’elle n’avait pas été relayée au niveau des individus, nous n’aurions pas progressé.
Vous aspirez aussi à changer les normes en ce qui concerne la prostitution…
Henriette Zoughebi. Là encore, il existe des lois, des conventions, mais il y a aussi un marché juteux, celui du proxénétisme, qui génère des sommes faramineuses. La prostitution n’est que violence, il n’y a rien d’autre. Pour la faire reculer, la pénalisation du client est nécessaire; pour poser l’interdit social – le corps d’une autre personne ne s’achète pas – et pour responsabiliser les gens. Des stages existent pour la sécurité routière, pourquoi n’y aurait-il pas des stages pour les clients des prostitués pour qu’ils réfléchissent, qu’ils s’interrogent sur ce que tout ça représente ? Le corps des femmes n’est ni à louer, ni à vendre, ni à acheter. Le jour où on affirmera cela avec force, cela aura des conséquences dans bien des secteurs de notre société. En se battant sur ce terrain, on rend visibles des rapports de domination, mais aussi des voies de plus grande humanité.
La norme grammaticale vous tient aussi à cœur…
Henriette Zoughebi. Qu’y a-t-il de plus fort comme expression de la domination masculine que le simple énoncé d’une règle de grammaire qui dit : le masculin l’emporte sur le féminin, point. Toutes les petites filles et tous les petits garçons l’apprennent dès leur enfance. C’est un élément symbolique lourd. La langue est vivante, on peut la faire bouger. En instituant la « règle de proximité » (que les hommes et les femmes soient belles, ou, que les femmes et les hommes soient beaux – NDLR), on donne à la langue du jeu, du possible, de la créativité. Mener la bataille pour changer le symbolique dans la grammaire, c’est possible.
Entretien réalisé par Dany Stive