Aimer ce que nous sommes (2008)
Christophe
Assis dans son fauteuil bleu, il se demandait bien ce qu’il allait exposer en ces temps de ciel bas. Pour ne pas effrayer ses lecteurs, dans la perspective d’une mise à disposition d’une parcelle de plaisir, sans s’en faire qu’en à la source de cette once tant les merveilles de nos sens sont multiples, il se dirigeait sans grand élan vers la mise à plat d’une de ses œuvres fétiches, accusant certainement quelques années au compteur de tous ceux qui courent, mais à aucun moment remis en question par sa propre expérience ou l’humeur vagabonde qui l’enveloppait alors. Quand la vue d’une feuille s’épanouissant dans les airs, le chemin particulièrement peu prévisible (il s’en convainc lorsque cette dernière approchant le sol eu la merveilleuse idée de rebrousser chemin) lui rappela qu’il existait toujours ce cher artiste grisonnant, un peu fou. Je veux parler de l’étrange Christophe. Vous vous souvenez sans doute d’une jeune fille prénommée Aline, qu’il transforma par sa bouche en un objet rêvé, subsistant comme par miracle à quelques encablures du sol, insensible à la dureté du rock. L’amour comme force à part, comme si la présence de l’être aimé, désiré, excluait le monde et toutes les lois qui l’accompagnent. Et bien, notre ami, après quelques temps passés en dehors du système solaire nous fait l’honneur d’un retour, accompagné de son cortège de planètes, apparemment promis à un avenir que lui seul peut maintenir.
« Aimer ce que nous sommes » : Voilà ce que Christophe nous propose. Voilà ce qu’il propose à chaque voyageur solitaire. Mettre un pied sur une de ses terres, c’est se réapproprier ce que parfois on nous enlève, c’est chanter et jouer son être pour l’embrasser avant peut être d’embrasser l’autre, dans une infinie tendresse. Et la vague qui vous submerge, à la descente d’une navette, au parfum exquis chargé d’étrange, les mots tantôt murmurés, tantôt accrochés, est un pure délice. La noyade est avec Christophe l’occasion, retenant son souffle, d’écouter la voix des sirènes, à l’abri des aboiements de tout genre.
Laissons nous donc emporter par la déferlante. Je n’ai plus de prise, le courant m’emporte dans un mouvement complexe, turbulences et écoulement doux. Les bulles d’air se présentent à moi mais je n’en éprouve aucun besoin. Elles sont la pour me rappeler qu’en surface, les nageurs de tout sorte se battent dans l’éclaboussure des corps agitées.
Je croise en chemin quelques gitans assis sur un corail rouge, puis à droite une vieille dame, qui, d’une voix tendre, vous parle de la sensibilité de son ami Colette. Une onde en forme de piano s’approche de moi, à peine remis du tourbillon des sens. Je ne sais quel souvenir me revient à l’esprit lorsque ces cœurs d’enfants étrangement se glissent entre les algues d’un fond trouble. Rien d’inquiétant en tout cas, car une main à tout moment m’accompagne, comme un signe d’apaisement quand tout devient flou.
La nuit s’installe. Derrière le drap des ténèbres se cachent des zones de lumière, la porte grande ouverte, et des clameurs de fête retentissent, étouffées par l’acoustique liquide des profondeurs. Christophe est assis à une table, entouré de créatures écaillées, au sourire immense. Je me frotte les yeux. Un sil tombe sur le sol, auquel est accroché une jeune fille. Comment a t elle pu faire pour rester suspendu à ce fil ?. Lui même me regarde furtivement, non étonné de cette scène. A ses yeux, je suis un visiteur d’un soir auquel tout est possible. Il s’approche de moi et me glisse à l’oreille « aime toi car je m’aime ». Je me sens à cet instant unique et précieux. Plus rien ne me retient ici. Tout naturellement, un courant inverse m’entraîne en surface. Un générique sensible me rappelle ces créateurs d’univers. Chacun d’eux, assis sur un astre me tire une révérence : A la prochaine mes amis.