« Daniel Timsit, l’Algérien » par Nasredine Guenifi

Fidèle à sa tradition, Magic Cinéma, de Bobigny, vient de projeter en avant-première, le documentaire du réalisateur d’origine algérienne, Nasredine Guenifi, intitulé, Daniel Timsit, l’Algérien, relatif à ce communiste et résistant anticolonialiste, d’origine judéo-berbère, né le 16 janvier 1928, à Alger, et décédé le 1er août 2002 à Paris où il exerçait comme médecin. Ce documentaire se veut un hommage aux combattants « Algériens non-musulmans qui ont participé activement à la guerre pour l’indépendance » de leur pays ; et qui « sont aujourd’hui injustement oubliés ou méconnus. » (1) Les frères de Daniel Timsit et sa soeur étaient également engagés dans les réseaux de la résistance pour la libération de l’Algérie. Leur sœur avait été elle aussi arrêtée et torturée lors de la Bataille d’Alger. (Voir p. 33 d’ Algérie, récit anachronique, éd. Bouchène, Alger 1998, de Daniel Timsit).

Daniel Timsit, de mère constantinoise, de père algérois et d’un grand-père, rabbin de Constantine, n’aime pas, de par les « valeurs internationalistes et universalistes qui sont les siennes », se définir sur une base ethnique. Il se considère citoyen d’une nation formée de divers apports, berbère, arabe, français, européen, musulman, chrétien, juif… Cela ne signifie nullement qu’il renie ses origines berbère et juive, dont la présence en Algérie remonte à 2 000 ans.

Il évoque également dans le film ce qui a déterminé son engagement militant. C’est d’abord la misère insoutenable dans laquelle le colonialisme avait jeté les « Indigènes », comme les colons aimaient à désigner les Algériens de souches. Puis le « combat contre le nazisme et le fascisme », au cours duquel les dirigeants nationalistes avaient été jetés en prison (en même temps que les communistes) par les autorités coloniales vichystes, à la solde des nazis, parce qu’ils avaient refusé de jouer le jeu de ces derniers. Et enfin, son adhésion « naturelle » au Parti communiste algérien, qui était la seule formation politique qui accueillait les militants de toute origine ethnique ou nationale.

Ce parti a forgé sa conscience politique, ainsi que ses idéaux humanistes et de justice, mais l’avait « obscurci », selon lui, pour ce qui est de la question de l’indépendance de l’Algérie, une dimension qu’il trouvait bien claire chez les jeunes militants nationalistes, de sa génération, du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, de Messali Hadj, des militants auxquels l’unissait le fraternel combat anticolonial.

Il raconte également son engagement dans la lutte indépendantiste, dès les premiers jours de l’appel émancipateur du Front de libération nationale, le 1er novembre 1954. Il faisait alors partie de l’Union des étudiants communistes à l’université d’Alger. Sa principale activité avait été la mise sur pied, avec ses camarades de section, à Birkadhem, à la périphérie immédiate d’Alger, d’un laboratoire du Parti communiste algérien, de fabrication de bombes, et la fabrication de bombes destinées au Front de libération nationale et aux Combattants de la libérations (branche armée du PCA). Arrêté en octobre 1956, torturé et emprisonné, il sera libéré à la veille de l’indépendance de son pays.

Les gens, en particuliers les jeunes algériens, ont tendance selon lui à oublier les horreurs du colonialisme ; un colonialisme qui a également « bloqué le développement historique normal des sociétés » qui furent soumises à sa domination.

Pour autant, il ne dédouane pas les dirigeants de son pays pour le mal qu’ils ont fait à l’Algérie indépendante, à commencer par la guerre fratricide de l’été 1962 qui avait opposé diverses factions du mouvement de la résistance anticoloniale.

Quant aux harkis, ces supplétifs algériens qui avaient servi dans les rangs de l’armée française pendant la guerre de libération nationale, il estime qu’il est temps, quarante ans après l’indépendance de l’Algérie, de leur pardonner, sauf bien sûr pour ceux qui ont commis des crimes.

Il regrette aussi le départ massif des Algériens d’origine européenne et juive, qu’il considère comme un drame. « Ils n’ont cependant pas été chassés », a-t-il tenu à préciser.

Il a également fait part de son espoir de voir s’établir entre la France et l’Algérie des relations sur une base d’égalité et de respect mutuel. Nous ne devobs pas oublier, selon lui, qu’il existe en France jusqu’à trois millions de personnes qui ont un lien ou un autre avec l’Algérie; et la présence en Algérie, de la langue française, une présence plus que nulle part ailleurs, un « butin de guerre », comme l’a qualifiée le romancier algérien, Kateb Yacine. Il ne renie pas non plus sa double culture algérienne et française.

Mais pour lui ces relations ne doivent pas occulter la « vérité historique » qu’ont été les méfaits du colonialisme. Ils doivent être reconnus par la France. On a traduit en justice les criminels de guerre serbes, a-t-on jamais traduit en justice, s’est-il interrogé, des militaires français de hauts rangs, qui ont pratiqué officiellement la torture sur des milliers d’Algériens ?

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Les frères de Daniel Timsit et sa soeur étaient également engagés dans les réseaux de la résistance pour la libération de l’Algérie. Leur sœur avait été elle aussi arrêtée et torturée lors de la Bataille d’Alger. (Voir p. 33 d’ Algérie, récit anachronique, éd. Bouchène, Alger 1998, de Daniel Timsit).