Dans l’enfer du 7 octobre : Les assiégés Un livre de Nitzan Horowitz et Hervé Deguine

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La recension de ce livre qui parle des souffrances des familles israéliennes ne signifie pas un soutien à la politique d‘extrême droite d‘Israël. L‘un des deux auteurs du livre, Nitzan Horowitz, est un militant de gauche qui s‘est toujours battu pour deux peuples, deux Etats entretenant des relations pacifiques. ReSPUBLICA publiera un article d‘analyse politique du conflit au Moyen-Orient qui rappellera notre positionnement en faveur de deux peuples et deux Etats, contre les intégrismes religieux islamistes et juifs. Nous sommes solidaires du peuple palestinien et du peuple israélien, mais pas du Hamas, du Hezbollah ou encore du gouvernement d‘extrême-droite de Netanyahou, qui sont des “associés-rivaux. Nous nous refusons à pratiquer la concurrence des souffrances. Cet ouvrage est simplement un livre journalistique qui relatent des souffrances vécues comme il existe des ouvrages qui témoignent de celles des Palestiniens.

Dans la Bible, plus précisément dans le « Qohélet » (Ecclésiaste en grec pour les chrétiens), un passage est fort célèbre :

Il y a un moment pour tout et un temps pour toute activité sous le ciel :

un temps pour naître et un temps pour mourir, un temps pour planter et un temps pour arracher ce qui a été planté,

un temps pour tuer et un temps pour guérir, un temps pour démolir et un temps pour construire…

Le 7 octobre 2023, dans les kibboutz et les moshav autour de Gaza, « les temps » se sont resserrés, comme rétrécis brutalement. Les « temps pour vivre et pour mourir » ont fusionné. Et le livre Les assiégés aux Éditions du Cherche Midi (20,50 €) décrit cette fusion tragique dans un micro-espace de moins de 4 m2. 27 personnes sont prises au piège et leurs « temps sous le ciel » sont dissous. L’instant crucial de leurs vies va se jouer dans un cube de béton planté sur une route de hasard, tout près d’un arrêt de bus improbable en plein désert.

Les deux auteurs, Nitzan Horowitz et Hervé Deguine, deux journalistes renommés, l’un israélien également ancien ministre de la Santé(1)Voir notre précédent entretien quand ce dernier était ministre de la Santé : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-monde/respublica-proche-et-moyen-orient/interview-de-nitzan-horowitz-ancien-ministre-de-la-sante-disrael/7434352. et l’autre français, ont disséqué méthodiquement heure par heure, minute après minute, cette journée en enfer vécu par les assiégés d’un petit abri antimissiles.

Ce petit refuge contre les roquettes du Hamas s’appelle en hébreu une « migounit ». Le drame se passe donc dans la migounit 15399 qui porte le numéro de l’arrêt de bus juste à côté. C’est un bloc de béton de haute densité sans porte, mais avec une entrée en chicane qui protège du souffle et des éclats des explosions des missiles. Dans « l’otef aza », en français l’enveloppe de Gaza, à quelques kilomètres de la frontière, ces blocs de béton grisâtres fabriqués en série sont posés ici et là un peu au hasard et un peu à l’abandon.

Si ces « migounit » s’avèrent un bon abri contre les roquettes, elles ne protègent en rien contre une attaque de terroristes au sol. Les 27 occupants, rescapés pour la plupart de la rave party Supernova, vont se croire à l’abri alors qu’ils vont être piégés par les troupes du Hamas encerclant rapidement le petit cube de ciment. Sans armes, les assiégés vont résister à mains nues, en particulier en renvoyant les grenades que les tueurs jettent l’une après l’autre dans le refuge. Tous les comportements cohabitent dans ce huis clos dantesque, de la peur qui paralyse jusqu’à l’héroïsme à l’état pur. Car renvoyer une grenade dégoupillée, c’est jouer sa vie à pile ou face. Celui qui renvoyait les grenades avait un nom : Aner Shapira. Son sacrifice parfaitement conscient a sauvé des vies.

Finalement débordés par les tirs de bazooka à bout portant, les réfugiés de la « migounit » rencontreront la mort, la torture, pour certains la prise d’otage… et pour quelques-uns la survie par miracle. Ils seront sauvés non pas par l’armée, mais par un duo improbable, composé d’un père pistolet à la main cherchant depuis des heures désespérément son fils et d’un simple citoyen rencontré au hasard et qui ne supportait plus de rester passif et impuissant devant sa télévision.

Certes, cette horreur du 7 octobre par sa barbarie est hélas universelle et de toutes les époques. Mais elle est aussi profondément ancrée dans notre temps présent. Les deux journalistes ont collecté les contenus des caméras de vidéosurveillance, des caméras GoPro des assassins, des téléphones portables des assiégés, des messages sur les réseaux sociaux. Toute la panoplie de notre modernité quotidienne est là et révèle l’angoisse et le désespoir des victimes, l’inhumanité des tueurs, la désorganisation des autorités, l’armée en plein désarroi, la police qui ne comprend rien, la terreur des familles appelées au secours… bref, la mort en direct live à l’ère de l’Internet !

Les assiégés sont totalement connectés au monde, mais horriblement seuls face à l’abîme.

Mais cette enquête est aussi profondément politique. Elle démontre l’incapacité de l’État d’Israël à comprendre ce qui se passe lors des deux premiers jours de l’assaut des islamistes. Elle révèle également la volonté déterminée, implacable, des agresseurs de rendre inéluctable et irrémédiable la « sainte guerre », le djihad, pour la reconquête de Jérusalem. Sur ce plan, Sinwar, le chef du Hamas, a gagné, du moins provisoirement ; la paix devra attendre peut-être encore une génération… au moins !

Nitzan Horowitz et Hervé Deguine ont bouclé le seul document historique de la résistance héroïque et du martyre de la petite « migounit » 15399, avec son humanité miniature, ces filles, ces garçons, ces juifs, ces bédouins, ces religieux, ces athées… ils resteront figés là par le miracle du témoignage écrit, de l’enquête minutieuse.

Un livre à lire en cet anniversaire du 7 octobre pour se souvenir et espérer en une humanité meilleure et plus éclairée.

Notes de bas de page