Le titre m’a intrigué. Pourquoi ? La suppression de la démocratie dans le communisme soviétique, l’écroulement du communisme et de la social-démocratie, les reculs de grande ampleur de la démocratie dans le capitalisme et notamment dans sa dernière phase néolibérale, m’ont entraîné à aller voir ce qu’en pensent les anarchistes. Et puis, des anarchistes qui veulent s’appuyer sur le droit, voilà qui est intéressant. Je l’ai donc lu, mais suis resté sur ma faim. Ce livre est surtout écrit pour persuader les anarchistes que le droit est nécessaire. Il reste donc à écrire le livre que je voulais lire sur la vision anarchiste du droit, par rapport à d’autres conceptions du droit, ce qui pourrait intéresser le débat général et non pas tel ou tel groupuscule.
Tout d’abord, notre critique arrive dès le début du livre lorsque l’auteur fait son deuil de la disparition de l’anarchisme du mouvement ouvrier en acceptant que l’anarchisme « se concentre sur le changement de l’environnement sociétal existant ». Suit un exposé basé en grande partie sur la lutte contre « la hiérarchie, l’autorité, la contrainte, la discipline, l’injustice… dans la quotidienneté ». Cela nous paraît contradictoire avec la volonté du livre de se situer sur une perspective anticapitaliste.
Par ailleurs, dans le chapitre « Pluralisme du droit », l’auteur porte à l’incandescence son amour du small is beautiful lorsqu’il encense le droit en Micronésie, dans un univers précapitaliste mais présenté comme anti-autoritaire.
On pourra s’étonner de la glorification par l’auteur de la gestion par le contrat plutôt que par la loi. Ce qui est la tendance due néolibéralisme ! D’autant qu’il fait comme si le contrat était toujours choisi alors qu’il est souvent plus subi que choisi ! En fait le « droit anarchiste » , anti-étatique bien sûr, s’appuierait sur la médiation, sur un droit immanent et s’opposerait au droit étatique, déclaré hétéronome. La base en serait le mutuellisme (à ne pas confondre avec le mutualisme) proudhonien réalisé « entre égaux ». Mais on n’en saura pas plus sur la régulation et la façon de gérer les conflits inhérents à la nature humaine, notamment parce qu’il est proposé qu’ils soient réglés par un arbitre choisi par les deux parties!
Cependant, l’auteur aiguisera la curiosité du lecteur sur les positions de Kropotkine, en particulier sur les associations de bateliers sur les canaux. Dommage d’ailleurs que l’auteur ne détaille pas les positions respectives de Kropotkine et de Malatesta pour que cela puisse servir àdes propositions alternatives pour le 21e siècle ! Nous n’avons donc pas trouvé matière dans ce livre à nous aider à penser l’avenir. Nous en resterons donc au processus de la République sociale dotée d’une stratégie de l’évolution révolutionnaire guidée par la politique des trois regards (temps court, temps moyen et temps long).