Il faut avoir lu ce livre (publié aux éditions Syllepse). Pourquoi ?
Parce que la tranche de vie concrète, syndicale et politique qu’il relate est indispensable tant pour comprendre le présent que pour « toucher » de plus près la réalité de l’après-mai 68 au moment où la doxa dominante fait semblant de parler de cette période.
Parce que l’auteur est une féministe et en même temps une syndicaliste révolutionnaire. Mais de plus, c’est une vraie « établie », c’est-à-dire qu’elle s’est fait embaucher pour vivre la condition ouvrière. Mais contrairement à d’autres, elle est restée à Renault. Ce ne fut pas pour elle un supplément d’âme pour quelques mois, ce fut pour une vie entière. Elle ne fut pas une « mao » mais une militante de « Révolution ! » (scission de la JCR) puis de l’OCT. Syndicalement elle fut d’abord à la CFDT puis à Sud. Son livre relate en fait la « vraie » vie de cette période à Renault Flins sur une période longue.
Parce que ce livre montre les certitudes d’une partie de la jeunesse à cette époque. Puis les erreurs d’analyse que cette jeunesse a pu effectuer. Ce livre montre la réalité de la violence patronale mais aussi le machisme d’une partie de la classe ouvrière et même de certains syndicats. Ce livre montre les mutations de la sociologie ouvrière de l’époque. Intéressant car c’est la période charnière entre le moment « Renault Billancourt », jusqu’en 1968 compris, et la réalité de la condition des couches populaires ouvrières et employées aujourd’hui dans les grandes entreprises automobiles.
Lorsque j’ai lu ce livre, j’ai même remarqué une triste réalité de la vie militante d’aujourd’hui. Etant membre du conseil scientifique d’Attac, j’avais entendu parler de Fabienne Lauret, également militante d’Attac. Mais sans en connaître la singularité. Et donc j’éprouve le regret de ne pas avoir dialogué et débattu avec elle durant tout ce temps. Aujourd’hui, on peut être dans une même organisation et ne rien connaître de tout ce que tel ou tel militant peut apporter au débat politique !
J’aurais pu relater dans cette recension tel ou tel aspect qui m’ont beaucoup intéressé mais lesquels choisir tellement ce livre foisonne d’éléments singuliers, concrets et intéressants ? J’ai pris le parti de vous proposer de lire le livre et donc de ne pas vous faire un résumé comme le font tant de recenseurs en extrayant tel ou tel scandale. Tout est à lire. Que ce soit dans ou hors l’usine. Que ce soit dans les luttes sociales et les grèves. Que ce soit dans la vie au quotidien. Que ce soit dans les retards en termes d’émancipation (notamment dans le machisme) d’une partie des couches populaires. Que ce soit dans la réflexion de l’auteur.
Ce livre devrait aussi bien intéresser tout citoyen qui se veut éclairé sur les mutations sociales, que les militants qui ne souhaitent plus être des « perroquets idéologiques » (terme dont la maternité revient à Ariane Mnouchkine, directrice du Théâtre du soleil), que les intellectuels et bien sûr tout ce que notre pays compte de responsables associatifs, syndicaux ou politiques.