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Relire : « De quoi le capitalisme doit-il sombrer ? », par P. Souyri

Paul Mattick, nous dit Pierre Souyri, appartient à une génération qui n’a pas la naïveté de croire que la révolution est en vue dès que le capitalisme entre en crise.  » La révolution, dit-il, n’est jamais une certitude mais elle n’est pas non plus un « pur rêve marxien », car si le prolétariat ne peut pas se faire le fossoyeur du capitalisme et n’en conçoit même pas l’idée pendant les phases où le système parvient à se consolider en retrouvant la capacité d’accumuler, nul ne peut préjuger de ce qu’il adviendra, s’il se confirme que les contradictions du régime disloquent les fondements économiques sur lesquels a été bâtie la société intégrée. Le catastrophisme de P. Mattick n’est plus aussi optimiste que celui de Marx ou même de Rosa Luxemburg. Mais il n’est pas non plus tout à fait désespéré. »
Il est bon d’entendre que l’évolution historique n’est pas une fatalité, ni en un sens, ni dans l’autre. Et, sans doute, les crises du capitalisme font-elles mieux percevoir la nature réelle de ce dernier. Mais ce ne sont pas les théoriciens qui auront le dernier mot. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes !

Michel PEYRET, communiste, ex-député de la Gironde, qui a transmis ce texte à ReSpublica.

« De quoi le capitalisme doit-il sombrer ? », article de Pierre Souyri paru dans les Annales, vol. 34 n°4 (juillet-août 1979)

Les quelques ouvrages de P. Mattick qui ont été publiés en France n’ont suscité que fort peu d’échos et à peu près aucun commentaire favorable (1)A l’ouvrage relativement ancien, Marx et Keynes, Paris, Gallimard, 1972, 432 p. et au recueil d’articles présentés par R. Paris, intitulé P. Mattick. Intégration capitaliste et rupture ouvrière, Paris, EDI, 1972. 269 p. se sont ajoutés : P. Mattick, « H. Grossmann, théoricien de l’accumulation et des crises », préface à la traduction du livre de H. Grossmann, Marx, l’économie politique classique et le problème de la dynamique, Paris, Éd. Champ libre, 1975, 170 p. ; P. Mattick, « A. Pannekoek et la révolution mondiale », dans Histoire du marxisme contemporain ; P. Mattick,Otto Ruhle et le mouvement ouvrier allemand. Stalinisme et fascisme. Critique socialiste du bolchevisme, Paris. Éd, Spartacus, série B, n° 63, 1975, pp. 67-95 ; P. Mattick, Crises et théories des crises, Paris, Éd. Champ libre, 1976, 243 p.. Il ne faut guère s’en étonner, car l’œuvre de ce vieux radical allemand, fort insoucieux des modes intellectuelles, n’a été qu’une opiniâtre dénonciation des mythes et des idéologies dont l’éclosion a accompagné la longue consolidation du capitalisme après la deuxième guerre mondiale.

Même dans les années où le capitalisme allait en Allemagne, en Italie, au Japon de « miracle en miracle », P. Mattick n’a pas cru que les politiques keynésiennes ou néo-keynésiennes rendaient caducs les pronostics de Marx sur les contradictions et les limites de l’accumulation du capital. Mais surtout. P. Mattick n’a pas seulement persisté à opposer Marx à Keynes, il a aussi, ce qui est beaucoup moins courant, opposé Marx à presque tous ceux qui prétendaient parler en son nom. Les prétendus continuateurs de Marx n’ont été que ses épigones, tous coupables, dès la fin du XIXe siècle, d’avoir faussé le sens du marxisme en refusant d’y voir une théorie de l’effondrement du capitalisme ou en déduisant l’effondrement de prémisses qui n’étaient pas celles de Marx.

Au-delà de leurs divergences et des conclusions opposées auxquelles ils ont abouti, les révisionnistes Cunow, Schmidt, Tougan-Baranovski, les austro-marxistes Bauer, Hilferding, les bolcheviks et les luxembourgistes ont ceci en commun : ils ont cru possible de construire la théorie des crises et de scruter la dynamique du capitalisme en se fondant sur les schémas du Livre II du Capital. Qu’à partir de là, les uns fassent dériver les crises d’une rupture des proportions entre la production des deux départements, et les autres de la sous-consommation pour en conclure que le système s’adapte, ou qu’au contraire il a devant lui un avenir de convulsions de plus en plus violentes, leurs arguments présupposent toujours que les contradictions du capitalisme se situent dans la sphère de la circulation.

Or, s’il est bien vrai que les crises se présentent sous les apparences d’une surproduction de marchandises et de force de travail, décrire leurs manifestations au niveau du marché n’équivaut pas à mettre à jour leurs déterminations réelles. Les crises trouvent en réalité leur origine non pas dans la circulation, mais dans la production elle-même : elles éclatent lorsque intervient une rupture de la proportionnalité nécessaire entre la production de plus-value et les besoins de l’accumulation.

C’est l’insuffisance de la plus-value qui interrompt périodiquement la continuité de la reproduction élargie et les crises ne sont surmontées que pour autant que le capital trouve les moyens d’élever le taux de profit au niveau nécessaire à la reprise de l’accumulation. Si on veut démontrer que le capitalisme n’a pas l’éternité devant lui — ce qui était, à n’en pas douter l’ambition de Marx —, on ne peut le faire qu’en faisant apparaître que ce mode de production évolue vers une situation limite où les contre-tendances qui s’opposent à l’abaissement du taux de profit ne peuvent plus demeurer opérantes.

Ignorer ou rejeter l’idée que le marxisme est fondamentalement une théorie de l’impossibilité d’un développement illimité du capitalisme, ainsi que l’ont fait presque tous les théoriciens de la IIe Internationale et les bolcheviks, équivaut à amputer la pensée de Marx de la dimension la plus essentielle.

Or cette mutilation n’est évidemment ni fortuite ni dépourvue de signification : elle traduit, au contraire, l’apparition dans la social-démocratie et parmi les bolcheviks d’un projet politique qui a cessé de coïncider avec celui de Marx. En posant que les contradictions du capitalisme vont en s’atténuant, que l’échange entre les deux départements de l’économie reste toujours possible ou encore que la cartellisation introduit dans le système des éléments de direction consciente qui en tempèrent l’anarchie originelle, les révisionnistes et les austro-marxistes fondent, en théorie, une pratique dont l’expérience montrera qu’elle n’a pas d’autre fonction réelle que de seconder l’accomplissement d’un processus d’auto-rationalisation du régime capitaliste.

Et cela est vrai aussi pour Lénine qui emprunte l’essentiel de sa représentation de l’impérialisme aux théoriciens social-démocrates — Hilferding ou même Bauer — ce qui le conduira à considérer que le capitalisme des trusts et des monopoles et, plus encore, « le capitalisme de guerre », est déjà un capitalisme en train de se socialiser. Dans cette perspective, il suffit d’arracher l’État aux capitalistes et de parachever l’étatisation de l’économie pour que soient mises en place les prémisses essentielles de la transition vers le socialisme.

Il est vrai que pour les bolcheviks, le passage au socialisme présuppose la destruction de l’État bourgeois alors que les social-démocrates prétendent s’en emparer graduellement pour le faire servir aux fins du socialisme. Mais leurs divergences ne portent que sur les moyens de parvenir au même but : la mise en place d’une économie étatisée qui ne connaîtra plus les ruptures de proportion et les désajustements que le capitalisme est incapable d’éliminer complètement lui-même.

Le socialisme tel que le conçoivent les social-démocrates et les bolcheviks n’est qu’un capitalisme expurgé de son anarchie.
Seule à cette époque, Rosa Luxemburg s’est située sur le terrain du marxisme authentique, en maintenant que le capitalisme décrit une trajectoire historique au cours de laquelle il détruit, par sa propre expansion, les conditions de son fonctionnement. Mais si elle a ainsi, beaucoup mieux que ses contemporains, compris que « la loi de l’accumulation du capital ne faisait qu’un avec la loi de l’effondrement du capitalisme » elle s’est égarée en faisant dépendre l’impossibilité finale du capitalisme de l’incapacité du système à réaliser toute la plus-value.

P. Mattick qui reprend à son compte l’interprétation de la théorie de l’accumulation élaborée par H. Grossmann, affirme, au contraire, que les limites de l’expansion du capital ne peuvent résulter que de la chute du taux de profit. D’après Marx, le système capitaliste est voué à sombrer non parce qu’il n’arrive pas à réaliser un excédent de plus-value, mais parce qu’il se trouve face à un manque de plus-value.

En  récusant  toutes  les  interprétations  « disproportionnalistes »  et  « sous-consom-
mationnistes » du marxisme pour recentrer l’analyse marxienne du capitalisme contemporain sur le problème de la chute du taux de profit, P. Mattick a pu montrer, et cela dès les années soixante, qu’une déstabilisation du système restait concevable et probable. Son mérite n’est pas mince si on se souvient qu’à cette époque, à peu près personne n’osait soutenir que le capitalisme « révolutionné » par les politiques keynésiennes continuait à être miné par des contradictions capables de remettre en question la continuité et la régularité de la croissance.

Tandis que la science économique officielle se disait en mesure de fournir aux gouvernements les recettes infaillibles lui permettant d’impulser indéfiniment les dynamismes de l’économie et prophétisait que le cycle des crises était clos à jamais, les néo-marxistes et les « méta-marxistes », fascinés par les prodiges que réalisait un système qu’ils avaient cru a l’agonie, partageaient cette conviction.

Baran, Sweezy et tant d’autres avec eux, qui n’étaient guère, dit P. Mattick, que des keynésiens marxisants, affirmaient que la loi de la chute du taux de profit ayant fait place à une loi du surplus croissant, le capitalisme moderne ne se trouvait plus confronté qu’à un excédent de produits. Il en venait à bout par une organisation systématique du gaspillage sous de multiples formes et il pouvait ainsi surmonter indéfiniment ses tendances latentes à la stagnation.

Marcuse, de son côté, se disait persuadé que la puissance du développement technologique donnait désormais au capitalisme les moyens d’organiser toujours plus solidement l’intégration du prolétariat sur la base d’une augmentation continuelle de la consommation au sein de la société d’abondance. Entre le capitalisme analysé par Marx et la société contemporaine, il y avait une rupture de continuité : le monde était entré dans une nouvelle période dont l’histoire ne s’agençait plus suivant les déterminations que Marx avait eu, autrefois, l’illusion de mettre à jour.

Toutes ces innovations théoriques firent grand bruit dans le monde intellectuel. Et pourtant, en posant qu’il n’existait pas ou qu’il n’existait plus de limites objectives à la croissance de la production capitaliste, les novateurs ne faisaient guère qu’exhumer de la poussière du temps une représentation du capitalisme qui au fond était déjà celle de Tougan et d’Hilderfing.

En réalité, si après 1945 le capitalisme parvint à relancer la croissance et à la régulariser, ce n’est pas tant par les vertus des mesures qu’inspirait aux gouvernements la science économique que parce que la dépression des années trente et la guerre, en retardant longuement l’accumulation et en détruisant un nombre sans précédent d’installations, avaient fait resurgir les conditions permettant au capital en expansion de se valoriser. Partout, en effet, le renouvellement du capital fixe s’effectua sur la base des mesures de rationalisation des entreprises et de la mise en œuvre de nouveaux moyens technologiques qui allaient permettre, pendant de longues années, de faire croître la productivité plus vite que les salaires. Cette augmentation du taux d’exploitation permit d’enrayer le déclin du taux de profit et même de l’élever sensiblement dans les pays — l’Europe de l’Ouest, le Japon — où le capital implantait une technologie hautement productive alors que les salaires restaient à un niveau relativement faible.

Pourtant, la crise du capitalisme n’était qu’imparfaitement surmontée ainsi que l’attestent les fortes inégalités de développement qui continuèrent à affecter l’économie mondiale. Si la croissance fut exceptionnellement forte en Europe et au Japon, le tiers monde, durement pillé par l’impérialisme, continua, faute de capital, à croupir dans le sous-développement et en Amérique même le taux d’accumulation resta au-dessous de la moyenne historique de ce pays. Le capitalisme le plus puissant de la terre était tout juste parvenu à stabiliser le taux de ses profits, et le capital des USA se trouva rapidement conduit à aller chercher à l’extérieur, par le biais de ses firmes multinationales, la plus-value que les entreprises situées sur le territoire américain ne produisaient pas en quantité suffisante.

En tant qu’ensemble mondial le capitalisme continuait à se trouver confronté avec une pénurie relative de plus-value et les mesures que les gouvernements prenaient dans le cadre de l’économie mixte pour relancer la croissance, chaque fois que la conjoncture fléchissait, ne changeaient rien à cette situation.

Lorsqu’en effet l’État passe des commandes au secteur privé pour empêcher l’approfondissement des récessions ou abréger leur durée, les dépenses qu’engagent les pouvoirs publics permettent, certes, d’employer des ouvriers qui seraient restés en chômage, et de produire des biens qui autrement ne l’auraient pas été. Mais la production exécutée pour le compte de l’État est payée à l’aide de plus-value qui est déjà cristallisée sous la forme de capital-argent ou qui devra l’être, de sorte que cette production n’augmente pas la masse de la plus-value convertible en capital. Le volume de la production d’origine gouvernementale et celui des dépenses publiques qui en résultent ne peuvent pas en réalité augmenter plus vite que le produit social. S’il devait en aller autrement, la plus-value disponible pour l’accumulation du capital privé irait en se rétrécissant, ce à quoi ne manqueraient pas de s’opposer les couches dominantes de la société et leur État lui-même.

Cela revient à dire que l’économie mixte n’a pu donner au capitalisme les apparences d’un système dont les contradictions étaient maîtrisées par l’action de l’État que dans la mesure où le capital était parvenu à stopper le déclin de la rentabilité par ses propres moyens, Mais cette consolidation du capitalisme ne pouvait être que temporaire parce que la société de consommation portait dans son propre fonctionnement les déterminations d’une nouvelle phase de déclin du taux de profit.

P. Mattick montre comment, dès les années soixante, les signes, alors rarement aperçus de ce retournement, commencèrent à se manifester. L’extraordinaire prolifération du travail improductif, le gonflement des dépenses que les États se trouvèrent contraints d’engager pour enrayer les tendances au sous-emploi du travail et du capital, la pression croissante des coûts salariaux de plus en plus difficiles à contenir à mesure que la régularisation de la croissance résorbait l’armée industrielle de réserve, laminaient lentement le taux de profit. De nouveau, une rupture des proportions se préparait entre la production de plus-value et tes besoins de l’accumulation.

Il est vrai que l’inflation permit pour un temps de contenir l’amplification d’une crise qui mûrissait dès le milieu des années soixante. La hausse systématique des prix qui, en abaissant la valeur des salaires réels et des revenus des catégories vivant de la plus-value, permet d’augmenter d’autant la fraction de cette même plus-value qui peut-être convertie en capital devint un nouveau moyen de pallier les difficultés croissantes de la reproduction élargie. Mais lorsque l’inflation déboucha à son tour sur la « stagflation », il devint clair que la plus-value additionnelle dont s’emparait le capital en augmentant les prix ne parvenait plus à se métamorphoser assez vite en investissements supplémentaires pour empêcher la réapparition d’un important chômage.

Un cycle du capital s’achevait : l’inflation elle-même ne suffisait plus à élever les profits jusqu’au point où une reprise rapide de l’accumulation permettrait de faire franchir de nouveaux seuils à l’élévation de productivité.
Marcuse s’est lourdement trompé lorsqu’il affirmait que le capitalisme était désormais en mesure, par la mise en œuvre d’une technologie toujours plus productive, d’accumuler et d’élever en même temps le niveau de la consommation. C’était oublier que l’incorporation accélérée de la science à l’industrie présuppose que le système dispose constamment d’une quantité suffisante de plus-value convertible en capital pour mettre en application les innovations technologiques qu’il tient en réserve ou peut faire surgir.

C’était surtout ne pas apercevoir qu’il n’est pas possible dans le cadre des rapports capitalistes de production de riposter au déclin de la rentabilité en substituant indéfiniment au travail vivant des moyens technologiques. Déjà, dans les pays les plus avancés, le nombre des travailleurs productifs stagne ou même décline. A supposer que dans la période à venir, le capital parvienne à s’approprier suffisamment de plus-value accumulable pour porter, de proche en proche, la productivité à des paliers toujours plus élevés, la contraction des couches productives de plus-value irait en s’accentuant et le système déboucherait sur une situation où le capital variable ne représenterait plus qu’une fraction déclinante et finalement négligeable du capital total. Mais alors c’est la possibilité de la production capitaliste, en tant que production fondée sur l’extraction de la plus-value et sur sa réalisation dans la vente des marchandises, qui deviendrait problématique.

On reconnaîtra là les arguments qui étaient ceux de Marx lui-même lorsqu’il explorait les conséquences ultimes du développement du machinisme sur les éléments constitutifs du rapport capitaliste de production. Il est vrai que Marx paraissait alors poser un problème purement abstrait tant la réalité capitaliste était encore éloignée de la situation limite qu’il s’efforçait d’analyser. L’apparition et le développement de l’automation ont aujourd’hui singulièrement réduit cette distance et les problèmes que poserait au capitalisme une décroissance continuelle du travail productif tendent à devenir de plus en plus des problèmes concrets et actuels. Le puissant développement technologique que le capitalisme est parvenu à réaliser au cours des dernières décennies ne permet pas au système de transcender les contradictions de l’accumulation : il ne constitue, aux yeux de P. Mattick, qu’une fuite en avant qui, à supposer qu’elle doive se poursuivre, n’aurait finalement d’autre effet que de rapprocher toujours davantage le régime capitaliste de ses limites historiques.

Sans doute, reprochera-t-on à P. Mattick d’avoir conçu l’évolution et l’avenir du capitalisme en fonction d’un certain catastrophisme économique qui n’est pas sans parenté avec le luxembourgisme bien qu’il soit fondé sur des présuppositions entièrement différentes. Cela n’est pas totalement faux puisque P. Mattick a toujours soutenu, envers et contre tous, que fa théorie marxienne de l’accumulation était une théorie de l’effondrement du capitalisme. Il est beaucoup plus injuste d’attribuer à P. Mattick une conception du processus historique qui ne serait qu’un pur économisme mécaniste. Sans doute, on peut observer que la lutte des classes n’est pas au centre de son analyse des origines de la crise et qu’en tout cas il n’accorde pas suffisamment d’attention aux diverses formes de lutte — résistance à l’intensification des cadences, chute des rendements du travail, absentéisme, turn over, etc. — qui ont surajouté leurs effets à ceux des revendications salariales comme facteurs de stagnation puis de réduction du taux de profit.

Mais lorsqu’il envisage les conséquences possibles de la crise dans laquelle le capitalisme lui paraît maintenant bien engagé, P. Mattick se garde bien de pronostiquer que celle-ci va faire rapidement resurgir des profondeurs de la société unidimensionnelle la lutte révolutionnaire comme si la combativité et la lucidité politique du prolétariat devaient s’élever en fonction inverse du déclin de la rentabilité.

P. Mattick appartient à une génération qui n’a pas la naïveté de croire que la révolution est en vue dès que le capitalisme entre en crise. La révolution dit-il, n’est jamais une certitude mais elle n’est pas non plus un « pur rêve marxien », car si le prolétariat ne peut pas se faire le fossoyeur du capitalisme et n’en conçoit même pas l’idée pendant les phases où le système parvient à se consolider en retrouvant la capacité d’accumuler, nul ne peut préjuger de ce qu’il adviendra, s’il se confirme que les contradictions du régime disloquent les fondements économiques sur lesquels a été bâtie la société intégrée. Le catastrophisme de P. Mattick n’est plus aussi optimiste que celui de Marx ou même de Rosa Luxemburg. Mais il n’est pas non plus tout à fait désespéré.

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1 A l’ouvrage relativement ancien, Marx et Keynes, Paris, Gallimard, 1972, 432 p. et au recueil d’articles présentés par R. Paris, intitulé P. Mattick. Intégration capitaliste et rupture ouvrière, Paris, EDI, 1972. 269 p. se sont ajoutés : P. Mattick, « H. Grossmann, théoricien de l’accumulation et des crises », préface à la traduction du livre de H. Grossmann, Marx, l’économie politique classique et le problème de la dynamique, Paris, Éd. Champ libre, 1975, 170 p. ; P. Mattick, « A. Pannekoek et la révolution mondiale », dans Histoire du marxisme contemporain ; P. Mattick,Otto Ruhle et le mouvement ouvrier allemand. Stalinisme et fascisme. Critique socialiste du bolchevisme, Paris. Éd, Spartacus, série B, n° 63, 1975, pp. 67-95 ; P. Mattick, Crises et théories des crises, Paris, Éd. Champ libre, 1976, 243 p.
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