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« Témoigner, mourir », exposition des photographies d’Olivier Voisin

En collaboration avec l’association 0 de Conduite


Olivier Voisin s’était rendu en Syrie l’été dernier, puis début janvier. Il est entré pour la troisième fois dans ce pays en guerre à la mi-février, afin d’accompagner un groupe de rebelles. Mortellement blessé par des éclats d’obus à Idlib, son dernier reportage est interrompu le 21 février. Les photos retrouvées dans son appareil témoignent de ses dernières heures de travail de photojournalisme.
C’est son acte de foi, sorte de manifeste, qui introduit l’exposition : « Je suis photographe. C’est mon boulot d’aller voir et d’appuyer sur le déclencheur. L’idée de rejoindre une guerre est insensée, terrible. Qu’est-ce qui pousse une personne à aller voir la guerre et la rapporter ? Avant tout la rencontre de l’autre, chez lui, dans son contexte de ruptures multiples, et se laisser habiter par cette réalité, simplement, humblement. Commencer une aventure humaine avant toute chose et aimer les gens que je vais rencontrer, même les barbus… et là, enfin, commencer à TÉMOIGNER ».
Une photo d’Ethel Bonet le montre sur la scène de guerre, en train de photographier un soldat. Plus loin, Edouard Elias le prend en photo, parlant avec des soldats. Humaniste, révolté, après un parcours atypique, Olivier Voisin avait repris la photo à trente-six ans pour se rapprocher de ce qu’il jugeait essentiel, et accepté de risquer sa vie pour témoigner et interroger la condition humaine. Aujourd’hui, par cette exposition, ses amis lui rendent hommage.

La plupart des photographies sont en couleurs, quelques-unes en noir et blanc, elles remontent le temps dans des villes fantômes et figées où les rideaux de fer sont baissés. Gravats, empilements de sacs barrant la route, impacts de balles, silence glacé, tentures pour cacher, kalachnikov, mortiers et obus, sont l’alphabet du quotidien dans ces bouteilles à la mer d’Olivier Voisin.

Alep, août 2012, puis janvier 2013, quelques photos : un combattant en contre plongée, kalachnikov à la main, devant un hôtel au rideau métallique fermé, barbe taillée, foulard autour de la tête, le regard dur, posté aux aguets, prêt à tirer, petit coin pâle d’un ciel, bleu des vêtements jean et polo. Dans une rue aux boutiques effacées, debout et de dos, deux tireurs froids en action, l’un portant gilet de camouflage et pistolet à la ceinture, l’autre, costume et lunettes de soleil, pointant son arme d’une main, cigarette dans l’autre. Un homme jeune menace le photographe et barre la photo, main provocante face à l’objectif, derrière, un semblant de normalité, quelques silhouettes et deux camionnettes semblant faire l’inventaire. Un morceau de drap, du sang ; un homme assis dans les rues qui n’en sont plus, seul et blessé ; un sens interdit ; une enseigne écroulée ; un reste d’ogive, une église ? de l’acharnement.

Idlib, février 2013, trois dernières photos et la chronologie des derniers moments : 6h 33, le petit matin, les lumières passent par une fente.
7h 02, les combattants sont en action, fusils à la main, ils font le V de la victoire.
8h, les balles se rapprochent.
8h 11, (photo) quatre combattants enfouis dans une tranchée, autour, une nature calme et quelques nuages, tension, inquiétude, écoute.
8h 21, (photo) au centre, un arbre mort, un combattant, de dos, regarde dans la lunette de son fusil, près d’une tranchée, autour, terre, pierres, solitude, observation, attente. Le chaos à l’horizon. Au loin, à droite, un toit dépassant de la végétation, à gauche, un reste de maison écroulée.
8h 23, (dernière photo) deux groupes de deux jeunes hommes, en embuscade, leurs sacs posés devant eux, derrière un taillis recouverts d’un tissu noir. Peu après, les obus tombent. Un éclat touche Olivier Voisin à la tête et au bras. Et le temps se suspend.

« Voilà, c’est le début et la fin d’un nouveau voyage. Vivre de l’intérieur, profondément, les rencontres que nous faisons, voilà mon destin. Il ne s’agit pas d’être le meilleur photographe de mode, mais bien de cette rencontre de l’infini humain. Parfois c’est très moche. Parfois c’est très beau ». Ecrit d’un carnet de reportage, Antakya (Turquie) le 16 janvier 2013.
Au-delà de ces clichés, témoignages chargés d’une guerre qui s’étire et d’un métier risqué, une seconde séquence s’organise autour de quelques photographies d’Olivier Voisin, issues de ses reportages à la frontière entre le Liban et Israël (96), entre la Somalie et le Kenya (2011), au Brésil, en Libye et en Haïti. Homme des frontières, il nous conduit face au réel.
La justesse et la simplicité de son travail, ni voyeur ni grandiloquent, fait battre le cœur de la Syrie et le nôtre avec, en ce dernier voyage accompli, sans retour.

◊ Société Civile des Auteurs Multimédias (SCAM), 5 avenue Vélasquez 75008. Métro : Villiers.
Du 8 avril au 14 juillet, du lundi au vendredi de 9h à 17h. T : 01-56-69-58-58.
Exposition réalisée avec le soutien de France 24, de la Scam et de Paris Match.

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