Le congrès du PRG a adopté à une écrasante majorité la résolution que j’avais proposé sur la laïcité. Les Radicaux de gauche ont désormais une feuille de route claire pour les 3 années qui viennent sur laquelle nous espérons bien obtenir des résultats concrets avec l’aide de nos parlementaires. [NdA]
40 ans après la fondation du Mouvement de la gauche radicale-socialiste par Robert Fabre, la victoire de François Hollande en 2012 est aussi celle du Parti Radical de Gauche. Les radicaux de gauche occupent désormais toute leur place dans la majorité avec un groupe à l’Assemblée nationale, un groupe au Sénat et avec deux ministres dans le gouvernement. Le PRG est ainsi devenu une force politique de gauche indépendante et porteuse d’une grande tradition politique qui puise ses racines dans les origines mêmes de la République, puisque sans eux la loi de séparation des Eglises et de l’Etat n’aurait pu être ni élaborée, ni votée.
Si les radicaux revendiquent leur héritage particulier et les combats de la gauche en faveur de la laïcité, ils n’oublient pas pour autant qu’elle n’est pas la propriété d’une famille politique. Ils notent avec satisfaction que la grande majorité des démocrates français ont admis et défendent la consubstantialité de la République et de la laïcité. Pour autant, rien n’est acquis. Ils sont obligés de constater que d’une part les cinq années de la présidence Sarkozy ont conduit à une véritable offensive contre le principe de laïcité et d’autre part que l’extrême-droite, emmenée par une Marine Le Pen se drapant dans les habits républicains, est déterminée à mener une OPA hostile sur la laïcité. Les radicaux de gauche ont désormais la responsabilité de contribuer à rebâtir cette République laïque pour laquelle nos prédécesseurs se sont tant battus depuis le début du XXe siècle.
François Hollande a annoncé à l’occasion de son meeting du Bourget sa volonté d’inscrire la loi de 1905 dans la Constitution ce qui a constitué une victoire politique remarquée pour le PRG. Malheureusement, lors de la publication de sa « 46e proposition » il a précisé sa volonté d’insérer à l’article 1er, un deuxième alinéa ainsi rédigé : « La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l’État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle. » La référence au Concordat est une déception pour tous les partisans de la laïcité et en premier lieu pour les radicaux de gauche. Nous avons d’ailleurs publiquement manifesté notre désaccord et notre volonté de peser dans le débat parlementaire pour que le statut dérogatoire des cultes en Alsace-Moselle ne soit pas constitutionnalisé.
Les Radicaux n’ont, bien entendu, pas attendu leur congrès pour parler de laïcité, mais celui-ci doit être l’occasion pour nous de rappeler l’importance pour la gauche de défendre une laïcité exigeante et exemplaire pour le pays. Elle permet à des individus d’origines et de cultures différentes de vivre ensemble dans notre société, d’exprimer librement leur religion dans les limites justes et légitimes que la loi fixe, comme le dispose d’ailleurs l’article X de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Nous devons profiter de ce congrès pour rappeler que la laïcité ne consiste pas à opposer les uns aux autres, encore moins à attiser les haines et alimenter les peurs. Au contraire, dans la mesure où elle place la pratique religieuse au sein de la sphère privée, elle facilite le vivre ensemble entre croyants et non croyants. En interdisant les manifestations religieuses dans la sphère publique, sauf exception, elle est un puissant facteur de paix civile. Elle n’est donc ni une pensée de combat antireligieux ni un renoncement ; elle prévoit simplement que « la loi respecte la foi aussi longtemps que la foi ne prétend pas dicter la loi ». La loi de 1905 apporte plus encore. Elle institue la liberté de conscience qui accorde une égale dignité aux croyants de toutes confessions, mais aussi aux athées, aux agnostiques et aux libres penseurs pour la première fois dans l’histoire.
La laïcité n’est évidemment ni positive, ni négative, elle n’a besoin d’aucun adjectif pour en préciser le sens ou l’intention. Elle est simplement un rempart. Ce rempart protège l’espace public. Elle est donc incompatible avec l’idée d’ouverture ou d’abaissement qui suppose un affaiblissement de la garantie de neutralité. Fondée sur les principes de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen, spécialement sur les règles d’autonomie du sujet et d’égalité en droit, la laïcité permet l’éveil de consciences libres. La loi de la République laïque ne connaît donc que des individus, citoyens autonomes et maîtres de leur destin. C’est pourquoi elle ne reconnaît aucune communauté garantissant, ainsi, les principes d’égalité et de liberté des individus. Ce faisant, elle protège les femmes de toute discrimination ou sujétion inspirées par une version radicale ou intégriste des trois monothéismes. Elle assure l’égalité aux minorités sexuelles, ce que leur contestent trop souvent les religions du Livre.
La laïcité d’aujourd’hui n’est plus la laïcité de combat des origines. Mais le combat pour la laïcité reste d’actualité dans la bataille des idées, comme l’a montré la récente offensive de l’Eglise catholique contre le projet de loi sur le mariage homosexuel. Des hauts dignitaires ecclésiastiques ont même à cette occasion mis en doute la légitimité du Parlement à légiférer sur les questions de la famille… Ce combat pour l’élargissement des libertés individuelles, c’est à nous de le mener. Notre congrès est l’occasion de réaffirmer notre engagement pour la laïcité et d’adopter une feuille de route pour donner à nos fédérations, à nos élus et en particulier à nos parlementaires les moyens d’agir chacun à leur niveau pour contribuer au redressement de la République.
La loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat est la « masse de granit » républicaine sur laquelle repose le principe de laïcité. Les débats qui ont agité notre pays depuis le début des années 2000 ont montré que le consensus républicain s’est progressivement délité. Il est nécessaire de réaffirmer avec force l’attachement de la France à cette loi et aux principes dont elle est porteuse.
- Le statu quo est désormais impossible, le Parti Radical de Gauche réclame d’urgence l’inscription du Titre Ier de la loi de 1905 dans la Constitution et une sortie graduelle et négociée du régime dérogatoire des Cultes en Alsace et en Moselle avant la fin du quinquennat. Il demande à ses parlementaires de proposer dès la prochaine session la création d’une commission chargée d’évaluer le coût financier de tous les régimes dérogatoires des cultes en Alsace-Moselle et dans les territoires d’Outre-Mer.
La laïcité s’applique de façon privilégiée à l’Ecole. Or, depuis 2007, nous avons assisté à un affaiblissement sans précédent de l’Ecole de la République. Saccage de la formation des maîtres, suppression massive de postes, réduction des moyens, polémiques politiciennes sur les programmes scolaires : l’école publique aura beaucoup souffert en cinq ans. Et les enseignants n’ont pas reçu la reconnaissance qu’ils méritent. Il faut changer de cap. Les Radicaux soutiennent évidemment l’engagement de François Hollande de créer 60000 postes supplémentaires en 5 ans dans l’Education nationale, et ils veilleront au respect de cet engagement, mais au-delà ils veulent l’abrogation des lois qui favorisent le développement de l’enseignement privé confessionnel au détriment de l’enseignement public en imposant en outre des charges indues aux collectivités locales.
- Le Parti Radical de Gauche réclame l’abrogation de la loi Carle et la révision loi Guermeur qui devra s’accompagner de la suppression de l’article 89 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Le monopole de délivrance des diplômes par l’Etat constitue une garantie concrète de la qualité de l’enseignement supérieur en France et de son indépendance à l’égard de tout dogme… C’est sur la base des mêmes critères, et selon les principes d’égalité et de laïcité, que l’autorité publique évalue la qualité des formations universitaires. Ces règles sont rompues depuis 2009 puisqu’une simple habilitation par l’Eglise catholique, dont on comprend bien qu’elle peut être accordée sur des critères non scientifiques, vaut reconnaissance par l’Etat de certains diplômes suite aux accords Kouchner-Vatican. Un abandon intolérable de souveraineté nationale et un pas significatif vers le projet concordataire, dont était porteur Nicolas Sarkozy.
- Le Parti Radical de Gauche réclame l’annulation de l’accord passé entre la France et le Vatican sur la reconnaissance mutuelle des diplômes et rappelle le principe du monopole de la délivrance des diplômes par l’Etat.
Il existe de nombreuses et généreuses dispositions fiscales qui contribuent indirectement à financer les cultes. Ainsi les versements au denier du culte sont déductibles des impôts (66% dans la limite de 20% du revenu), les dons aux fondations qui financent les cultes sont déductibles de l’ISF à hauteur de 75%, les legs à l’Eglise catholique sont totalement exonérés de droits de succession et une entreprise peut également faire un don à une congrégation religieuse qui donne droit à une réduction d’impôt dans la limite de 0,5% de son chiffre d’affaires.
- Le Parti Radical de Gauche réclame une évaluation précise du coût pour l’Etat de ces niches fiscales par la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire.
- Le Parti Radical de Gauche réclame le plafonnement à 5000 euros des réductions d’impôt sur le revenu auxquels donnent droit les dons aux religions.
Le respect de la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat et l’application du principe de laïcité soulèvent des questions concrètes que beaucoup de collectivités locales et d’administrations publiques règlent différemment dans le silence des textes. L’installation de l’Observatoire de la laïcité permettrait de faire un état des lieux des pratiques et de fonder une véritable pédagogie de la laïcité dans l’espace public.
- Le Parti Radical de Gauche réclame l’installation rapide de l’Observatoire de la laïcité créé par le décret n° 2007-425 du 25 mars 2007 qui s’intéressera aux pratiques de l’ensemble des religions.
Le principe de laïcité fonde depuis plus d’un siècle notre pacte républicain ; aussi sa défense et sa promotion doivent constituer une priorité essentielle de l’action du Gouvernement. Cela passe, en amont, par une politique éducative, civique et culturelle qui aborde tous les aspects de la laïcité, de la liberté de conscience et de religion et promeuve concrètement les principes républicains. La France doit aussi veiller à la promotion du principe républicain au sein des institutions européennes. Faute d’une telle vigilance, celui-ci a tout à craindre des lobbies religieux très actifs à Bruxelles, tandis que progresse pourtant la sécularisation de nos sociétés.
Cette politique doit être animée et développée au niveau interministériel sous l’autorité du Ministre de l’intérieur pour assurer la cohérence de l’action de l’Etat sur le terrain et jouer un rôle d’impulsion, de proposition et d’évaluation.
- Le Parti Radical de Gauche réclame la création d’une délégation interministérielle chargée de la laïcité.