La laïcité en Europe : un combat d’actualité pour une idée neuve

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À l’heure de la campagne pour l’élection des députés européens, cet ouvrage écrit par notre ami et camarade Jean-Claude BOUAL vient à point nommé. Il nous permet à la fois de mieux comprendre le principe de laïcité, base de notre République, et de connaître les régimes de nos voisins. Il confirme le lien entre combat laïque et combat social. L’ouvrage a pour objet de montrer les relations entre les Églises et les institutions européennes. Toute une partie de l’ouvrage permet de naviguer sur un arc allant de la France avec une laïcité aboutie et assumée à des États sécularisés, certes, mais au tropisme religieux bien affirmé. Entre les deux, il y a des degrés divers d’avancées vers la laïcité. Il est important d’avoir en tête que la laïcité est un principe universel valable pour toutes et tous, quelles que soient les options spirituelles. Cet ouvrage apporte des précisions utiles sur les tentatives d’insérer la religion dans les institutions européennes afin de donner des outils pour tous ceux et toutes celles qui défendent la liberté de conscience.

Le livre est disponible dans notre librairie militante.

Des raisons de la préséance religieuse

Dans la préface instructive, Véronique de Keyser, eurodéputée de 2001 à 2014, souligne que deux hommes préparent l’ingérence religieuse dans l’évolution de l’Union européenne, Jacques Delors et le pape Jean-Paul II. Le premier, rappelle la députée, considérait que les citoyens ne pouvaient adhérer pleinement à l’idée européenne qu’en imaginant un programme qu’il intitule « Une âme pour l’Europe », programme destiné à combler le vide spirituel du seul grand marché. Le second visait l’édification de la grande Europe chrétienne.

La volonté de réaliser « Une âme pour l’Europe » du fait de la quasi-hégémonie des lobbys religieux bien organisés a vite fait de supplanter les partisans d’une Europe laïque et humaniste fort mal organisés.

Le tournant du Traité constitutionnel

Durant la « Convention pour l’avenir de l’Europe » présidée par Giscard d’Estaing, de 2002 à 2004, pour présenter le projet de Traité constitutionnel et le faire ratifier, l’influence des associations catholiques et prosélytes monte en puissance. Il en résulte l’inscription « des racines chrétiennes et de Dieu » dans la Constitution.

Cet aspect a mobilisé les partisans de la laïcité et un compromis aboutira au Traité de Lisbonne avec, souligne l’auteur, l’article 17 qui ne parle plus que d’un « dialogue structuré entre les institutions de l’UE, les cultes et les associations philosophiques ».

L’élargissement vers les pays de l’Est fragilise ce compromis, avec des députés polonais, cité par la députée, qui débutent leurs interventions par « Je remercie Dieu de me donner l’occasion de parler du sujet le plus grave… » Elle conclut sa préface en considérant que « la démarche française devrait inspirer d’autres pays ».

Le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE)

Le traité ci-dessus, plus connu sous le nom de Traité de Lisbonne, indique l’auteur, montre la surreprésentation des courants religieux par rapport aux courants laïques. Comment en sommes-nous arrivés là, s’interroge l’auteur ?

L’auteur apporte une réponse :

Alors que les textes d’origine de la Construction européenne jusqu’au Traité d’Amsterdam en 1997 étaient neutres à ce sujet et ne disaient rien sur les relations entre les Églises et les institutions européennes, [ce traité] vise également à laisser entrevoir les enjeux de ce dialogue qui porte aussi bien sur les questions de société, de politique, de droit, qu’institutionnelles, et qui toutes ont des répercussions dans les États membres. L’Europe ne sera sociale que si elle est laïque. Les libertés ne seront effectives que si les libertés de pensée et de conscience sont absolument respectées, car la liberté de religion, d’en changer, de croire ou ne pas croire, de la pratiquer en découle. Or, dans les débats les institutions européennes, alignées sur le modèle anglo-saxon, [la tendance est forte] à faire de la liberté de religion la liberté mère au détriment de la liberté de conscience et de la liberté de pensée, et à privilégier ainsi les religions

La laïcité est-elle un concept européen ?

De la laïcité

Avant d’apporter une réponse, il précise la notion de laïcité qui « inclut consubstantiellement la séparation des Églises et de l’État [qui] est aussi un acte d’émancipation et de souveraineté des peuples à l’égard des groupes religieux ».

L’auteur parcourt les grandes étapes du processus historique qui aboutit à la laïcité telle qu’elle peut être comprise aujourd’hui : les Lumières du XVIIIe siècle, la Révolution française de 1789 à 1793, la loi de séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905. « Les liens institutionnels et juridiques avec l’Église catholique, religion d’État jusque-là, sont rompus. ». C’est ainsi que «l’obéissance aveugle sur le plan séculier avec le pape, sont [également] rompus ».

L’auteur reproduit un passage de la Constitution du 22 août 1795 qui reprend un principe de la Constitution de 1793 : « La loi ne reconnaît ni vœux religieux, ni aucun engagement contraire aux droits naturels de l’homme… – Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi. – Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’un culte. La République n’en salarie aucun. » C’est un écho la loi du 9 décembre 1905.

Est également montrée la motivation du Concordat signé entre le Consul Bonaparte avec le Vatican (8 avril 1801) et des décrets du 17 mars 1808 signé par Napoléon 1er, à savoir « la religion catholique [est] pour lui un excellent moyen de gouverner les hommes ». Ce n’est pas sans rappeler la position de l’empereur romain, Constantin, qui voyait dans le christianisme une idéologie qui prônait le respect des puissants par la volonté de Dieu.

Est cité un long passage du pape François (page 32), qui montre sa conception de la laïcité qu’il estime « exagérée » en France, qu’il souhaite accommodante et qui au nom de l’objection de conscience permettrait à un fonctionnaire de ne pas appliquer la loi. Cela mettrait la loi en soumission aux principes religieux notamment concernant l’IVG, l’euthanasie…

Pire, pour le prédécesseur du pape François, Benoît XVI, les laïques et, encore plus, les athées, sont amoraux et sans spiritualité.

De la tolérance

Elle relève trop souvent, selon l’auteur, d’une « condescendance, indulgence pour ce qu’on ne peut ou ne veut empêcher » soit une permission accordée bon gré mal gré. L’auteur évoque John Locke et sa lettre sur la tolérance dont voici une analyse (page 37). John Locke fonde « la tolérance sur le fait que l’autorité publique ne peut pas forcer les consciences, mais peut simplement par la force contraindre les sujets à se conformer extérieurement au culte établi, ce qui les poussent à être hypocrites, va à l’encontre de leur salut et est contradictoire avec le but poursuivi en les forçant à adopter un culte qu’ils ne partagent pas ».

L’auteur évoque Pierre Bayle qui pense la tolérance de manière plus philosophique ; elle découlerait « de la capacité naturelle de tout homme de discerner le vrai du faux, de sorte que nul ne peut se penser dépositaire d’une vérité absolue qui pourrait être imposée aux autres ». Il est utile d’ajouter concernant Pierre Bayle un écrit qui va à l’encontre d’un Benoît XVI sur la vertu et la moralité qui affirme : « Il n’est pas plus étrange qu’un athée vive vertueusement qu’il est étrange qu’un chrétien se porte à toutes sortes de crimes. »

Quant à Voltaire, au contraire d’un Pierre Bayle, il dénonce les athées qui pourraient s’affranchir de toute morale en écrivant « Je veux que mon procureur, mon tailleur, mes valets croient en Dieu ; et je m’imagine que j’en serai moins volé ». 

L’auteur pose la question essentielle. « Doit-on tolérer l’intolérable ? » Pour lui, la laïcité va au-delà de la notion de tolérance. Il apporte une réponse intéressante « La laïcité méconnaît les majorités et les minorités, les anciens et les modernes, la hiérarchie sociale. Tous sont confondus et renvoyés aux mêmes exigences devant la loi qui s’impose à tous, aux uns comme aux autres. » Il ajoute « Dans la laïcité, il n’y a pas de supériorité condescendante que nous trouvons dans la tolérance. ».

De la sécularisation

C’est un aspect important pour ne pas confondre laïcité et sécularisation. Dans le domaine religieux sont distingués les « réguliers », qui vivent en dehors du monde, et les « séculiers », qui vivent dans le monde au milieu de leurs ouailles. Il s’agit pour l’auteur de distinguer la sécularisation de la société et la laïcisation. La faiblesse de la sécularisation, une sorte de laïcité qui ne va au bout de sa logique, est de se contenter de repousser les Églises « vers les franges les plus radicales et les plus conservatrices des croyants ». Ce phénomène de sécularisation est très développé au sein de l’Union européenne. L’auteur cite Nadia El Fani, athée militante : « Je n’ai vu pour l’instant aucun mouvement réformateur (de l’islam-NDLR) qui ait une portée sur les musulmans. Ce que je vois, c’est que les textes restent toujours aussi sacrés. La seule chose qui peut nous aider, c’est un pouvoir civil qui ne soit pas religieux, c’est-à-dire la laïcité. »

De la liberté de conscience

Est rappelé le point commun de tous les textes la concernant, de la Déclaration universelle des droits de l’Homme en 1948 au Traité de Lisbonne en 2009 : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites ». Cet aboutissement est le résultat d’un long processus, de la Réforme protestante avec la notion de « for intérieur » ou tribunal de sa conscience, au christianisme social qui demande « premièrement la liberté de conscience ou la liberté de religion, pleine, universelle, sans discrimination, comme sans privilège ; et par conséquent en ce qui [les] touche, [eux] catholiques, la totale séparation de l’Église et de l’État », en passant par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen selon lequel « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »

L’apport du courant de la « Libre pensée » est essentiel en faisant passer la notion de libre pensée du « for intérieur » à son application dans la société.

L’auteur apporte sa critique à la rédaction de l’article 18 de la Déclaration des droits de l’Homme en proposant une formulation plus en adéquation avec l’esprit de la liberté de conscience : « Toute personne a le droit à la liberté de pensée, de conscience et de culte(à la place de religion) ; ce droit implique la liberté de changer de culte ou de conviction ainsi que la liberté de manifester son culte ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques du culte (ici la Déclaration utilise le bon terme) et l’accomplissement des rites. » L’auteur insiste : la confusion entre culte et religion ouvre la porte à tous les dévoiements de la définition de la liberté de conscience. Aux propos de l’auteur, il est peut-être utile de rappeler que la liberté de manifester son culte par l’enseignement n’implique absolument pas que l’État finance l’enseignement confessionnel, bien au contraire.

L’Église catholique, précise l’auteur, n’est pas la seule à être vent debout contre la liberté de conscience. Il est possible de citer l’Arabie saoudite en 1948 ou le Conseil islamique d’Europe qui, dans sa Déclaration islamique universelle des droits de l’homme, placent la loi sous le sceau de la Shari’a.

De l’Europe

L’auteur relève la diversité linguistique du « vieux » continent, culturelle et institutionnelle, sur un fond civilisationnel commun dont la connaissance est le gage de la préservation de cette diversité. On ne remerciera jamais assez l’auteur de ne pas tomber dans le piège de l’« identité » judéo-chrétienne de l’Europe, piège révélateur d’une épistémè religieuse.

L’auteur relève les évolutions de l’Europe, évolutions positives et négatives, qui se caractérisent au départ par « un modèle social original avec une protection sociale, un droit du travail, un droit syndical, le droit de grève qui est le cœur de la démocratie sociale et de la démocratie en général ; ce sont des services publics ; c’est aussi aujourd’hui une Union européenne qui mène avec les États membres des politiques ultralibérales fondées sur la religion de la concurrence, mais c’est aussi des politiques communes avec des règles communes et des solidarités. »

Du blasphème

Retenons la phrase de Clemenceau que l’auteur met en exergue et qui est reprise dans l’esprit par le mufti de la mosquée de Marseille : « Dieu se défendra bien lui-même, il n’a pas besoin pour cela de la Chambre des députés. » Et de critiquer la définition du blasphème sur le site du Sénat français en contradiction avec le principe de laïcité qui ne le reconnaît pas, comme une « atteinte commise à l’égard de croyances religieuses, des divinités ou des symboles religieux qui se matérialise par des paroles, des écrits ou toute autre forme d’expression. » Au secours Clemenceau, ils sont devenus fous.

L’auteur met en évidence le côté timoré, ambigu, de la Cour européenne des droits de l’homme, qui semble suivre un tropisme favorable au blasphème : « … il n’est pas possible d’arriver à une définition exhaustive de ce qui constitue une atteinte admissible au droit à la liberté d’expression lorsque celui-ci s’exerce contre les sentiments religieux d’autrui. Dès lors, les autorités nationales doivent disposer d’une certaine marge d’appréciation pour déterminer l’existence et l’étendue de la nécessité de pareille ingérence. » Il en est ainsi, rappelle l’auteur, de la Commission européenne qui assimile la question religieuse au racisme. Et de préciser sa pensée, « assimiler au racisme, à la xénophobie [le blasphème comme l’a fait en 2023, Josep Borrell], ne pas défendre la liberté d’expression et la liberté de pensée et de la manifester, ne pas faire référence à la liberté de conscience pour la défendre sont des formes de lâcheté, donnant raison à ceux qui veulent introduire le délit de blasphème, même de façon détournée, dans les textes internationaux ».

La situation dans les États membres de l’UE

Nous invitons le lecteur à lire l’ouvrage qui fourmille d’informations et d’analyses historiques et constitutionnelles.

Cette partie de l’ouvrage examine les diverses situations. Nous invitons le lecteur à lire l’ouvrage qui fourmille d’informations et d’analyses historiques et constitutionnelles. C’est pourquoi nous ne citerons que quelques pays exemplaires dans leur façon d’aborder les relations avec les Églises et religions.

De la France

La France est une république laïque. Il est justement rappelé les entorses accordées provisoirement à l’Alsace-Moselle, la Guyane ou encore Mayotte, ainsi que les entorses dans le financement des écoles privées. Dans les prétoires, ce ne sont plus Dieu ou ses prophètes qui seraient offensés, mais les individus. La loi Pleven du 1er juillet 1972 est un cheval de Troie qui, en introduisant le délit de « provocation à la haine », permet, potentiellement, la réintroduction du délit de blasphème. Plusieurs exemples sont cités dont les arguments contradictoires des juridictions d’une part pour l’« affaire » Houellebecq (tribunal de Grande Instance de Paris) estimant que « la haine d’une religion n’est pas forcément corrélée avec une provocation à la haine envers les fidèles de cette religion, ni que l’insulte à une religion ne constitue une insulte aux fidèles de cette religion » et d’autre part pour l’« affaire » Sainte Capote assortie d’un dessin de préservatif (Cour d’appel de Toulouse, jugement cassé par la Cour de cassation). « Les documents incriminés sont donc constitutifs du délit d’injure envers un groupe de personnes suffisamment déterminées, la communauté des catholiques, à raison de son appartenance à une religion. » Il y a souvent confusion entre critique des religions non interdite et injure aux personnes en raison de leur religion sanctionnée par la loi.

De l’Allemagne

Après une présentation historique, l’auteur cite le préambule de la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne (Constitution allemande) du 23 mai 1949 qui commence par : « Conscient de sa responsabilité devant Dieu et devant les hommes… », « Les droits et devoirs civils et civiques ne sont ni conditionnés, ni limités par l’exercice de la liberté religieuse. » « Il n’existe pas d’église d’État. La liberté de former des sociétés religieuses est garantie. Chaque société religieuse ordonne et administre librement ses affaires dans les limites de la loi applicable à tous. Elle confère ses fonctions sans intervention de l’État ni des collectivités communales civiles. »

Tout cela, hormis le préambule, se rapproche du principe français de laïcité. En revanche, ce qui différencie l’Allemagne de la France, c’est « que les Églises, catholique, protestante, méthodiste, néoapostolique, adventistes du septième jour, le Conseil central juif ont un statut de « corporation de droit public » ; ce qui leur donne certains avantages ou reconnaissances. »

Certes, comme en France « nul ne doit être contraint de contribuer aux besoins d’un culte ». Cependant, rappelle l’auteur, « il est possible de refuser cet impôt (Kirchensteuer, contribution pour les Églises), mais les démarches sont compliquées. »

Autre entorse aux droits universels, « les « juges de paix » chargés notamment des conflits familiaux veillent à ce que les conflits entre musulmans n’arrivent jamais devant un tribunal. Les droits des femmes ne sont pas pris en compte dans ce type d’arbitrage, car ils s’appuient sur la charia… »

Il est également un principe de la « Loi fondamentale » qui rappelle la situation antilaïque en Alsace-Moselle avec la « Loi Falloux », « L’instruction religieuse est une matière d’enseignement régulière dans les écoles publiques à l’exception des écoles non-confessionnelles. L’instruction religieuse est dispensée conformément aux principes des communautés religieuses, sans préjudice du droit de contrôle de l’État. »

Dans certains Länder, les libres-penseurs « organisent un cours de son courant philosophique dans des écoles publiques. »

De la Belgique

« La séparation entre les Églises et l’État est bien effective en Belgique. »

« La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents des élèves. Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l’obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle. (…). »

Contrairement au principe de laïcité en France, « des aides importantes sont attribuées au Culte catholique et à cinq autres religions reconnues historiquement minoritaires (protestante, israélite, anglicane, islamique et orthodoxe). Le système de financement est assez complexe, l’État fédéral attribue des subventions, les communes, les provinces et les régions financent les édifices et le logement des ministres des Cultes. Le courant « laïque organisé » bénéficie aussi de modes de financement comparables sauf pour le logement. »

De l’Espagne

La Constitution de 1978 précise que « La liberté idéologique, religieuse et de culte des individus et des communautés est garantie, sans autres limitations,…, que celles qui sont nécessaires au maintien de l’ordre public protégé par la loi » et que « Nul ne pourra être obligé à déclarer son idéologie, sa religion ou ses croyances. » ainsi qu’« Aucune confession n’aura le caractère de religion d’État. »

De la Grèce

« Le texte de la Constitution du 9 juin 1975 commence par : « Au nom de la Trinité sainte, consubstantielle et indivisible, la 5e chambre des députés révisionnelle vote… » et précise dans un acte de bravoure quasi théologique : « La religion orthodoxe de Grèce, reconnaissant pour chef Notre Seigneur Jésus-Christ, est indissolublement unie, quant au dogme, à la Grande Église de Constantinople. Ce n’est que tardivement que l’appartenance religieuse a été supprimée des cartes d’identité (2000), sur pression de l’Union européenne précise l’auteur.

Le Grand-Duché de Luxembourg

Le Luxembourg fait partie, comme l’indique l’auteur, des pays les plus sécularisés.

« La Constitution du 17 octobre 1868 prévoit que les traitements et pensions des ministres des Cultes sont à la charge de l’État (art. 106) et détermine par ailleurs, dans son article 22 que : « les rapports de l’Église avec l’État font l’objet de conventions ». « Cette disposition, qui s’appliquait, lors de la promulgation de la Constitution, au droit concordataire de l’Église catholique, a été étendue aux cultes les plus représentatifs à partir des années 1980. » « L’intervention de l’État dans la nomination et l’installation des chefs des cultes… font l’objet de conventions à soumettre à la Chambre des Députés… »

Evolution intéressante qui tend à se rapprocher de la situation française, « une coalition majoritaire rassemblant les libéraux, les socialistes et les Verts décide de mettre en œuvre un programme de séparation de l’État et des religions. » « L’enseignement religieux dans les écoles publiques [est] remplacé dès la rentrée 2016 par un cours commun à tous les élèves et figure parmi les matières obligatoires, intitulé « éducation aux valeurs ». »

De Malte

Il y a une religion officielle. L’auteur cite l’article 2 de la Constitution qui stipule que « la religion de Malte est la religion Romaine Catholique Apostolique.  Les autorités de l’Église Romaine Catholique Apostolique ont en charge et le droit d’enseigner le bien et le mal. Les enseignants de la Religion Catholique Romaine Apostolique doivent assurer dans toutes les écoles de l’État les cours d’éducation religieux obligatoires. » Assortie du délit de blasphème reconnu, Malte se situe bien loin et de la sécularisation et de la laïcité.

Qu’en est-il de la religion dans les textes communautaires ?

L’auteur rappelle qu’à l’origine le « Traité de la Communauté économique européenne (CEE) en 1957, ne comportait aucune référence aux Églises. La question relevait uniquement des États signataires. »

Le Traité d’Amsterdam de 1997 précise que « L’Union européenne respecte et ne préjuge pas le statut dont bénéficient, en vertu du droit national, les Églises et les associations ou communautés religieuses dans les États membres. L’Union européenne respecte également le statut des organisations philosophiques et non confessionnelles. » Par organisations philosophiques faut-il entendre la spiritualité athée et agnostique ?

La Convention de la Charte des droits fondamentaux régresse en incluant la notion de « racines chrétiennes de l’Europe » dans son préambule de 2000. La controverse sur ce sujet aboutit à un texte français faisant mention « «de son patrimoine spirituel et moral… » alors que le texte en allemand fait mention de « geistig-religiösen und sittlichen » que l’auteur traduit par « spirituel-religieux et moral ou spirituel d’origine religieuse et morale. » Précision de l’auteur : la notion de « racines chrétiennes de l’Europe », notion par ailleurs controversée et très partielle de l’histoire européenne, ne figure pas dans la Constitution, mais dans son préambule.

La Convention sur le Traité constitutionnel

La controverse bien alimentée par l’Église catholique et le pape Jean-Paul II repose sur l’introduction de la référence à la religion. « Je nourris l’espoir que grâce aussi à l’Italie, ne fera pas défaut aux fondations de la maison commune européenne, le ciment de l’extraordinaire héritage religieux, culturel, civil qui fait la grandeur de l’Europe. » dixit Jean-Paul II. Les représentants polonais veulent modifier l’article 2 de l’Union ainsi : « Les valeurs de l’Union comprennent les valeurs de ceux qui croient en Dieu comme source de la vérité, de la justice, du bien et de la beauté de même que celles de ceux qui ne partagent pas cette foi et cherchent ces valeurs universelles dans d’autres sources ». C’est sortir de la neutralité des institutions européennes en matière religieuse.

La Commission européenne au tropisme anglo-saxon

Concernant la « protection de la liberté de religion ou de conviction », en 2013, la Commission européenne dans l’introduction du texte précise « Le droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, plus communément désigné par l’expression « droit à la liberté de religion ou de conviction. » Il y a bien, affirme l’auteur, une emprise anglo-saxonne sur ce sujet qui tourne le dos à l’esprit de l’article 10 de la Charte européenne des droits fondamentaux qui affirme que « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion… » Le moindre mot, la moindre virgule a son importance pour déplacer le curseur soit vers la laïcité soit vers l’emprise religieuse.

En guise de vecteur essentiel de l’ouvrage et donc de conclusion

L’auteur a raison d’affirmer que « la laïcité est le seul concept, la seule forme d’organisation de l’espace public, la seule réglementation qui ne rejette personne. Croyants comme non-croyants ou athées y sont traités à égalité de droits et de devoirs. »

Contre tous ceux qui déforment le principe de laïcité, qui le détournent de son sens premier, telle Martha C. Nussbaum(1)Martha C. Nussbaum, philosophe, professeur à l’université de Chicago, tord le cou à ce qu’est véritablement la laïcité : « Contrairement à d’autres pays d’Europe, la France fait preuve d’une certaine cohérence, mais celle-ci n’est pas totale. Étant donné la tradition d’anticléricalisme et l’attachement à la laïcité propre à ce pays, il a été décidé que la religion ne devait pas intervenir dans le domaine public, qui, lui, peut avantager la non-religion au détriment de la religion. » Elle confond anticléricalisme et antireligion, laïcité et athéisme., il reproduit une partie du rapport d’Aristide Briand en faveur du texte sur la séparation des Églises et de l’État : « « En le votant, vous ramenez l’État à une plus juste appréciation de son rôle et de sa fonction ; vous rendez la République à la tradition révolutionnaire et vous aurez accordé à l’Église ce qu’elle a seulement le droit d’exiger, à savoir la pleine liberté de s’organiser, de vivre, de se développer selon ses règles et par ses propres moyens, sans autre restriction que le respect des lois et de l’ordre public. ». Il procède de même avec le discours de Jean Jaurès : 

C‘est sans équivoque, c’est sans ambiguïté, c’est en respectant dans la limite même de leur fonctionnement les principes d’organisation des Églises, qui ne deviennent plus qu’un des éléments de la liberté civile générale, et c’est en dressant contre ces Églises la grande association des hommes travaillant au culte nouveau de la justice sociale et de l’humanité renouvelée, c’est par là et non pas par des schismes incertains que vous ferez progresser ce pays conformément à son génie.

Pour l’auteur, il suffit de remplacer « ce pays » par l’Europe ou le monde.

Il est vital, essentiel, de s’atteler à la question de la laïcité et de son universalité en ce sens que son application est valable ici et partout dans le monde, est valable aujourd’hui et le sera demain, est valable pour tous les individus, quelles que soient leurs conceptions métaphysiques.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Martha C. Nussbaum, philosophe, professeur à l’université de Chicago, tord le cou à ce qu’est véritablement la laïcité : « Contrairement à d’autres pays d’Europe, la France fait preuve d’une certaine cohérence, mais celle-ci n’est pas totale. Étant donné la tradition d’anticléricalisme et l’attachement à la laïcité propre à ce pays, il a été décidé que la religion ne devait pas intervenir dans le domaine public, qui, lui, peut avantager la non-religion au détriment de la religion. » Elle confond anticléricalisme et antireligion, laïcité et athéisme.