Pour la vérité : mensonges, lâchetés et diffamation
Mickaëlle Paty rétablit la vérité en démontant minutieusement les multiples mensonges qui sont un élément structurel de l’affaire. On sait généralement que tout a débuté par un mensonge : une élève a déclaré que, lors d’un cours, Samuel Paty avait demandé aux élèves musulmans de sortir de la classe, car il s’apprêtait à diffuser des images qui les choqueraient. L’élève a précisé que ces images étaient celles de Mahomet nu. Or, d’une part, cette élève était absente à ce cours et, d’autre part, le cours ne s’est pas déroulé comme l’élève l’a prétendu. Double mensonge donc.
On sait moins que des islamistes, parmi lesquels le père de cette élève, se sont immédiatement emparés de ces déclarations pour orchestrer une campagne haineuse ultra-violente d’insultes et de dénigrements aux abords de l’établissement et sur les réseaux sociaux. On n’a pas davantage pris la mesure du degré de lâcheté bureaucratique de la hiérarchie académique, qui a condamné Samuel Paty au lieu de le protéger avant de l’abandonner à la barbarie. On a oublié que certains des collègues de Samuel Paty l’ont diffamé avec virulence. On a également oublié les messages de détresse publics, précis, vérifiables et répétés de Samuel Paty, qui n’ont pas été observés par « L’Observatoire de la Laïcité ».
On sait encore moins que Samuel Paty a été plombé dès le début de l’affaire par un signalement officiel qui inversait de façon sidérante sa situation et celle de l’élève menteuse. Dans une fiche « Fait établissement » / « Atteinte aux valeurs de la République » que la principale du collège a adressée à l’académie de Versailles, un « Groupe d’élèves » était en effet désigné comme « Victime » tandis qu’un « Personnel de l’établissement » était signalé comme « Auteur présumé » du désordre. Le ressenti d’élèves et de parents a ainsi prévalu sur toute autre considération dans un document administratif de première importance au regard de l’atmosphère alarmante qui régnait aux alentours de l’établissement(1)Précisons que la principale fut par la suite beaucoup plus soucieuse du sort de Samuel Paty que les autorités académiques et certains de ses collègues..
Pour la justice
Pour Mickaëlle Paty, ce combat pour la vérité est simultanément une lutte pour rétablir l’honneur de son frère maintes fois discrédité. Preuves à l’appui, elle montre que le cours sur la liberté d’expression n’était pas seulement conforme au programme. Il avait été très préparé et il se présentait de façon interrogative pour faire réfléchir les élèves autour de la question difficile de la publication des caricatures de Mahomet. Mickaëlle Paty s’attache à rendre justice à son frère, en prouvant que les fameux « Oui, mais » à propos de ce cours sont fallacieux. Samuel Paty fut en effet continûment respectueux de la liberté de conscience de ses élèves et n’a jamais discriminé ses élèves musulmans. Lors de ce cours comme durant ses années d’enseignement, il ne connaissait pas d’élèves « Noirs, Blancs, Athées, Musulmans, Juifs ou Chrétiens ». Il ne connaissait que des élèves auxquels il était très attentif.
Ainsi, Mickaëlle Paty explique que son frère n’a pas été décapité parce qu’il a fait un cours sur les caricatures de Mahomet, mais pour avoir voulu former ses élèves à la réflexion critique. Il n’est pas mort parce qu’un « engrenage » aurait mécaniquement suivi un mensonge initial. Mickaëlle Paty montre qu’à chaque moment de cette histoire, les principaux protagonistes auraient pu stopper la campagne de haine qui, jour après jour, a gagné en puissance. Son livre nous apprend également qu’après la mort de son frère, une de ses élèves a déclaré ne pas comprendre pourquoi l’institution n’a pas su protéger monsieur Paty alors qu’il sut la protéger quand elle était harcelée.
Pour la laïcité : principe universel d’émancipation
Le combat de Mickaëlle Paty pour rétablir la vérité des faits et rendre justice à son frère prend tout son sens à travers un engagement pour la laïcité qui rassemble et protège. Si la liberté, l’égalité et la fraternité sont notre « idéal commun », selon les termes de notre Constitution, cet idéal prend consistance à travers la laïcité comme principe positif et non restrictif. Pour Mickaëlle Paty, l’enseignement de son frère a concrétisé l’école laïque qui a pour mission de transmettre les connaissances fondamentales et de former les élèves à l’esprit critique et à la discussion argumentée.
Trois ans après la décapitation de Samuel Paty, Dominique Bernard a été assassiné à la sortie de son lycée d’Arras par un fanatique islamiste. Dominique Bernard a été lui aussi personnellement visé. Ainsi, les deux professeurs symbolisent aujourd’hui l’école libératrice que l’islamisme veut abattre. Dans cette deuxième tragédie, on ne peut plus s’abriter derrière le prétexte de caricatures outrageantes. On ne peut davantage prétendre que le meurtrier ne connaissait pas le professeur massacré. L’assassin est en effet un ancien élève de Dominique Bernard, qui clame sa haine des droits de l’Homme et de la laïcité.
Conditions pour que l’école émancipatrice et libératrice redevienne forte
À travers ces deux professeurs, c’est donc la France laïque et son école qui ont été visées. Ce deuxième scandale absolu que fut l’assassinat de Dominique Bernard rappelle que tous ceux qui veulent continuer à vivre dans une République laïque auraient intérêt à se réveiller. Il leur revient de préparer le retour de la laïcité protectrice d’une école qui instruit et qui rassemble :
- garante de la liberté de conscience et d’expression ; protectrice du droit d’avoir ou non une religion ;
- ignorante du « délit de blasphème » qui n’a pas de limites.
Pour cela, trois conditions sont requises :
- qu’on cesse de considérer comme normal ce qui est arrivé à Samuel Paty et Dominique Bernard ;
- que la capacité d’intimidation des idéologues et des politiciens complices de l’islamisme s’affaiblisse progressivement ;
- que la peur des professeurs décline au lieu de croître.
Notes de bas de page
↑1 | Précisons que la principale fut par la suite beaucoup plus soucieuse du sort de Samuel Paty que les autorités académiques et certains de ses collègues. |
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