L’après-midi du dimanche 20 mars 2016, la salle de la Bellevilloise (Paris 20e) était pleine à craquer. Des centaines de personnes ont du y assister debout. La question était de savoir si les choses seraient dites. Car comme le disait Camus, « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde ». Trois choses importantes ont été dites.
D’abord la lutte contre les deux dérives de la laïcité à savoir l’ultra-laïcisme anti-laïque, fortement représenté à droite et à l’extrême droite qui utilise le mot laïcité contre une seule religion, l’islam. Tout simplement parce que la laïcité n’est pas anti-religieuse. Mais aussi contre la laïcité d’imposture ou laïcité adjectivée, fortement représentée dans la gauche néolibérale (Jean-Louis Bianco, la majorité de l’Observatoire de la laïcité et leurs soutiens qui sont nombreux par exemple) mais aussi dans la gauche de la gauche, dont les propos servent de cache-sexe à un concordat qui ne dit pas son nom mais aussi au communautarisme anglo-saxon éventuellement gauchi pour la gauche de la gauche.
Ensuite, il a été dit par Laurent Bouvet lui-même qu’il ne s’agissait pas d’un Printemps laïque mais d’un « Printemps républicain » regroupant donc de fait l’ensemble des principes républicains et donc pas seulement la laïcité.
Enfin que le dispositif du « Printemps républicain » se déploierait d’abord dans d’autres métropoles françaises puis dans la France entière.
Donc beaucoup de choses ont été dites par de très nombreux témoignages intéressants dans les trois tables rondes. A noter que Gilles Kepel a fait une intervention qui clarifie les enjeux en donnant de nombreux arguments aux militants de l’émancipation humaine face aux adeptes du communautarisme. Nous y reviendrons.
Beaucoup d’autres choses n’ont pas été dites. Il n’était pas possible de tout évoquer sur les trois heures de l’initiative déjà très dense et intéressantes.
Mais ces choses devront être évoqués plus tard. D’abord, pour aller dans le sens de Laurent Bouvet lui-même dans le Progrès social n°10, « A l’oubli des classes populaires, s’ajoute désormais celui d’un certain nombre de principes républicains. » La question centrale du lien jaurésien du combat laïque et du combat social reste à développer. D’autant que la loi scélérate d’insécurité sociale dite « loi El Khomri » est aujourd’hui un projet de loi qui ne nous permet pas d’entrer dans une République sociale.
Il y a aussi les contournements de l’article 2 de la loi de 1905 qui permet aujourd’hui aux collectivités locales de financer directement les lieux de culte (par exemple, la cathédrale de Créteil après celle d’Evry) par la suppression de la différence entre le cultuel et le culturel pourtant bien prévue initialement dans la loi promulguée le 9 décembre 1905.
Il y a aussi les 5 départements qui sont hors du principe de laïcité comme les trois départements d’Alsace-Moselle, celui de Mayotte et celui de Guyane. D’autant que pour ce dernier, le gouvernement a refusé la proposition du président du conseil départemental de Guyane de ne plus payer les salaires des clercs catholiques et demandait de ce fait l’abrogation de l’ordonnance du roi Charles X de 1828. Jusqu’aux décrets Mandel qui datent de la colonisation et qui permet encore aux TOM de ne pas appliquer le principe de laïcité.
Sans compter le fait qu’il y a aujourd’hui plus d’argent par tête d’élève dans l’école privée que dans l’école publique et qu’il y a toujours plus de 500 communes sans école publique mais avec une école privée confessionnelle.
Mais à chaque jour suffit sa peine dit l’adage populaire. Cette initiative du « Printemps républicain » aura eu le mérite d’engager une dynamique émancipatrice face au communautarisme, à l’obscurantisme, à la réaction et à la négation de l’égalité hommes–femmes.