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Argentine : le fascisme au nom de la liberté

55,7 % des Argentins ont voté en toute connaissance de cause pour Javier Milei lors du second tour de l’élection présidentielle le 19 novembre. Le candidat de l’extrême droite fasciste a été élu avec une confortable avance (+ de 10 %) sur son adversaire Sergio Massa (47,30 %) avec une participation de 76 %, en augmentation (+2 % par rapport au premier tour), et l’excellent report sur lui des voix qui s’étaient portées au premier tour sur la candidate de droite Patrica Bulrich (arrivée troisième avec 23,83 %).

Milei rassemble les droites sur ses valeurs. Il était pourtant sorti quelque peu sonné du premier tour où il pensait arriver en tête, mais avait fini second avec 29,98 % de voix, juste après le péroniste Sergio Massa qui avait surpris tout le monde avec son score à 36 %. Son désarroi n’a pourtant pas duré : à l’instigation de l’ex-président Mauricio Macri, son ex-ministre Patricia Bullrich se jetait sans plus tarder dans les bras de Milei et unissait ses efforts pour détrôner le péronisme que tous trois exècrent. Impeccable report des voix, avec un vainqueur qui l’emporte dans 21 des 24 provinces et n’est distancé que d’un point dans la province de Buenos Aires dont le gouverneur péroniste avait été élu au premier tour !

La victoire oui, mais à quel prix ? Quarante ans tout juste après le retour à la démocratie, la droite traditionnelle de Macri et Bullrich accepte de se fondre dans les propos extrêmes de Milei, ou ceux de la vice-présidente élue Victoria Villaruel qui qualifie de « terroristes » les résistants à la dictature militaire, clame haut et fort son admiration pour le général Videla et souhaite raser le musée qui garde la mémoire des atrocités perpétrées par les militaires.

Valeurs nauséabondes soutenues également par la fine fleur de l’extrême droite latino-américaine : Ivan Duque, ex-président colombien ; Vicente Fox, ex-président mexicain ou Maria Corina Machado Venezuela, militante de choc de l’opposition vénézuélienne : ce sont tous des soutiens déclarés au candidat Milei, tout comme le prestigieux prix Nobel de littérature et académicien français Vargas Llosa qui n’hésite pas à côtoyer dans ce marigot Jair Bolsonaro le Brésilien et Donald Trump, leur maître à tous !

À partir du 10 décembre, l’Argentine sera donc gouvernée par une extrême droite fasciste pure et dure qui n’a pas l’intention de faire de concession. Le lendemain de son élection, Milei réaffirmait sa volonté de supprimer la Banque centrale, de privatiser tout ce qui pouvait l’être, notamment la société pétrolière YPF (dont les actions ont enregistré un bond de 36 %) et la télévision publique qui aurait été « trop partisane » durant la campagne électorale. Interrogé sur d’éventuelles révoltes sociales, le nouveau président argentin est très clair : quand il y a trouble à l’ordre public, qu’il y a délit, les forces de l’ordre et la justice doivent réagir. Le ton est donné : les héritiers de Videla sont de retour et les Argentins auront été prévenus.

Au plan international, on connaît déjà les destinations de ses premiers déplacements officiels : les États-Unis, puis Israël. Tout comme Bolsonaro ! Milei est sûr d’être compris surtout quand il évoquera sa passion pour l’anticommunisme, sa volonté de rompre avec la Chine, la Brics et le Mercosur. Une situation rêvée pour les États-Unis ! Au plan régional, Milei sait que bon nombre de ses homologues ont passé leur vie militante à combattre l’extrême-droite fasciste et que ses propos de campagne électorale n’auront pas apaisé les tensions. Comme Bolsonaro encore ou Trump, il choisira sans doute l’isolement.

Commentaires 

Après celles de Trump et de Bolsonaro, la victoire de ce piètre saltimbanque argentin n’est pas un hasard. C’est le fruit d’un processus nouveau, expérimenté aux États-Unis. Les ingrédients de départ : un homme ou une femme nouvelle, antisystème de préférence, qui pourra frapper sur tous ceux qui se sont succédé au pouvoir. On met en avant les problèmes du moment : inflation, corruption, chômage, insécurité, etc. On dit et on fait n’importe quoi, à condition que ce soit nouveau, ce qui permet que l’on parle de vous. On mélange bien.

Pour secouer ensuite ce cocktail électoral, on fait appel aux médias qui vont peaufiner le futur candidat destiné à distraire et a conquérir des citoyens qui en ont assez des politiques qui savent tout sur tout et qui échouent sans cesse ! La nouvelle star est ensuite mise sur orbite le temps d’une campagne. Ça marche à peu près à tous les coups, notamment quand un parti (souvent de droite) n’est pas en mesure de l’emporter de manière certaine sur ses concurrents. Le mieux est alors de créer un nouveau personnage hors parti (c’est le cas en Argentine), mais on peut aussi le créer à l’intérieur même du parti comme aux États-Unis avec Trump.

L’important est que le pantin soit tellement libre de ses paroles et de ses actes qu’il paraisse aux yeux de l’opinion comme détaché de la politique. « Un homme libre » disait de lui-même Milei dans toutes ses interventions. Et cela fait des présidents « antisystème » qui sont parfaitement au service du système capitaliste qui les a forgés. Recette imparable, mise au point par ceux qui détiennent le pouvoir de l’argent et des médias, recette formidablement dangereuse puisque seul compte le résultat.

Les Argentins sont tombés à pieds joints dans ce stratagème médiatico-politique, car comment penser sinon qu’ils ont pu voter à une majorité si écrasante pour un homme qui avoue suivre les conseils de son chien mort depuis des mois ! 

La Libertad avanza – la Liberté avance pour Milei, mais sans doute pas pour les Argentins !

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