Les médias-système recommencent à s’exciter sur le Venezuela… Vieilles ficelles : montrer les manifestations de la droite sans montrer les marches populaires qui défendent la révolution bolivarienne. Parler de crise humanitaire alors même que de nombreux produits reparaissent peu à peu dans tout le pays. Occulter le fait que face à la guerre d’un secteur privé jusqu’ici quasi monopolistique, le gouvernement a construit un vaste système public de production, commercialisation et distribution alimentaires qui commence à porter ses fruits.
Le budget très social de 2017 ayant été rejeté d’emblée par la droite – majoritaire à l’Assemblée Nationale – le président vénézuélien l’a soumis au Tribunal Suprême de Justice qui l’a validé. Explication par William Serafino de Misión Verdad.
Ce qu’on ne dit pas sur le budget…
- Le calcul des ressources générées par l’exportation de produits pétroliers sur la base du prix international de 30 dollars le baril, ne garantit pas seulement la capacité de l’Etat vénézuélien de couvrir une part importante des dépenses (malgré un -toujours possible- scénario de contraction des prix sur le marché énergétique mondial à court ou moyen terme). Il permet aussi d’avoir une marge suffisante dans le cas contraire d’une stabilisation des prix au-dessus de 50 dollars le baril en 2017; c’est d’ailleurs ce que projettent les ministres de l’énergie de pays comme l’Iran et la Russie pour leur propre budget. Le gouvernement bolivarien a établi un budget permettant d’assurer, dans la pire des hypothèses, les services publics tels que la santé, l’éducation, le paiement des salaires et des pensions ainsi que les investissements sociaux ou en infrastructures.
- L’investissement dans les programmes sociaux équivaut à 73,6 % du budget 2017 alors qu’il n’était que de 42 % en 2016 ; à titre de comparaison, un pays comme l’Espagne, érigé en modèle de planification, ne consacre que 0,65 % de son budget à l’Education, 1,11 % à la Santé, 4,73 % aux services publics et 0,5 % aux services sociaux. On constate la même tendance pour des pays considérés comme des modèles en Amérique latine : la Colombie et le Mexique. Selon des sources autorisées, en 2015, si l’on s’en tient au domaine de l’Education, l’Etat colombien n’y avait consacré que 10 % de l’ensemble de son budget ; et le Mexique a réduit les dépenses de 5 milliards 697 millions de pesos soit d’environ 9 %, tout en supprimant au passage 14 programmes scolaires. Décidément, le néo-libéralisme ne paie pas…
- Le point névralgique du budget 2017 de la Nation repose sur l’indépendance des ressources pétrolières pour pouvoir se financer. 83 % sera assuré par le recouvrement interne du SENIAT (service de perception des impôts) et les 17 % restant par la vente internationale du pétrole, à quoi s’ajouteront à hauteur de 11,9 % du budget total les dividendes produits par les entreprises et les banques d’Etat. Les services publics et les programmes sociaux ainsi que l’augmentation de 413 % de la dotation constitutionnelle aux mairies et aux gouverneurs seront maintenus grâce à l’activité économique interne à laquelle sera appliquée l’augmentation des taux de recouvrement impositif (ISRL, impôt sur le luxe, droits d’importation, etc…) ; cette dernière procède du paquet de lois organiques lancé par le président Maduro au début de cette année et vise à taxer davantage les grands patrons et autres riches contribuables.
Les tendances suicidaires de la droite vénézuélienne.
Au-delà de l’économie il y a les facteurs politiques. Ce sont les plus importants car ils dessinent les traits et les caractéristiques du conflit actuel au Venezuela.
La MUD (coordination de la droite), qui engage de grands groupes économiques nationaux ou internationaux par les discours qu’elle émet -ou omet- depuis l’Assemblée Nationale, se frottait les mains à l’idée de paralyser l’Etat par un refus d’approuver et d’appliquer le budget 2017.
Elle ne pensait pas en termes d’ « infaisabilité technique » sur le plan économique, mais en termes de gain politique : arriver à imposer politiquement au chavisme son propre agenda et son propre rythme.
Mais elle s’est elle-même mise entre le mur et l’épée. Elle a passé outre les normes du Tribunal Suprême de Justice (TSJ) et a autoproclamé une majorité qualifiée de 112 députés malgré la fraude électorale avérée dans l’état d’Amazonas le 6 décembre dernier. La décision des députés chavistes de solliciter l’arbitrage du TSJ est une façon de refuser les fraudes de la droite.
Cette droite parlementaire invoque l’ « illégalité » de la présentation du budget de la Nation 2017 devant le TSJ, veut juger Nicolas Maduro et le TSJ, et argue du fait que la décision « viole » plusieurs articles de la Constitution. L’ironie étant qu’en 10 mois elle s’est déjà bien chargée de violenter chaque règle légale du jeu juridique, économique et politique.
Au-delà du budget : la capacité politique du chavisme
Derrière le budget 2017 de la Nation et au-delà des aspects stratégiques commentés ci-dessus, il y a une signification politique globale qui ne peut se réduire à des considérations techniques et encore moins économique.
L’Etat de droit et ses institutions représentatives traditionnelles entrent en crise. Ce processus a débuté au Venezuela en 1989 et n’a jamais cessé depuis. Mais ce n’est pas un symptôme local ; cette crise politique est globale.
Pour preuve les coups d’Etat au Honduras, au Paraguay ou plus récemment au Brésil où les parlements ont été instrumentalisés afin de procéder à un changement rapide de régime et au démantèlement de l’Etat au service des grandes multinationales. Ou encore, en Colombie, un Alvaro Uribe Velez brisant le consensus des élites politiques et financières en imposant le NON au référendum sur les accords de paix avec la guérilla des FARC, via ses puissants lobbies médiatiques et ses réseaux paramilitaires.
Si le chavisme perdure au pouvoir c’est bien parce qu’il a su tirer les leçons des expériences récentes de coups d’état parlementaires. Le pouvoir est une question de rapports de forces, pas d’ « équilibre des pouvoirs ». Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir toutes les tentatives de sanctionner le Venezuela dans le cadre de l’OEA, la politique systématique de sabotage financier contre le pays, le soutien au décret Obama, l’asphyxie économique appliquée par Fedecamaras et ses acolytes.
Ce sont les mêmes, avec un tel passif, qui exigent maintenant que le chavisme leur soumette sur plateau d’argent la décision d’approuver ou non le budget 2017 de la Nation, ou qui refusent de reconnaître une décision de justice invalidant la collecte de signatures pour fraude massive de l’opposition. Allez raconter ça à une autre Dilma !
Dans cette course effrénée contre la montre, où la droite n’a pas su capitaliser sa victoire aux législatives de décembre 2015 et voit avec effroi une possible sortie de la crise économique, le chavisme a pris un temps d’avance.
Texte : William Serafino
Traduction : Jean-Claude Soubiès