La remise du Prix Nobel de la Paix au Président Obama a été perçu par beaucoup comme « une avance sur recettes ». Ce prix sera-t-il un moteur pour l’encourager dans ses projets de paix pour le Moyen Orient ? Certainement, mais il est certain que seul il ne pourra rien obtenir. A la gauche israélienne de sortir de sa torpeur et de lui apporter son soutien.
L’article d’Akiva Eldar traduit bien le climat actuel existant en Israël à ce propos.
Les railleries israéliennes sur le prix Nobel d’Obama sont de la pure « Chutzpah » (1)Chutzpah : culot, toupet. Mot entré dans le vocabulaire argotique américain de la côte Est.
Par Akiva Eldar, Haaretz 11 octobre 2009
traduction par Marc Lefevre pour La Paix Maintenant
Le torrent de mépris qu’on entend en Israël à propos du Président Obama et de la décision du Comité Nobel, est plus risible qu’autre chose.
Trois Israéliens ont déjà reçu ce prix respecté : Menahem Begin, Yitzhak Rabin et Shimon Peres. Que sont-ils devenus? Le premier s’est enfermé chez lui après avoir planté Israël dans le bourbier libanais, le second a été assassiné par un fanatique juif qui a préparé la venue d’un gouvernement de droite, et le troisième « l’architecte d’Oslo », est devenu le chantre de l’occupation.
Et aujourd’hui ? Est-ce que quiconque peut montrer du doigt un seul homme d’état israélien qui mériterait des félicitations pour sa contribution à la paix? Et quand des centaines d’Israéliens – toujours les mêmes- se sont-ils réunis pour la dernière fois sur la Place Rabin pour revendiquer la Paix?
Nous sommes les derniers qui devraient se plaindre à propos de l’inaction de pays étrangers dans quoi que ce soit ayant trait à notre conflit. Il faut une « chutzpah » considérable pour élire un gouvernement de droite et espérer ensuite que les « Goyim » (2)« Goyim » : Les Gentils. vont nous sortir de là.
Du fond de sa réserve naturelle, ce qui reste de la gauche sioniste s’est dit déçu que Obama n’ait pas condamné publiquement le premier ministre Netanyahu, suite à son refus de geler la politique d’implantations. Par contre, du côté de l’opinion publique centriste comme parmi les médias, le leader du petit état d’Israël a été loué pour sa « victoire » dans la bataille contre le président de la plus puissante nation du monde.
Alors que Obama essaye de promouvoir un dialogue universel basé sur un espoir pour un futur meilleur, en combattant le racisme et en faisant avancer les Droits de l’Homme, en Israël on a apprécié l’utilisation faite par Netanyahu de la Shoah et de son horreur.
Ceux qui savent, vous certifient que le rapport que la secrétaire d’état Hillary Clinton est en train de préparer sur la situation dans les Territoires occupés, ainsi que les progrès du processus de paix, vont effacer le sourire de victoire de la face de Netanyahu. Ils disent que ce document va révéler que la « déclaration de Bar Ilan » en faveur d’une solution à deux États est vide de contenu.
En utilisant les mêmes termes que ceux employés en son temps par Ehud Barak pour parler du lauréat du Prix Nobel Yasser Arafat, ce rapport va montrer le « vrai visage » de Netanyahu.
Et puis après? Est-ce que Obama va rappeler son ambassadeur en Israël pour consultations? Va- t-il demander au Congrès d’approuver des sanctions économiques contre Israël?
Combien de membres du Congrès, démocrates et républicains, soutiendraient une ligne dure contre Israël ? Le mois prochain, tous les membres de la Chambre et un tiers du Sénat vont essayer de se faire réélire. Même les plus chauds partisans de la Paix parmi eux ne prendront pas le risque d’être mis sur la liste noire par le prospère lobby juif.
D’après une étude distribuée par des groupes juifs au Capitole, la petite crise sur les implantations a fait chuter à 4% le soutien des Israéliens à Obama. Il est difficile dans ces conditions de se plaindre des politiciens américains.
Si l’érosion du caractère juif de l’État d’Israël n’empêche pas les Juifs de Manhattan de dormir, pourquoi cela devrait-il affecter un représentant catholique du Massachusetts au Congrès? Si les Israéliens eux mêmes ne sont pas gênés par le conflit, pourquoi les Américains devraient ils se détourner de leurs préoccupations pour y mettre un terme?
Même si on suppose que ce vieux rêve de la gauche va devenir une réalité et que le nouveau lauréat du Nobel de la Paix va passer des discours sur deux États pour deux Peuples à des actions réelles contre l’occupation, est-ce que quelqu’un peut promettre que cela sera suffisant pour que Barak et les quatre autres ministres travaillistes de la coalition, sortent de leur servilité et fassent tomber ce gouvernement ? Et si cela arrive, combien de sièges au Parlement pourrait obtenir un leader politique
israélien qui chercherait à adopter les principes fondamentaux du programme de Obama pour un accord de paix : mettre un terme à l’occupation qui a commencé en Juin 67 ? Quelles sont, de toute façon, ses chances d’arriver à la Knesset ?
Avec ou sans Prix Nobel, Obama ne nous expulsera pas des territoires par la force. Les États-Unis peuvent aussi s’accommoder d’une absence de Paix entre Israël et les Arabes. Même si il semble aux Israéliens qu’ils sont le centre du monde, quand l’électeur américain, et même l’Histoire, jugeront Obama, la fin du projet sioniste ne sera pas un des critères majeurs.
Heureusement, nous avons été récompensés par un groupe impressionnant de scientifiques qui pensent clair, comme Mme le Professeur Ada Yonath. Alors qu’aucun homme ni aucune femme ne peut être félicité en Israël pour sa contribution à la Paix, nous devrons juste nous satisfaire des braves mots de réconciliation de la lauréate du prix Nobel de Chimie.