- I – Fondements juridiques de la protection temporaire
- II – Personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire
- A – Les ressortissants ukrainiens
- B – Les étrangers non ressortissants ukrainiens qui bénéficient d’une protection octroyée par les autorités ukrainiennes
- C – Les étrangers non ressortissants ukrainiens titulaires d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré par les autorités ukrainiennes et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine de manière sûre et durable
- D – Les membres de la famille d’une personne relevant de l’un des trois cas précédents
- III – Procédure simplifiée et droits accordés aux protégés temporaires
- Conclusion
Depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie de nombreuses personnes, de nationalité ukrainienne ou des ressortissants étrangers qui résidaient en Ukraine, ont fui les villes attaquées. Les intéressés ont soit été déplacés dans d’autres régions d’Ukraine, soit ont quitté ce pays afin de rejoindre un autre état. Selon les chiffres publiés au 15 mai dernier par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, il y aurait eu plus de 7 millions de personnes déplacées au sein de l’Ukraine, et plus de 6,5 millions de passages frontaliers vers un pays voisin[1], dont plus de la moitié vers la Pologne[2]. Filippo Grandi[3] a d’ailleurs déclaré, après une dizaine de jours suivant le début de la guerre, qu’il s’agissait de « l’exode le plus rapide qu’a connu l’Europe depuis la seconde guerre mondiale ». Il convient toutefois de préciser que dès le 28 février 2022 ont pu être constatés des « passages frontaliers vers l’Ukraine ». Dans les premiers jours du conflit, ces retours sur le territoire ukrainien ont été le fait de personnes ayant accompagné des proches dans un État membre de l’Union européenne, afin de les mettre à l’abri, mais qui sont ensuite rentrées en Ukraine. Plusieurs ressortissants ukrainiens, qui ne résidaient plus sur leur territoire depuis plusieurs années au moment où le conflit a débuté, ont également décidé de s’y rendre pour prendre les armes et défendre leur pays, rejoints parfois par des sympathisants d’autres nationalités. Puis, lorsque certaines villes ukrainiennes ont cessé d’être le lieu de combats, plusieurs familles ont également souhaité rentrer en Ukraine, y compris lorsqu’il n’était plus possible pour elles de réintégrer un lieu d’habitation détruit par la guerre, mais préférant être hébergées dans une zone sécure d’Ukraine plutôt que dans un État étranger. Ainsi, au 1er juin 2022, l’UNHCR estimait à plus de 2,9 millions le nombre d’entrées en Ukraine[4] en précisant que ce chiffre reflète les « mouvements transfrontaliers (et non les individus) ».
Concernant l’afflux massif de personnes prenant les chemins de l’exil vers l’Union européenne, les médias se font souvent l’écho des « réfugiés ukrainiens », ce vocabulaire étant fréquemment repris et communément employé, y compris par certains militants, certaines organisations ou personnalités politiques. Or, cette terminologie empruntée au langage courant apparait erronée en droit, et crée malheureusement en pratique de nombreuses confusions ou incompréhensions relatives tant au traitement de ces demandes de protection, qu’aux droits accordés aux personnes protégées – et non à d’autres-.D’une part, parce que le statut accordé à ces personnes en France (et dans tous les autres pays membres de l’Union européenne) relève en réalité de la « protection temporaire », et qu’il ne s’agit ainsi pas du statut de « réfugié » issu d’une demande et d’une procédure d’asile de droit commun, et d’autre part parce que les personnes de nationalité ukrainienne ne sont pas les seules pouvant en être bénéficiaires, et plusieurs catégories de personnes étrangères[5] non ressortissantes ukrainiennes qui résidaient en Ukraine avant le début de la guerre peuvent également, à certaines conditions, se voir accorder cette protection temporaire.[6]
Comme nous allons l’exposer, ce mécanisme prévu par une directive européenne datant de 2001 a été activé pour la première fois le 4 mars 2022 dans le cadre du conflit russo-ukrainien. Nous verrons qu’il permet l’octroi immédiat d’une protection, via des formalités extrêmement réduites -évitant aussi une pression sur les systèmes nationaux d’asile -, ainsi que l’attribution concomitante de divers droits pour les protégés temporaires (droit au séjour, accès au marché du travail, hébergement, accès aux soins…).
I – Fondements juridiques de la protection temporaire
A –La directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001
Historiquement, la protection temporaire résulte des conséquences du conflit sur le territoire de l’ancienne Yougoslavie, puis de la crise du Kosovo.En effet, dès le début des années 1990 les États membres de l’Union (à l’époque « Communauté européenne») ont été confrontés à d’importants déplacements de population en provenance de pays tiers sur le continent européen, et ils ont souhaité en tirer les conséquences en se dotant d’un mécanisme permettant de répondre à l’avenir à une telle situation, offrant une protection immédiate et temporaire aux personnes déplacées, tout en organisant entre eux une solidarité assurant le partage de l’accueil de ces personnes.
Le 7 août 2001 est ainsi entrée en vigueur la directive européenne 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
L’article 5 de la directive précise les modalités selon lesquelles les mécanismes de protection qu’elle prévoit peuvent être activés au sein des États membres de l’Union. Ainsi, « l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées » doit être « constatée par une décision du Conseil adoptée à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission », cette dernière examinant également toute demande d’un État membre visant à ce qu’elle soumette une proposition au Conseil. Ce même article indique également les éléments que doivent contenir les décisions de la Commission[7] et du Conseil[8], et dispose que « la décision du Conseil a pour effet d’entraîner, à l’égard des personnes déplacées qu’elle vise, la mise en œuvre dans tous les États membres de la protection temporaire conformément aux dispositions de la présente directive. ». Il est enfin prévu que le Parlement européen soit informé de la décision du Conseil.
En plus de vingt ans depuis l’entrée en vigueur de la directive 2001/55/CE, jamais l’Union européenne n’avait encore activé ce mécanisme de la protection temporaire avant le conflit russo-ukrainien. Il est cependant intéressant de noter qu’en France certains parlementaires avaient soulevé le sujet dès 2009 concernant la population afghane amenée à fuir l’Afghanistan ou le Pakistan pour se rendre en Europe. Ainsi, au Sénat, M. Louis Mermaz et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés avaient déposé une proposition de résolution européenne[9] fin 20O9, une démarche similaire ayant eu lieu à l’Assemblée nationale. Cette proposition de résolution souhaitait « que la France, conformément à l’article 5 paragraphe 1 de la directive 2001/55/CE sur la protection temporaire et à l’article 15 alinéa c de la directive 2004/83/CE dite « Qualification », puisse transmettre à la Commission européenne une demande en vue de proposer au Conseil d’adopter à la majorité qualifiée une décision constatant la nécessité de déclencher l’octroi de la protection temporaire aux réfugiés afghans en provenance d’Afghanistan et du Pakistan ». La proposition de résolution sénatoriale a fait l’objet d’un examen en séance publique , mais a été déclarée irrecevable, une motion ayant été adoptée en ce sens.[10]
Au-delà de l’irrecevabilité liée au fondement constitutionnel de la proposition, la commission des affaires européennes et la commission des lois du Sénat (toutes deux saisies sur ce texte) ont considéré sur le fond que la situation des réfugiés afghans en provenance d’Afghanistan et du Pakistan ne répondait pas aux trois critères prévus par la directive 2001/55/CE, à savoir : les États membres de l’Union européenne doivent être confrontés à un afflux massif, actuel ou imminent, de personnes déplacées ; les systèmes d’asile des États membres doivent se trouver dans l’incapacité de faire face dans des conditions normales à cet afflux massif ; les personnes déplacées doivent se trouver dans l’impossibilité de retourner dans leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables. Cette position a notamment été confortée par l’avis du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, sollicité par le rapporteur de la commission des lois du Sénat qui a alors considéré que « les critères d’application de la protection temporaire sur le fondement de la directive ne sont pas réunis à l’heure actuelle »[11].
Les deux commissions du Sénat ont également rappelé dans leurs rapports que la protection temporaire ne pouvait s’appliquer que pour une durée limitée de trois ans[12] au plus, et elles ont considéré que les Afghans répondaient vraisemblablement à un besoin de protection internationale plus pérenne, ce que permet le dépôt de demande d’asile, pouvant aboutir sur l’obtention du statut de réfugié, ou bien sur l’octroi de la protection subsidiaire[13]. Cette initiative des groupes socialistes n’avait donc pas abouti au Parlement français, ni même au Parlement européen où des élus des groupes de gauche avaient à l’époque signé, sur l’initiative des Verts, une pétition allant dans le même sens.
Ce mécanisme de la protection temporaire a donc été mis en place par l’Union européenne pour la première fois[14] suite au déclenchement de la guerre en Ukraine.
B – Proposition et communication de la Commission européenne, puis adoption par le Conseil début mars 2022
Si dès le 27 février dernier le Conseil extraordinaire Justice et Affaires intérieures a évoqué la possibilité de recourir aux mécanismes de la protection temporaire, la Commission a quant à elle pris dès le 2 mars deux décisions importantes.
D’une part, elle a rendu à cette date sa proposition de décision d’exécution du Conseil constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire, répondant ainsi aux exigences précitées de l’article 15 2. de la directive 2001/55/CE.[15]D’autre part, la Commission a publié le 4 mars une communication fournissant des lignes directrices opérationnelles pour la gestion des frontières extérieures afin de faciliter le franchissement des frontières entre l’UE et l’Ukraine. Dans cette communication, la Commission rappelle : « L’Union européenne est directement touchée par la guerre à ses frontières extérieures, notamment à cause de la pression migratoire croissante exercée par les milliers de personnes qui cherchent une protection dans les États membres de l’UE. En quelques jours, début mars, plus de 650 000 personnes déplacées étaient arrivées dans l’Union européenne par la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie ou la Roumanie. Ces chiffres devraient encore augmenter. Les temps d’attente aux points de passage frontaliers ne cessent d’augmenter, tandis que des files d’attente et des congestions sont signalées, en particulier du côté ukrainien de la frontière. L’Union européenne fait face à une situation caractérisée par un afflux massif d’Ukrainiens et de ressortissants de pays tiers résidant en Ukraine au moment du conflit. »
Ainsi, la Commission a précisé que ses directives« sont destinées à aider les États membres limitrophes de l’Ukraine dans la situation actuelle aux frontières extérieures de l’UE résultant de l’agression russe contre l’Ukraine. Les lignes directrices sont axées sur les mesures à la disposition des États membres afin d’assurer une gestion efficace et efficiente du franchissement des frontières avec la Pologne, la Slovaquie, la Hongrie et la Roumanie par des personnes fuyant l’Ukraine, et d’éviter les congestions aux frontières et à proximité de celles-ci tout en maintenant un niveau élevé de sécurité pour l’ensemble de l’espace Schengen. »
En résumé, ces mesures comprennent : la simplification des contrôles aux frontières pour certaines catégories de personnes, notamment les personnes vulnérables telles que les enfants, et d’autres catégories telles que les travailleurs du secteur des transports qui se trouvent en Ukraine alors qu’ils exercent leur activité professionnelle; la possibilité d’organiser des contrôles aux frontières en dehors des points de passage frontaliers; des arrangements spéciaux pour le franchissement des frontières par les services de secours, la police, les pompiers, les garde-frontières et les gens de mer, quelle que soit leur nationalité; la mise en place de voies d’aide d’urgence, afin d’assurer l’accès et le retour des organisations fournissant une aide humanitaire aux populations sur le territoire ukrainien; en dehors du champ d’application des règles de Schengen, la levée des droits de douane et des mesures visant à faciliter l’entrée d’animaux de compagnie voyageant avec leurs propriétaires en provenance d’Ukraine.[16]
A la suite de la décision de la Commission, le Conseil a pris comme le prévoit la procédure sa décision d’exécution (UE) 2022/382 du 4 mars 2022 constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire.
Force est donc de constater que la protection temporaire actuellement appliquée dans les pays membres de l’Union européenne relève d’un mécanisme dédié tout à fait spécifique. La proposition et la communication de la Commission, ainsi que la décision d’exécution du Conseil visent ainsi exclusivement l’afflux massif de personnes déplacées du fait du conflit russo-ukrainien, et ce qu’il s’agisse des modalités relatives au franchissement des frontières extérieures à l’Union, de la possibilité de déplacements vers le pays dans lequel les personnes concernées souhaitent demander cette protection, ou de la procédure simplifiée mise en place dans les pays d’accueil et les droits qui en découlent. Ainsi, si toutefois un autre événement de même ampleur – et répondant a priori aux critères prévus par la directive 2001/55/CE- entrainait un nouvel afflux massif de personnes depuis un autre pays ou une autre zone géographique vers les États membres de l’Union, la protection temporaire ne pourra pas leur être appliquée si la Commission et le Conseil ne le décidaient pas explicitement selon la procédure requise et exposée ci-avant.
C –Transposition en droit interne français et mesures réglementaires récentes
En France, la directive 2001/55/CE a été transposée[17] par la loi n° 2003-1119 du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l’immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité dans l’ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative à l’entrée et au séjour des étrangers[18]. Ces dispositions ont par la suite été codifiées aux articles L. 811-1 et suivants et R. 811-1 et suivants du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), et se trouvent désormais[19] aux articles L.581-1 et suivants du CESEDA pour sa partie législative, et aux articles R.581-1 et suivants du même code pour sa partie réglementaire.
Evidemment ces dispositions, bien que transposées depuis plusieurs années, n’avaient encore jamais été appliquées sur le territoire français et aucun étranger n’avait donc pu en bénéficier jusqu’à la décision d’exécution du Conseil du 4 mars 2022. Suite à cette dernière, le gouvernement français a dû prendre de nouvelles mesures réglementaires.
La première et la plus significative de ces mesures[20] est l’instruction conjointe « relative à la mise en œuvre de la décision du Conseil de l’Union européenne du 5 mars 2022, prise en application de l’article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 », en date du 10 mars 2022. Cette circulaire est destinée aux Préfets, à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFFI), à l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), et aux Agences régionales de santé (ARS). Elle prévoit tant le champ d’application en France de la protection temporaire (personnes pouvant ou non en bénéficier) que les droits qui y sont attachés.
Elle traite aussi de l’articulation de la protection temporaire avec une demande d’asile, et prévoit ainsi que : « Le bénéfice de la protection temporaire ne préjuge pas la reconnaissance de la qualité de réfugié au titre de la convention de Genève du 28 juillet 1951 et ne fait pas obstacle à l’introduction d’une demande d’asile[21]. L’étranger bénéficiaire de la protection temporaire qui sollicite l’asile reste soumis au régime de la protection temporaire pendant l’instruction de sa demande. Si, à l’issue de l’examen de la demande d’asile, le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire n’est pas accordé à l’étranger bénéficiaire de la protection temporaire, celui-ci conserve le bénéfice de cette protection aussi longtemps qu’elle demeure en vigueur. ». Enfin, cette instruction prévoit que « Le présent dispositif entre en vigueur pour une durée d’un an à compter du 4 mars 2022, date de publication au Journal officiel de l’Union européenne de la décision du Conseil de l’Union européenne. »
Ce sont donc l’ensemble de ces dispositions qui permettent aujourd’hui de déterminer tant les catégories de personnes pouvant actuellement bénéficier de la protection temporaire (II), que les différents droits qui leurs sont accordés (III).
II – Personnes pouvant bénéficier de la protection temporaire
De façon schématique, les personnes pouvant bénéficier en France de la protection temporaire sont présentées en quatre catégories
- les ressortissants ukrainiens qui résidaient en Ukraine avant le 24 février 2022 ;
- les étrangers non ressortissants ukrainiens et qui bénéficient d’une protection (internationale ou nationale équivalente) octroyée par les autorités ukrainiennes ;
- les étrangers non ressortissants ukrainiens titulaires d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré par les autorités ukrainiennes et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine de manière sûre et durable ;
- le gouvernement et les Préfectures précisant sur leurs sites Internet « les membres de la famille sont : le conjoint, les enfants mineurs célibataires et les parents à charge ».
Il s’avère que ces catégories de personnes appellent plusieurs précisions et remarques tant à l’aune de l’instruction du 10 mars précitée, que de l’article 2 de la décision d’exécution du Conseil.
A – Les ressortissants ukrainiens
L’instruction ministérielle vient préciser que cela ne concerne pas uniquement les ressortissants ukrainiens déplacés d’Ukraine à partir du 24 février 2022, mais aussi les ressortissants ukrainiens présents à cette date sur le territoire d’un État membre de l’Union européenne ou d’un État associé sous couvert d’une dispense de visa ou d’un visa Schengen, et établissant que leur résidence permanente à cette date se trouvait en Ukraine. Ainsi, les Ukrainiens qui, bien que résidant de façon habituelle en Ukraine, se trouvaient légalement à compter du début du conflit russo-ukrainien sur le territoire d’un de ces états, et pour un court séjour, quelle qu’en soit la raison (familiale, déplacement professionnelle, tourisme, etc.) peuvent se rendre en France et obtenir la protection temporaire.
En revanche, cette même instruction, dans sa partie relative aux personnes qui « n’entrent pas dans le champ d’application de la protection temporaire », vise explicitement « les ressortissants ukrainiens détenteurs d’un titre de séjour en France arrivant à expiration » et vient préciser « qu’ils seront invités à se présenter en préfecture pour examiner leur situation individuelle ». Cela signifie qu’en pratique les services préfectoraux examineront alors leur demande de renouvellement de titre séjour relativement au fondement juridique qui a permis la délivrance du titre. Par exemple, le titulaire d’un titre de séjour ou d’une carte de séjour pluriannuelle portant la mention « vie privée et familiale » arrivée à expiration après le 24 février dernier, devra procéder au renouvellement de sa carte de séjour dans les mêmes conditions que les années précédentes, et ce peu importe sa nationalité ukrainienne. Il s’agira donc pour l’autorité préfectorale de vérifier que les conditions d’un tel renouvellement sont toujours remplies : un parent ukrainien d’enfant français devra ainsi toujours bien subvenir de façon effective à son entretien et son éducation, un conjoint ukrainien de Français devra ainsi prouver que leur communauté de vie n’a pas cessé, etc. Il en va en principe de même concernant les autres catégories de titre de séjour, le titulaire ukrainien d’un titre de séjour portant la mention « salarié » devrait en principe ainsi toujours prouver qu’il exerce l’activité professionnelle pour laquelle il a été autorisé à travailler en France, idem concernant le titulaire d’un titre de séjour portant la mention « étudiant » qui devrait justifier du suivi et du sérieux de ses études.
Se pose donc la question des ressortissants ukrainiens qui ne rempliraient pas les conditions requises pour le renouvellement de leur titre de séjour venu à expiration depuis le 24 février. On imagine mal, au regard du conflit qui perdure, qu’une préfecture puisse prononcer dans un tel cas un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire et désignation de l’Ukraine comme pays de renvoi. Ici, une réponse peut être trouvée dans l’instruction du 10 mars, qui concernant les (trois) catégories de personnes « ne relevant pas de la protection temporaire » prévoit que « L’accès à la demande d’asile reste ouvert à ces personnes dans les conditions de droit commun ».
En théorie, il devrait donc s’agir pour ces Ukrainiens, déjà titulaires en France d’un titre de séjour venu à expiration après la date du début du conflit, de déposer une demande classique d’asile auprès de l’OFPRA qui devra examiner leur demande dans le cadre de la procédure de droit commun. En pratique, nous n’avons pas à ce jour assez de recul pour savoir si de telles situations se sont déjà produites en France, mais nous pouvons imaginer qu’au regard du contexte international les services préfectoraux devraient faire preuve de souplesse et d’une certaine bienveillance dans le cadre de l’examen des demandes de renouvellement des titres de séjour des Ukrainiens résidant en France, afin de leur éviter le dépôt et l’instruction d’une demande d’asile[22].
B – Les étrangers non ressortissants ukrainiens qui bénéficient d’une protection octroyée par les autorités ukrainiennes
Conformément à la décision d’exécution du Conseil, la circulaire française du 10 mars dernier inclut également les apatrides. Il convient que les intéressés aient obtenu le statut d’apatride et que cela ait donc été reconnu officiellement par les autorités ukrainiennes. Ainsi sont en réalité concernés les ressortissants de pays tiers ou apatrides qui bénéficient d’une protection internationale ou d’une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022.
Il est ici important de noter que la circulaire exclut cependant explicitement de l’obtention de la protection temporaire en France « Les ressortissants de pays tiers en provenance d’Ukraine dont la demande d’asile était en cours d’examen en Ukraine le 24 février. » Ces personnes sont quant à elles invitées « à déposer une demande d’asile en France. », et cela fera donc l’objet d’une procédure et d’un examen de la demande d’asile dans les conditions de droit commun. Pourtant, dès lors que ces personnes résidaient régulièrement en Ukraine où elles avaient sollicité l’asile au moment où la guerre a débuté, la France pourrait tout à fait décider de leur accorder le bénéfice de la protection temporaire, comme le permet l’article 7 de la directive 2001/55/CE. Cette possibilité est transposée à l’article L.581-7 du CESEDA qui dispose « Dans les conditions fixées à l’article 7 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, peuvent bénéficier de la protection temporaire des catégories supplémentaires de personnes déplacées qui ne sont pas visées dans la décision du Conseil prévue à l’article 5 de cette même directive, lorsqu’elles sont déplacées pour les mêmes raisons et à partir du même pays ou de la même région d’origine. (…) . » Le gouvernement pourrait donc tout à fait prendre actuellement une décision en ce sens par voie réglementaire.
C – Les étrangers non ressortissants ukrainiens titulaires d’un titre de séjour permanent en cours de validité délivré par les autorités ukrainiennes et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays d’origine de manière sûre et durable
Cette catégorie de personnes est soumise à deux conditions cumulatives, ce qui en pratique exclut un grand nombre de ressortissants étrangers non ukrainiens qui résidaient pourtant bien en Ukraine au moment du conflit, et qui ont depuis fuit le pays pour venir en France.
Tout d’abord, le fait que le titre de séjour ukrainien en cours de validité dont disposait l’intéressé doit être « permanent » exclut par conséquent tout ressortissant de pays tiers qui y résidait sous couvert d’un titre de séjour temporaire, et ce peu importe le nombre d’années depuis quand ils y étaient installés. Or, un grand nombre de ressortissants non ukrainiens, quel que soit leur pays d’origine ou celui dont ils ont la nationalité, résidaient en Ukraine sous couvert d’un titre de séjour temporaire, renouvelé depuis plusieurs années, ces titres étant notamment délivrés pour des raisons professionnelles ou pour y suivre des études supérieures. Ainsi, de nombreux ressortissants de pays tiers qui résidaient en Ukraine et qui ont fui le pays depuis le conflit pour venir en France, ne remplissent pas cette condition relative à la possession d’un titre de séjour permanent. Pourtant certains d’entre eux ont quitté depuis plusieurs années leur pays d’origine, et n’y ont plus d’attache familiale ou de solution d’hébergement.
Cette difficulté a en particulier été soulevée concernant les 61 000 étudiants établis en Ukraine (pour son système d’enseignement accessible financièrement et concernant l’obtention de visa) et essentiellement originaires d’un pays du continent africain (16 000), d’Inde, d’Azerbaïdjan ou du Turkménistan qui suivaient des études supérieures en Ukraine. Si plusieurs états se sont dès le début du conflit organisés pour rapatrier leur ressortissants, plusieurs personnes, essentiellement issues de pays francophones, ont choisi la France comme pays de destination. Malheureusement, en l’état actuel du droit français, du fait de la nature « temporaire » du titre de séjour dont ils étaient titulaires en Ukraine, ces personnes ne se voient pour le moment pas octroyer la protection temporaire.
Ensuite, s’ajoute à cette condition le fait que les intéressés ne doivent être « en mesure de rentrer dans leur pays d’origine de manière sûre et durable ».Cette condition ne fait pour l’instant pas l’objet de précisions ou d’une définition dans la décision d’exécution du Conseil, elle est donc appréciée souverainement par les autorités de chaque État membre. Il y a également un risque sur le territoire français que selon les zones géographiques les préfectures fassent une application différenciée de cette condition. Cela est critiqué par plusieurs associations et la Coordination Française pour le Droit d’Asile (CFDA) considère que « cette notion ne doit pas être restreinte aux seuls risques pour la vie et pour la liberté mais tenir compte de la possibilité ou non de mener une « existence normale », notamment celle possibilité de travailler ou d’étudier ».[23]
Concernant cette catégorie de personnes, la circulaire du 10 mars dispose : « Pour l’application de ces dispositions, vous convoquerez l’intéressé à un entretien au cours duquel vous procèderez à l’examen de sa situation individuelle ». S’agissant de l’ensemble des personnes concernées par la protection temporaire, elle ajoute « Si l’appréciation des conditions mentionnées ci-dessus soulève une difficulté, vous prendrez l’attache de la Direction générale des étrangers en France (DGEF) qui pourra s’appuyer, en tant que de besoin, sur l’expertise de l’OFPRA en matière d’information sur les pays d’origine. Dans ce cas, ou s’il manque des pièces justificatives, vous inviterez la personne concernée à se présenter à nouveau à la préfecture avec les précisions requises. Dans l’attente, vous lui délivrerez une autorisation provisoire de séjour d’une durée d’un mois. »
En pratique, on note que la plupart des ressortissants étrangers non ukrainiens titulaires d’un titre de séjour temporaire délivré par les autorités ukrainiennes[24] se voient délivrer une autorisation provisoire de séjour d’une durée d’un mois par les services préfectoraux français, mais que malheureusement pour eux souvent leur situation ne permettra pas d’aboutir à un droit au séjour en France, et aucune perspective de maintien en situation régulière sur le territoire français ne semble s’offrir à eux[25].
Il est important ici de noter que l’article 2 3. de la décision d’exécution du Conseil dispose : « Conformément à l’article 7 de la directive 2001/55/CE, les États membres peuvent également appliquer la présente décision à d’autres personnes, y compris aux apatrides et aux ressortissants de pays tiers autres que l’Ukraine, qui étaient en séjour régulier en Ukraine et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables. »
Ainsi, selon le droit de l’Union le gouvernement français pourrait tout à fait décider d’étendre la protection temporaire aux étrangers non ressortissants ukrainiens qui disposaient d’un titre de séjour temporaire délivré par les autorités ukrainiennes, et qui ont fui le pays pour venir en France depuis la guerre. Cette possibilité permettrait aux personnes qui étaient légalement installées en Ukraine pour raisons professionnelles ou pour y poursuivre des études supérieures, ou encore à celles qui y avaient demandé l’asile, de bénéficier en France de la protection temporaire même si elles ne disposaient pas en Ukraine d’un droit au séjour permanent. [à la suite de l’exergue précédent en vert !]Ce n’est pour l’instant pas le choix qui a été fait par le gouvernement, et ceci est vivement contesté notamment par les étudiants francophones venus en France depuis le 24 février[26]. En toute hypothèse, si notre droit évoluait en ce sens, il conviendrait toujours que les intéressés ne soient pas en mesure de « rentrer dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables », avec tous les aléas d’interprétation qu’implique cette formule. Il faudrait donc que cette notion soit élargie.
D – Les membres de la famille d’une personne relevant de l’un des trois cas précédents
En premier lieu, la décision du Conseil précise qu’il faut que « la famille était déjà présente et résidait en Ukraine avant le 24 février 2022 ». Ainsi, un membre de la famille de ressortissant ukrainien qui résidait dans un autre état que l’Ukraine ne pourra pas bénéficier de la protection temporaire même s’il est bien considéré comme « membre » de la famille au sens de la décision du Conseil.
Ensuite, elle prévoit que sont considérés comme membres de la famille des catégories précédentes de personnes :
- Son conjoint ou partenaire non marié engagé dans une relation stable, lorsque la législation ou la pratique en vigueur dans l’État membre concerné traite les couples non mariés de manière comparable aux couples mariés dans le cadre de son droit national sur les étrangers ;
Notons ici que cela est bien le cas de la France qui reconnait à la fois les partenariats enregistrés de type PaCS français, et le concubinage. En revanche, concernant ce dernier type d’union, il convient d’établir auprès des services compétents la véracité de la relation de couple et sa stabilité avant le départ d’Ukraine, ce qui reviendra certainement à établir une communauté de vie. - Ses enfants mineurs célibataires, ou de son conjoint, qu’ils soient légitimes, nés hors mariage ou adoptés ;
Nous pouvons ici nous poser la question du sort des enfants mineurs dont la personne bénéficiant de la protection temporaire en France a obtenu la tutelle par décision de justice, ou encore qui ont fait l’objet d’un recueil légal à l’étranger de type kafala[27] judiciaire par exemple, et qui résidaient en Ukraine avant le conflit avec leurs tuteurs ou avec les personnes les ayant recueillis. Dès lors qu’il n’y a pas dans ces cas de lien de filiation avec l’enfant, on ignore à ce stade si les préfectures françaises vont accepter de les considérer comme des personnes protégées et leur faire bénéficier des droits y afférant. - D’autres parents proches qui vivaient au sein de l’unité familiale au moment des circonstances entourant l’afflux massif de personnes déplacées et qui étaient alors entièrement ou principalement à la charge d’une personne visée dans les trois catégories précédentes.
Il ne s’agit donc pas ici uniquement des parents à charge au sens juridique du terme « d’ascendant au premier degré », mais en principe de tout parent proche à charge. Ainsi, cela doit pouvoir concerner le cas d’une sœur ou d’un frère à charge qui vivait en Ukraine au foyer d’une personne qui obtient la protection temporaire en France.
Concernant globalement cette quatrième catégorie de personnes constituée des « membres de la famille », notons que l’instruction du 10 mars 2022 précise en outre qu’elles entrent dans le champ d’application de la protection temporaire « sans qu’y fasse obstacle la circonstance qu’ils pourraient retourner dans leur pays ou région d’origine dans des conditions sûres et durables. »
Au-delà, cette même instruction prévoit explicitement dans sa partie « Personnes ne relevant pas de la protection temporaire », que : « n’entrent pas dans le champ d’application de la protection temporaire […]. Les ressortissants de pays tiers qui sont en mesure de regagner leur pays d’origine dans des conditions sûres et durables. Vous examinerez le droit au séjour de ces personnes ». Concrètement, les trois catégories de ressortissants non ukrainiens que nous venons de détailler et qui sont concernées (d’après les textes) par la protection temporaire peuvent en être exclues dans ce cas, ce qui selon leur nationalité et leur situation ne leur laisse que peu de perspectives de rester légalement sur le territoire français. En effet, l’examen de leur droit au séjour, sauf situation exceptionnelle (en particulier leur état de santé, ou s’ils sont par ailleurs conjoint de Français ou parent d’enfant français) risque d’aboutir sur un refus de séjour. De ce fait, de nombreux ressortissants de pays tiers ayant fui l’Ukraine (où ils résidaient légalement et travaillaient avant la guerre) avec le projet de venir s’installer en France ont, dès les premiers jours de leur arrivée sur le territoire, décidé de quitter la France pour se rendre dans un autre État membre de l’Union européenne, et notamment en Allemagne[28], pour s’y installer et y obtenir la protection temporaire (et donc le droit d’y travailler). La France est en effet perçue comme un des États membres qui applique le plus strictement les conditions de la protection temporaire aux ressortissants non ukrainiens.
Enfin, en toute hypothèse, et comme le dispose l’article L 581-5 du CESEDA « Un étranger peut être exclu du bénéfice de la protection temporaire dans les cas suivants :
1° Il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’il ait pu commettre un crime contre la paix, un crime de guerre, un crime contre l’humanité ou un crime grave de droit commun commis hors du territoire français, avant d’y être admis en qualité de bénéficiaire de la protection temporaire, ou qu’il s’est rendu coupable d’agissements contraires aux buts et aux principes des Nations unies ;
2° Sa présence en France constitue une menace pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’ État. »
Dans ce cas, l’instruction ministérielle ajoute que pourra être prise une décision portant obligation de quitter le territoire français (OQTF) « assortie, le cas échéant, des mesures de contrôle administratif justifiées et proportionnées. »
III – Procédure simplifiée et droits accordés aux protégés temporaires
Afin de permettre l’octroi immédiat d’une protection et des droits y afférant (B), la procédure de demande de protection temporaire fait l’objet de formalités réduites (A).
A –Des formalités réduites, une procédure simplifiée et rapide
Comme précisé en amont, c’est tout l’objet de la protection temporaire que les États membres de l’Union européenne soient en mesure d’apporter une réponse rapide aux demandeurs de la protection, et ce en évitant d’engorger les systèmes nationaux d’asile. Ainsi, les formalités mises en place n’ont rien à voir avec le dépôt d’une demande d’asile de droit commun. Les destinataires de l’instruction conjointe ont été invités par le gouvernement à « faciliter l’information et l’orientation des personnes concernées vers les dispositifs d’accueil et de prise en charge administrative pertinents », et à communiquer largement ces informations, notamment sur le site internet des préfectures. Au-delà d’un accueil adapté en préfecture, il leur a été demandé de veiller « là où le nombre d’arrivées le justifie, de structurer des points d’accueil dédiés en lien avec les collectivités territoriales et les associations compétentes au plan local. », l’instruction ajoutant qu’un « tel accueil se justifie en particulier dans ou à proximité des gares et aéroports d’arrivées en provenance de pays de l’Est de l’Europe. »
En pratique, à Paris, par exemple, La Croix Rouge a mis aussitôt en place un accueil Gare de l’Est, Gare du Nord, Gare de Lyon et Gare Montparnasse pour les premières orientations des personnes qui arrivaient d’Ukraine et souhaitaient soit rester en France, soit poursuivre leur voyage vers un autre pays. De même concernant le droit au séjour, l’instruction prévoit qu’un « accès dédié » soit « aménagé en préfecture pour les demandeurs de la protection temporaire afin qu’ils puissent présenter cette demande ». Il convient donc de s’adresser au Préfet du département où se trouve le demandeur de protection temporaire. A Paris, un lieu d’accueil unique a été mis en place, géré par France Terre d’asile, il est situé dans le XVe arrondissement[29], les services de la Préfecture de Police et de l’Office français pour l’immigration et l’intégration (OFII) y sont présents pour procéder à l’enregistrement des personnes et leur délivrer sur place le jour même la protection temporaire et une autorisation provisoire de séjour de six mois (renouvelable) s’ils font partie des personnes pouvant en bénéficier.[30] Il y est aussi procédé à l’évaluation de leur situation personnelle, à l’orientation en matière d’hébergement, et aux démarches d’accès aux conditions matérielles d’accueil. Tout a donc été regroupé en même lieu, évitant ainsi aux personnes concernées par la protection temporaire d’avoir à effectuer plusieurs déplacements, auprès de diverses structures, ou bien à revenir après instruction de leur demande[31].
Les formalités n’ont donc rien à voir avec la procédure de demande d’asile de droit commun qui peut prendre plusieurs mois avant qu’une protection ne soit (ou non) accordée. En procédure normale, la demande d’asile devrait être instruite par l’OFPRA dans un délai de 6 mois, mais à ce délai peut dans certains cas s’ajouter un délai de 15 mois, soit 21 mois au total[32]. Cela contraste donc avec l’octroi de la protection temporaire qui est, dans la plupart des cas, attribuée le jour même de la demande comme nous l’avons exposé.
B – Les droits attachés à la protection temporaire
Notons que les ressortissants ukrainiens bénéficiaient déjà d’un droit de circulation dans l’espace Schengen et peuvent donc y séjourner moins de 90 jours sans effectuer de démarches spécifiques. En revanche, en France, s’ils ne demandent pas la protection temporaire ils ne pourront pas bénéficier des droits qui y sont attachés (accès au logement[33], allocation, autorisation de travail …). Certains qui au moment de leur départ n’envisageaient pas de rester longtemps en dehors d’Ukraine n’ont d’ailleurs déposé aucune demande de protection temporaire dans un État membre de l’Union.
Ainsi, au 1er juin 2022, l’UNHCR dénombre un peu plus de 2,9 millions d’individus venus d’Ukraine « enregistrés pour la protection temporaire ou des régimes de protection nationaux similaires en Europe » sur plus de 4,7 millions enregistrés dans toute l’Europe. C’est ce qui fait aussi la spécificité des mouvements migratoires liés à ce conflit qui compte de nombreux retours en Ukraine des populations déplacées. Ainsi, pour la première fois depuis le début du conflit, on a pu constater la semaine du 30 mai 2022 que le nombre de personnes entrant en Ukraine a été supérieur au nombre de départs du pays.
Ce n’est donc que si la protection temporaire est sollicitée et accordée que vont découler l’ensemble des droits suivants (et ce, bien sûr, que le bénéficiaire soit ou non de nationalité ukrainienne).
Le droit au séjour : le bénéficiaire de la protection temporaire se voit remettre une autorisation provisoire de séjour d’une durée de 6 mois portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire ».
Selon l’alinéa 2 de l’article R.581-4 du CESEDA cette autorisation « est renouvelée automatiquement pendant toute la durée de la protection temporaire définie au deuxième alinéa de l’article L. 581-3. Toutefois, la durée de validité de l’autorisation provisoire de séjour peut être limitée à la période restant à courir jusqu’au terme de la protection temporaire. »
Concrètement, la circulaire du 10 mars 2022 prévoit que les dispositions qu’elle contient sont applicables pour une durée d’un an.
En effet, conformément à la directive 2001/55/CE, la durée de la protection temporaire devrait être initialement d’une année. Le considérant 21 de la décision d’exécution du Conseil du 4 mars rappelle qu’à moins qu’il n’y soit mis fin sur la base de l’article 6, paragraphe 1, point b), de ladite directive, « cette durée initiale peut être prorogée automatiquement par périodes de six mois pour une durée maximale d’un an », et ajoute : « La Commission assurera un suivi et un réexamen constants de la situation. À tout moment, elle peut proposer au Conseil de mettre fin à la protection temporaire, en se fondant sur la constatation que la situation en Ukraine permet un retour sûr et durable des personnes ayant bénéficié de la protection temporaire, ou proposer que le Conseil proroge la protection temporaire pour une durée maximale d’un an. »
Enfin, l’article L.581-3 in fine du CESEDA prévoit quel e « document provisoire de séjour peut être refusé lorsque l’étranger est déjà autorisé à résider sous couvert d’un document de séjour au titre de la protection temporaire dans un autre État membre de l’Union européenne » et qu’il ne peut prétendre au bénéfice des dispositions concernant le rapprochement des membres de la famille d’un étranger bénéficiant déjà en France de la protection temporaire.[34]
L’accueil et l’hébergement : la circulaire précitée rappelle que « les personnes bénéficiant de la protection temporaire n’ont pas vocation à être hébergées au sein du dispositif national d’accueil pour demandeurs d’asile dès lors qu’elles ne relèvent pas de ce statut. » En revanche, plusieurs dispositifs dédiés ont été mis en place. Ainsi, la « Plateforme Pour l’Ukraine »[35] a été rapidement créée pour « permettre aux différentes organisations (associations, entreprises, collectivités) et aux citoyens de se mobiliser pour favoriser l’accueil des personnes déplacées d’Ukraine », et elle permet notamment d’y faire des offres d’hébergements à destination des protégés temporaires. En outre, cette même circulaire appelle à l’identification « des sites d’accueil ad hoc, susceptibles d’être ouverts en lien avec un opérateur associatif chargé d’y assurer un accompagnement social. Ces sites devront permettre de faire face à des besoins urgents, au plan local ou national, dans l’attente de l’accès des personnes à un hébergement pérenne ou un logement. » Une nouvelle instruction en date du 22 mars 2022[36], du Ministre de l’Intérieur et de la Ministre du logement, ayant pour objet « l’accès à l’hébergement et au logement des personnes déplacées d’Ukraine bénéficiaires de la protection temporaire » est venue détailler les modalités de ce dispositif d’accueil. Il prévoit à la fois l’hébergement d’urgence pour quelques jours dans les lieux d’arrivée puis dans des centres d’hébergement dédiés, et la possibilité de logement à long terme notamment proposés sur la plateforme pour l’Ukraine par les collectivités locales, les citoyens ou les bailleurs sociaux. Il est, en effet, à noter que les protégés temporaires peuvent désormais solliciter un logement social, un arrêté ayant été pris en ce sens le 19 avril 2022[37].
Globalement, nous pouvons considérer qu’il s’agit en réalité d’un « soutien dans l’accès au logement » comme le présente d’ailleurs le gouvernement dans sa communication à ce sujet.
L’autorisation d’exercer une activité professionnelle : l’article 12 de la directive 2001/55/CE dispose que « les États membres autorisent, pour une période ne dépassant pas la durée de la protection temporaire, les personnes qui en bénéficient à exercer une activité salariée ou non salariée ». Sa transposition dans la partie législative du CESEDA figure à l’article L. 581-3 qui dispose quant à lui que l’étranger qui bénéficie de la protection temporaire « est mis en possession d’un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d’une autorisation provisoire de travail ».
L’accès au marché du travail n’apparait ainsi pas automatique dans la loi française. Concernant les mesures réglementaires, jusqu’au 1er avril 2022, les autorisations provisoires de séjour portant la mention « bénéficiaire de la protection temporaire » remises aux intéressés indiquaient : « autorise à rechercher et à exercer un emploi – voir autorisation de travail ». En pratique cela signifiait qu’il convenait que l’employeur dépose une demande d’autorisation de travail et entreprenne les fastidieuses démarches dédiées. La différence avec les autres types de demandes d’autorisation de travail pour travailleur étranger résidait dans le fait que les employeurs étaient accompagnés par Pôle Emploi et que l’offre d’emploi n’était dans ce cas pas limitée à la liste très réduite de métiers dits « en tension ». Ceci ne permettait pas un accès effectif au marché du travail et ne facilitait pas l’insertion par l’emploi et l’autonomie des protégés temporaires. Le décret n° 2022-468 du 1er avril 2022 relatif au droit au travail des bénéficiaires d’une protection temporaire est venu remédier à cette difficulté et modifier l’article R.581-4 du CESEDA, y ajoutant un dernier alinéa qui dispose désormais « Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l’exercice d’une activité professionnelle. »
On note ici une autre différence significative avec les demandeurs d’asile de droit commun qui durant les six premiers mois de l’examen de leur demande par l’OFPRA ne bénéficient pas du droit de travailler, et qui à l’issue de ce délai – si l’OFPRA n’a toujours pas rendu de décision- peuvent simplement demander à leur futur employeur de déposer une demande d’autorisation de travail[38], mais n’ont pas un accès effectif au marché du travail.
L’accès à une formation linguistique : les bénéficiaires de la protection temporaire ont accès aux formations en langue française financées par l’OFII, comme celles proposées dans le cadre du contrat d’intégration républicaine aux étrangers nouvellement admis au séjour en France. Ces formations ont été ouvertes aux protégés temporaires depuis le décret n° 2022-726 du 28 avril 2022 relatif à la formation linguistique des bénéficiaires d’une protection temporaire. Un arrêté du 3 mai 2022 est venu en détailler les modalités.[39]
Le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) : l’article L.581-9 du CESEDA prévoit que cette allocation, en principe réservée aux demandeurs d’asile, peut être versée aux bénéficiaires de la protection temporaire. L’ADA répond à des conditions de revenus (qui doivent être inférieurs au montant du RSA[40]) et est calculée selon le nombre de personnes composant le ménage et le mode d’hébergement. Par exemple, pour un couple qui n’est pas logé gratuitement, le montant de l’allocation sera de 25 € par jour. L’allocation est versée mensuellement au moyen d’une carte de paiement délivrée au titulaire d’une autorisation provisoire de séjour au titre de la protection temporaire par les directions territoriales de l’OFII. L’instruction du 10 mars précitée précise que dans les préfectures disposant d’un guichet unique pour demandeur d’asile, l’accueil des personnes est organisé de façon à pouvoir leur délivrer l’autorisation provisoire et la carte ADA en un seul passage.
L’accès aux soins par une prise en charge médicale : les protégés temporaires bénéficient d’un accès immédiat à une prise en charge de leurs soins et frais de santé, aucun délai de carence ne leur étant appliqué[41]. Ils sont donc immédiatement affiliés à la protection universelle maladie (PUMA), et se voit ouvrir un droit d’un an à la complémentaire santé solidaire dès l’autorisation provisoire de séjour délivrée.
La scolarisation des enfants mineurs : ce droit est le même que pour l’ensemble des enfants se trouvant sur le territoire français, et ce quelle que soit leur nationalité ou la situation de leurs parents quant au droit au séjour pour les ressortissants étrangers. En effet, l’instruction rappelle que « Le code de l’éducation garantit l’accès à l’instruction à tous les enfants âgés de 3 à 16 ans et prévoit une obligation de formation pour les enfants de 16 à 18 ans présents sur le territoire national. Les bénéficiaires de la protection temporaire âgés de moins de 18 ans ont donc accès au système éducatif. »
Conclusion
En conclusion, il n’y a pas lieu de comparer la situation des personnes ayant fui l’Ukraine depuis son invasion par la Russie et bénéficiant de la protection temporaire avec celle des autres étrangers demandeurs d’asile, ni ceux ayant obtenu le statut de réfugié ou la protection subsidiaire par l’OFPRA ou la CNDA.
La protection temporaire est directement issue du droit de l’Union européenne et de sa volonté politique, et prévoit une procédure simplifiée et un octroi extrêmement rapide (le jour de la demande) si les conditions sont réunies. Les droits accordés aux protégés temporaires vont, comme nous l’avons détaillé, bien au-delà de ceux des demandeurs d’asile de droit commun, même s’ils bénéficient aussi de l’ADA (allocation pour demandeur d’asile). En outre, les ressortissants ukrainiens et les non ukrainiens titulaires d’un titre de séjour délivré en Ukraine pouvaient déjà avant le début du conflit russo-ukrainien jouir d’un droit d’entrée et de court séjour (moins de trois mois) dans l’espace Schengen. De nombreux ressortissants non ukrainiens ayant fui l’Ukraine ont été rapatriés par leurs pays d’origine dans les premiers jours du conflit, ou n’ont fait que passer par la France pour se rendre ensuite dans un autre État membre de l’Union. De nombreux Ukrainiens et membres de leurs familles ne sont quant à eux restés que quelques semaines en France ou dans l’Union avant de rentrer en Ukraine, et depuis le 30 mai dernier le nombre d’entrées en Ukraine est supérieur au nombre de sorties de ce territoire[42].
Les mouvements migratoires liés à la guerre en Ukraine sont donc également tout à fait spécifiques, et ne peuvent pas non plus être comparés avec d’autres. En tout état de cause, la protection temporaire est actuellement activée pour une durée d’une année, et ne pourra pas être renouvelée au-delà de trois années.
Reste posée la question de la situation de certains ressortissants étrangers non ukrainiens qui résidaient en Ukraine et qui ne peuvent pas en France bénéficier de la protection temporaire (demandeur d’asile en Ukraine[43], étudiants, etc.), et le point de savoir si le gouvernement français acceptera d’une part, d’ouvrir le bénéfice de cette protection à de nouvelles catégories de personnes comme le permet l’article 7 de la directive 2001/55/CE, et d’autre part de considérer la notion d’impossibilité de « retour dans des conditions sûres et durables » dans le pays d’origine de façon souple, comme le demandent plusieurs associations, c’est-à-dire de tenir compte de la possibilité ou non de mener une « existence normale ».[44]
[1] L’UNHCR a mis en place ce portail opérationnel de données permettant d’obtenir des statistiques (mises à jour chaque semaine) du nombre de mouvements transfrontaliers ou du nombre de personnes enregistrées dans un autre état.
[2] Selon un communiqué de la Commission européenne publié le 28 avril 2022, la Pologne avait à cette date reçu 560 millions d’euros de fonds européens pour aider à leur prise en charge.
[3] Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés.
[4] Depuis le 28 février 2022.
[5] Sont concernées les personnes étrangères (non ukrainiennes) ressortissantes d’un pays tiers à l’Union européenne, puisque les citoyens européens qui résidaient en Ukraine et qui ont dû quitter le pays depuis le conflit doivent bénéficier dans chacun des États membres de l’Union des mêmes droits que ses nationaux.
[6] Cf. infra II. les trois catégories de ressortissants non ukrainiens pouvant bénéficier en France du mécanisme de la protection temporaire, au même titre que les Ukrainiens.
[7] Le2.de l’article 5 dispose ainsi : « La proposition de la Commission contient au moins:
a) la description des groupes spécifiques de personnes auxquels s’appliquera la protection temporaire;
b) la date de mise en œuvre de la protection temporaire;
c) une estimation de l’ampleur des mouvements de personnes déplacées. »
[8] Le 3. de l’article 5 prévoit quant à lui : « La décision du Conseil […] contient au moins:
a) une description des groupes spécifiques de personnes auxquels s’applique la protection temporaire;
b) la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur;
c) les informations communiquées par les États membres concernant leurs capacités d’accueil;
d) les informations communiquées par la Commission, le HCR et d’autres organisations internationales concernées. »
[9] https://www.senat.fr/leg/ppr09-159.pdf.
[10] https://www.senat.fr/amendements/2009-2010/159/Amdt_1.html
[11] Cf. page 13 du rapport de la commission des lois du Sénat : https://www.senat.fr/rap/l09-229/l09-2291.pdf
[12] Alinéa 2 de l’article L.581-3 du CESEDA.
[13] Pour une définition de la protection subsidiaire, et connaitre les droits qu’elle permet d’obtenir en France, voir la page dédiée sur le site de l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) : https://www.ofpra.gouv.fr/fr/asile/les-differents-types-de-protection/la-protection-subsidiaire
[14] Plusieurs associations, dont celles réunies au sein de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA), avaient demandé à plusieurs reprises l’activation de la protection temporaire pour les personnes fuyant la guerre en Irak, en Libye ou en Syrie.
[15] Cette proposition de décision d’exécution du Conseil prise le 2 mars 2022 par la Commission est consultable dans son intégralité sur le site de la Commission :
https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52022PC0091&from=EN
[16] Pour consulter l’intégralité de la communication du 4 mars 2022 : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52022XC0304(10)&from=EN
[17] Pour s’appliquer les directives européennes doivent être transposées dans le droit national. Cela consiste à adapter le droit des États membres aux exigences de la législation européenne, et à ainsi éviter les litiges qui pourraient résulter d’une absence de conformité au droit de l’Union. La transposition concerne uniquement les directives (article 288 TFUE). Parmi les autres textes européens, le règlement et la décision sont quant à eux directement applicables en droit interne (la recommandation et l’avis n’étant pas contraignants).
[18] Le CESEDA a été créé par une ordonnance du 24 novembre 2004, et est entré en vigueur le 1er mars 2005. Il a essentiellement repris en les codifiant les dispositions de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en France, et celles de la loi du 25 juillet 1952 relative au droit d’asile. Ce code a fait depuis l’objet de nombreuses réformes au fond et d’une refonte.
[19] Suite à la refonte du CESEDA, issue d’une ordonnance et d’un décret datant tous deux du 16 décembre 2020, et entrée en vigueur au 1er mai 2021, ce code a été remanié et renuméroté.
[20] Comme nous l’exposerons lors de la partie du présent article consacrée à l’étude des droits applicables aux protégés temporaires, d’autres mesures réglementaires ponctuelles et destinées à régler des problématiques spécifiques (accès effectif au travail, logement, etc.) ont également été prises depuis.
[21] En application de l’article L. 581-4 du CESEDA.
[22] Il s’agit de l’avis de l’auteure. Cet avis est fondé sur le fait qu’il serait tout à fait incohérent que des personnes de nationalité ukrainienne déjà légalement présentes sur le territoire français avant le 24 février, et titulaire d’un droit au séjour, soient privées, par exemple, faute de renouvellement de leur titre et du fait du dépôt d’une demande d’asile, d’un accès effectif au marché du travail. En effet, pour tous les demandeurs d’asile, la demande d’autorisation de travail (via une procédure complexe et longue à entreprendre par le futur employeur) n’est possible qu’après 6 mois sans réponse de l’OFPRA, alors que des ukrainiens arrivés en France depuis le 24 février peuvent désormais (et ce depuis un décret du 1er avril 2022) travailler dès l’obtention de la protection temporaire (qui dans la plupart des cas se fait le jour même de leur demande) et sans effectuer de demande distincte d’autorisation de travail (cf. infra). L’auteure considère donc qu’il y aurait dans ce cas une différenciation de traitement injustifiée, et qu’il est dès lors fort probable que les Préfectures usent de bienveillance dans le cadre de l’examen des demandes de renouvellement des titres de séjours des ressortissants ukrainiens concernés afin d’éviter que de telles situations ne se produisent.
[23] Cf. le communiqué de la CFDA du 18 mars 2022 intitulé « Protection temporaire pour l’Ukraine : encore des efforts pour être à la hauteur des enjeux ».
[24] Hormis le cas des membres de la famille d’un Ukrainien qui appartiennent à la catégorie suivante et qui peuvent généralement facilement prouver leur lien d’union ou de parenté et ainsi bénéficier de la protection temporaire en France.
[25] Ils risquent donc de se voir délivrer un refus de séjour avec obligation de quitter le territoire français (OQTF), et reconduite vers leur pays d’origine (soit le pays dont ils ont la nationalité, soit le cas échéant le dernier pays où ils ont résidé avant d’aller vivre en Ukraine).
[26] Plusieurs collectifs de soutien se sont constitués dans des universités françaises, essayant d’aider les étudiants concernés à s’y inscrire. Il est à noter que les établissements d’enseignement supérieur ukrainiens ont pu globalement maintenir en ligne une continuité des cours dispensés, que les étudiants qui y étaient scolarisés avant le conflit suivent, depuis, à distance (qu’ils soient restés en Ukraine comme beaucoup de ressortissants ukrainiens, ou qu’ils aient fuit vers un autre pays). En revanche, il n’existe malheureusement pas nécessairement d’équivalence de cursus ou de diplôme soit avec la France, soit avec le pays d’origine des personnes concernées. En tout état de cause, si les autorités françaises considèrent que le demandeur peut rentrer dans son pays d’origine dans des conditions « stables et durables », il ne sera pas autorisé à se maintenir sur le territoire français. Il pourra éventuellement solliciter à la prochaine rentrée universitaire un visa de long séjour portant la mention « étudiant » s’il souhaite poursuivre en France des études supérieures, mais devra alors le faire depuis son pays d’origine, en suivant la procédure de droit commun (le fait de s’être maintenu en France en situation irrégulière peut cependant être retenu comme cause de refus de ce visa).
[27] L’expression de « recueil légal » a été introduite en France en 2013 dans un avis publié au JO (n°0282) du 5 décembre 2013, de la commission générale de terminologie et de néologie, afin de traduire la kafala et l’a défini comme « l’engagement de prendre en charge un enfant mineur sans création de lien de filiation ». Il s’agit d’une institution étrangère issue du droit musulman et connue dans les états dont le droit de la famille en est inspiré (par exemple : Algérie, Maroc, des états du Moyen Orient ou du Golfe). La kafala est reconnue par les accords internationaux et notamment à l’article 20 de la Convention de New York de 1989 relative aux droits de l’enfant, qui cite explicitement «la kafala de droit islamique » au titre des mesures de protection de l’enfant. En France, la kafala est considérée comme produisant les effets soit d’une tutelle, pour les enfants orphelins ou sans filiation connue, soit d’une délégation de l’autorité parentale, lorsque les parents biologiques sont vivants et que l’enfant a une filiation d’établie (cf. Circulaire du 22 octobre 2014 relative aux « effets juridiques du recueil légal en France »).
[28] L’Allemagne est le pays non limitrophe de l’Ukraine qui a accueilli le plus de personnes ayant fuit l’Ukraine depuis le 24 février 2022. Début mai, l’UNHCR y avait dénombré 750 000 personnes venues d’Ukraine, contre 70 000 en France selon les chiffres publiés par l’OFII fin avril, ce chiffre étant fondé sur le nombre de bénéficiaire de l’ADA (aide au demandeur d’asile) au 27 avril 2022.
[29] 15 avenue Ernest Renan, 75015 Paris (métro Porte de Versailles).
[31] Sauf cas où il manque des pièces justificatives, les personnes se voyant alors délivrer une autorisation provisoire de séjour d’un mois, comme précisé précédemment, et doivent donc revenir auprès des autorités préfectorales pour compléter leur demande. Cela concerne rarement les ressortissants ukrainiens ou les membres de leur famille.
[32] En procédure accélérée, l’OFPRA rend sa décision dans un délai de 15 jours, mais du fait même du choix en amont de cette procédure, il s’agit essentiellement de décisions de rejet de la demande d’asile.
[33] A part l’hébergement d’urgence de droit commun.
[34] L’article 15 de la directive 2001/55/CE prévoit le droit au rapprochement familial des membres de la famille d’une personne déjà bénéficiaire de la protection temporaire dans un État membre de l’Union. Ici le CESEDA précise donc que dans ce cas, si un membre de la famille d’un protégé temporaire en France a déjà obtenu un droit au séjour dans un autre État membre au titre de la protection temporaire, et a ensuite pu rejoindre son proche sur le territoire français, cela ne fera pas pour autant obstacle à l’obtention d’un droit au séjour en France.
[35] https://parrainage.refugies.info/ Outre les offres d’hébergements, cette plateforme en ligne permet globalement de « s’engager pour l’Ukraine » et les personnes physiques ou morales peuvent s’y inscrire pour effectuer des dons à des associations internationales, participer à des collectes de matériel, traduire la langue ukrainienne, etc.
[36] Instruction en date du 22 mars 2022 : https://www.legifrance.gouv.fr/download/file/pdf/cir_45315/CIRC
[37] Arrêté du 19 avril 2022 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045654450
[38] En pratique, ces demandes sont complexes et nécessitent déjà de trouver un employeur prêt à effectuer les démarches. Le futur employeur doit publier en amont une offre d’emploi auprès des organismes concourant au service public de l’emploi (Pôle emploi, APEC…) pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail (publication d’une annonce d’offre d’emploi pendant au moins trois semaines), et justifier qu’il n’a pas trouvé de candidat correspondant à ce poste. Puis, il doit entreprendre une demande en ligne en huit étapes durant laquelle il fournit un grand nombre de pièces justificatives. Dans la plupart des cas, en pratique, les demandes d’autorisation de travail pour un demandeur d’asile sont refusées, la situation de l’emploi leur étant opposée.
[39]Arrêté du 3 mai 2022 relatif à la formation linguistique des bénéficiaires d’une protection temporaire : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045767218
[40] Soit 575,52 € pour une personne seule, et 863,28 € pour un couple sans enfant, ou par exemple 985,38 € pour une famille monoparentale avec un enfant incluant la majoration « parent isolé).
[41] Il est à noter qu’un délai de carence de trois mois est appliqué notamment au Français qui étaient établis à l’étranger en cas d’un retour définitif en France qui n’exerceraient pas d’activité professionnelle. Durant ce délai de trois mois, ils ne peuvent donc pas bénéficier d’une prise en charge de leurs soins en France par l’Assurance maladie. Une exception avait été prévue en raison de la Pandémie de Covid-19 et les Français de retour définitif sur notre territoire avaient ainsi pu bénéficier d’une suppression du délai de carence entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2021, et ainsi bénéficier durant cette période d’une prise en charge immédiate de leurs soins et frais de santé.
[42] Nombre de passages transfrontaliers sur la semaine du 30 mai au 5 juin 2022, d’après les informations communiquées par les états frontaliers, ou les constatations faites par le HNHCR.
[43] La situation des opposants politiques russes qui avaient demandé l’asile en Ukraine ne semble en particulier pas avoir été prise spécifiquement en compte. S’ils avaient demandé l’asile en Ukraine et étaient en attente de réponse des autorités ukrainiennes, ils peuvent déposer une demande d’asile en France, au même titre que tous les autres étrangers qui avaient déposé une demande d’asile en Ukraine.
[44] Au sens de la décision du Conseil constitutionnel n°2003-485 DC du 4 décembre 2003, §17, qui précise qu’il convient de « s’être assuré que l’intéressé peut, en toute sûreté, accéder à une partie substantielle de son pays d’origine, s’y établir et y mener une existence normale ». Cela devrait donc pouvoir s’étendre à la possibilité de se loger, se soigner, d’étudier ou de travailler.