BRICS : Lula affirme ses positions et « inhabilite » le Venezuela

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À quelques jours de l’élection présidentielle américaine, le président Poutine recevait à Kazan (Tatarstan) le 16e sommet des BRICS. Du 22 au 24 octobre se sont réunis les dirigeants des cinq pays fondateurs (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), des autres pays membres investis en 2023 (Émirats arabes Unis, Égypte, Iran, Éthiopie, à l’exception de l’Arabie saoudite qui n’a toujours pas donné son accord définitif), et d’autres pays aspirant à y entrer, dont le Venezuela.

Rappel

En août 2023, au moment où les membres du G7 s’organisaient pour soutenir l’Ukraine contre l’invasion russe, se tenait le précédent sommet des BRICS à Johannesburg (voir notre précédent article « Amérique latine : deux mois très politiques »). Les membres fondateurs, quelque 15 ans après la création de l’organisation, décidaient d’ouvrir leurs portes à de nouveaux membres. Soucieux d’y préserver l’influence de son pays, Lula s’était dit attentif aux équilibres politiques et économiques de l’organisation, tout comme au nombre de futurs arrivants. La Russie et la Chine avaient paru alors plus disposées à aller plus vite et plus loin, pour la même raison que Lula (l’influence de leur pays respectif), mais avec un objectif différent.

Lula avait cependant appuyé et obtenu l’entrée de l’Argentine dans le « club » BRICS. Les efforts qu’il déployait ainsi pour soutenir son candidat à la présidentielle argentine, n’ont néanmoins pas abouti ; le candidat d’extrême droite l’emportera et Javier Milei tournera le dos à l’organisation.

Ce mois d’octobre 2024 à Kazan, les BRICS se réunissaient donc à neuf pays soit 45 % de la population mondiale, 37 % du PIB mondial et du commerce, 43 % de la production pétrolière et 44 % des réserves mondiales. Lula à peine remis d’un accident intervient en visio et même le secrétaire général des Nations Unies fait le voyage.

Un sommet anti-occidental ?

Dans le contexte international actuel, un sommet qui se déroule dans la Russie en guerre (et du même coup opposée à l’Europe, aux États-Unis et aux forces de l’OTAN), un sommet qui acte aussi l’entrée d’un pays comme l’Iran, cela prend l’allure pour les médias internationaux d’une manifestation « anti–Occident ». Et l’occasion pour Vladimir Poutine de répondre vertement à ses ennemis actuels.

Pour Lula, c’est avant tout l’occasion d’intervenir en séance plénière et de rappeler les lignes fortes qui devraient sous-tendre la stratégie des BRICS : « Le combat doit être permanent et prioritaire en direction de la faim, de la pauvreté, des inégalités. Au même titre que les efforts à mener contre les causes du changement climatique. Il existe là une urgence collective des terriens et en particulier pour les pays les plus riches ». Et le président brésilien de convier ses homologues à la COP 30 qui se déroulera dans son pays en 2025. Pour « travailler pour l’existence d’un monde multipolaire, moins asymétrique » qui n’accepterait plus « l’apartheid pour les médicaments et les vaccins comme pendant la pandémie » et lutterait contre l’inégalité des genres.

Nécessité d’accompagner les pays qui se développent grâce à la Banque des BRICS (que dirige actuellement Dilma Rousseff, ex-présidente du Brésil) et de créer un nouveau moyen de paiement entre États membres, Lula conclut sur les thèmes qui lui sont chers : « Le monde n’a pas à être divisé entre amis et ennemis. Les plus vulnérables ne sont pas intéressés par cette dichotomie simpliste, ils veulent surtout pouvoir manger, travailler, et avoir un meilleur accès à des écoles ou des hôpitaux publics de qualité ». Autrement dit, on évite l’escalade dans les conflits et on négocie pour la paix.

Le discours de Lula est à l’image de la position d’origine des BRICS. Bien sûr lorsque l’on écoute d’autres orateurs, on devine vite que la neutralité n’est pas leur fort et qu’ils ont un ennemi, les États-Unis. Mais grâce aux trois membres fondateurs que sont le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, la tendance générale reste à l’équilibre entre « l’Occident et les pays du sud ».

Treize nouveaux venus

Le sommet acte l’entrée de 13 membres associés dans l’organisation : l’Algérie, la Biélorussie, la Bolivie, Cuba, l’Indonésie, le Kazakhstan, la Malaisie, le Nigeria, la Thaïlande, la Turquie, l’Ouganda, l’Ouzbékistan et le Vietnam. Mais deux pays, pourtant proches de la Chine et de la Russie, ne sont pas retenus : le Venezuela et le Nicaragua. Le président du premier (réélu en juillet dernier, mais non reconnu par l’Union européenne et les États-Unis, mais aussi le Brésil et la Colombie), Maduro, a fait le déplacement pour répondre à l’invitation de Poutine. Mais il reste à la porte de l’organisation.

Celui qui lui ferme la porte au nez – son nom avait circulé avant même le début des travaux – c’est Lula. Poutine le reconnaît : sa position diffère de celle du président brésilien, qui n’est favorable ni à l’entrée du Venezuela ni à celle du Nicaragua (alors que Cuba et la Bolivie sont approuvés).

Les raisons de ce refus, c’est Celsio Amorim, conseiller spécial du président Lula, qui les donne : « le Venezuela a abusé de la confiance qui lui était accordée ». Maduro avait promis de présenter les « actes » qui prouveraient sa victoire électorale et il ne l’a pas fait. Il ne peut donc être reconnu comme président du Venezuela. Quant au Nicaragua, il n’a plus de relations diplomatiques avec le Brésil pour les raisons de son soutien à Maduro dans ce contexte électoral.

Le PT, parti des travailleurs de Lula, rage, car il défend la position inverse : « Maduro a bien gagné les élections, le Venezuela doit entrer dans les BRICS ». Or les principaux dirigeants latino-américains, l’actuel président Petro en Colombie ou les anciens élus (Lopez Obrador au Mexique, Pepe Mujica en Uruguay et Cristina Kirchner en Argentine), tous très proches de Maduro jusqu’au dernier scrutin vénézuélien, ont adopté la position de Lula. L’image du Venezuela est écornée, l’élection de son président contestée… et la gauche latino éclatée.

COMMENTAIRES 

Cette 16e réunion des BRICS met en avant à la fois espoir et crainte. Espoir d’un monde meilleur, esquissé dans le discours de Lula, dans lequel on comprend enfin les problèmes majeurs de la planète et où on se donne les moyens de les combattre. Crainte d’un monde qui se déchire, sans plus chercher la vérité et la mesure, à l’image des insultes envoyées de toute part au secrétaire général de l’ONU pour sa venue en Russie ou à Lula pour son véto à l’entrée du Venezuela.

Prochain rendez-vous au Brésil, pour le sommet du G20 de Rio les 18 et 19 novembre.