C’est le 29 mai et le 19 juin (second tour) que les Colombiens se rendront aux urnes pour élire leur président de la République, pour une durée de quatre ans.
Mais avant, le 13 mars prochain, ils éliront 108 sénateurs et 180 députés qui siégeront eux aussi pour une durée de quatre ans.
A l’aube de ces deux importantes élections, les enjeux pour le pays peuvent se résumer ainsi : sortir de la violence ; sortir de la drogue, de ses trafics, de ses bandes ; sortir d’un système oligarchique pour entrer dans la démocratie.
Pas un jour ne se passe sans qu’un journaliste, un défenseur des droits de l’Homme, un ancien guérillero ou un élu ne soit assassiné. Des milliers de Colombiens sont déplacés chaque année, doivent quitter leur maison, leur bout de terrain, pour sauver leur vie et celle de leur famille car harcelés, menacés au quotidien par les narcotrafiquants, les guérillas ou les paramilitaires, quand ce ne sont pas les forces armées comme cela était souvent le cas au moment où Alvaro Uribe était président de la Colombie.
L’oligarchie colombienne, soit quelques familles qui se comptent sur les doigts d’une main, organise sa version de la démocratie et impose depuis quelques décennies à la tête du pays le président qui ne troublera pas leur quiétude, pendant que règne dans le pays un ordre basé sur la peur, peur de revendiquer, au lycée ou dans les entreprises, et peur d’être soupçonné d’appartenir à la guérilla et qualifié de « subversif ».
Cependant, depuis les accords de paix de 2016, et notamment en 2019, d’impressionnantes manifestations ont remis en cause cet ordre établi. La jeunesse s’est levée dans plusieurs villes du pays, et les élections qui ont suivi ces mouvements, municipales ou régionales en octobre 2019, ont marqué un net recul des partis traditionnels.
Depuis, le représentant de la gauche, l’ancien maire de Bogota Gustavo Petro, battu lors de la dernière élection présidentielle par la marionnette d’Alvaro Uribe Ivan Duque, se maintient en tête des sondages avec une confortable avance sur les autres candidats, 20 au total à être inscrits pour le scrutin. Les mois passent, et l’hypothèse de voir Gustavo Petro l’emporter au second tour de l’élection présidentielle semble plausible. Selon bon nombre d’observateurs, les explosions sociales de 2019 et la volonté de changement qu’a manifestée la jeunesse (relayée d’ailleurs ensuite par le reste de la population comme au Chili) pourraient bien annoncer un cataclysme jusque-là peu envisageable en Colombie : l’arrivée d’un ex-guérillero à la présidence.
Une autre candidate vient pourtant de s’ajouter à la liste des prétendants à la présidence. Les Français la connaissent bien, il s’agit d’Ingrid Betancourt. En 2008 Nicolas Sarkozy alors président de la République avait déployé bien des efforts pour la faire libérer, alors qu’elle était détenue par la guérilla des FARC (ce seront finalement les États-Unis qui obtiendront sa libération). Cette année, Ingrid Betancourt fait encore campagne pour son parti « Oxygène », et à peine entrée dans la course, a très rapidement attaqué Gustavo Petro lui reprochant de recevoir l’appui financier du président vénézuélien Nicolas Maduro. Soit, en Colombie, l’insulte suprême !
Mme Bettencourt suit-elle si mal l’actualité politique de son pays ? Car dans les faits, Petro et Maduro passent leur temps à s’invectiver. Le président vénézuélien vient d’ailleurs de déclarer qu’il existait en Amérique latine une gauche « couarde », et Petro s’est senti tellement visé qu’il a été obligé de lui répondre. Plus probablement, Mme Bettencourt s’est mise au service d’une stratégie « tous contre Petro » qui ne peut que profiter à ceux qui tiennent les clés du pays depuis des décennies et qui n’ont pas l’intention de les céder à Gustavo Petro.
On le sait : la révolution bolivarienne sert d’épouvantail. Donald Trump l’a utilisé lors de sa campagne, traitant les démocrates de communistes. Le parti populaire espagnol utilise le même argument en Espagne contre le PSOE. Certains le font aussi en France contre Jean-Luc Mélenchon….
Ce qui est sûr, c’est que l’oligarchie colombienne sait pouvoir compter sur les États-Unis. Car qu’ils aient à leur tête Donald Trump ou Joe Biden, la Colombie reste, selon leur propre terme, leur « meilleur allié » sur le sous-continent.
Reste à savoir ce dont ils seront capables pour « sauver » la Colombie. Réponse le 29 mai, au soir du premier tour de l’élection présidentielle.
Colombie en bref 1 : droit à l’avortement jusqu’à 24 SEMAINES
La Cour constitutionnelle vient de dépénaliser le droit à l’avortement jusqu’à 24 semaines, avant même que le congrès ne se saisisse du dossier. Une très bonne nouvelle et un pas de géant pour le combat des femmes colombiennes dans un pays dont le président de la République déclare : « cinq personnes (de la cour constitutionnelle) ne peuvent présenter au pays quelque chose d’aussi atroce que d’interrompre la vie à six mois de la gestation ».
Colombie en bref 2 : La Colombie membre de l’OTAN
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Commentaires de Lucho
Les médias internationaux présentent en général une Colombie ouverte et progressiste que la réalité sur le terrain dément. Ivan Duque et l’oligarchie colombienne défendent un conservatisme à la sauce économique néolibérale, dans un pays, premier producteur de cocaïne au monde, auquel les États-Unis veulent bien passer tous les caprices en échange de son appui…