SECOND TOUR DES ÉLECTIONS MUNICIPALES AU BRÉSIL : LA DROITE GAGNE, BOLSONARO VEILLE Le président Lula contraint à la défensive

You are currently viewing <span class="entry-title-primary">SECOND TOUR DES ÉLECTIONS MUNICIPALES AU BRÉSIL : LA DROITE GAGNE, BOLSONARO VEILLE</span> <span class="entry-subtitle">Le président Lula contraint à la défensive</span>
Image par José Augusto Camargo de Pixabay.

Le 27 octobre, une partie des Brésiliens se rendait à nouveau dans les bureaux de vote des communes ou capitales de région pour élire les candidats qui ne l’avaient pas été dès le premier tour. Ce dernier avait placé le 8 octobre dernier la droite et l’extrême droite bien devant la gauche, tandis que le PT (parti de Lula) marquait un net repli. Le second tour confirme ces tendances et l’élection de Donald Trump aux États-Unis n’a fait qu’amplifier la joie des droites brésiliennes et assombrir les perspectives 2026 du côté Lula…

Coup d’œil sur les résultats en chiffres et par partis 

Les partis de droite arrivent en tête : avec le PSD(1)Parti Social-Démocrate. (887 élus), le MDB(2)Mouvement Démocratique Brésilien. (856), le PP(3)Parti Progressiste. (745), UNIAO(4)Union Brésil. (583) et le PSDB(5)Parti Social-Démocrate Brésilien. (273), ils totalisent 3 344 mairies. Ils sont suivis par l’extrême droite avec le PL(6)Parti libéral. de Bolsonaro (515) et REP(7)Républicains. (433), pour un total de 948 mairies. La gauche arrive ensuite avec PSB(8)Parti socialiste brésilien. (309), le PT(9)Parti des travailleurs. (252) et le PDT(10)Parti démocratique travailliste. (150), soit 711 mairies. Les droites remportent donc à 4 292 contre 711 à gauche. Le centre représenté par Avante(11)En Avant. (136) et Pode(12)Podemos-Nous pouvons. (127), puis plusieurs partis de gauche (dont le PC brésilien), du centre et de droite se partagent 235 mairies sur tout le territoire.

Avec cet énorme nombre de villes remportées, la droite et l’extrême droite assoient confortablement leur assise politique à travers le pays, en captant des voix qui allaient traditionnellement au PT jusque dans son fief du Nordeste.

En ce qui concerne les capitales des 26 régions du pays, 11 maires avaient été élus lors du premier tour ; une seule, Recife, revenait à la gauche avec le maire sortant PSB appuyé par Lula. Après le second tour, les forces en présence sont les suivantes : à droite le MDB (5 capitales, dont Sao Paulo), le PSD (5), Uniao (4), PP (2) Pode (2), Repub (1) ; Extrême droite PL (4), au centre Avante (1) ; à gauche PT (1), et PSB (1).

Si la représentativité de la gauche dans l’ensemble des municipalités du pays n’atteint même pas 1/5ème, la situation est pire encore s’agissant des capitales régionales. Le PT arrive à sauver in extremis une capitale, Fortaleza, dans le Ceará, avec un écart de seulement 0,75 % sur un candidat du parti bolsonariste. Une seule capitale gagnée sur 26 ! Le bilan du parti de Lula est bien maigre.

Comment lire ces résultats ?

Plusieurs enseignements sont à tirer, dans la perspective des élections présidentielles de 2026, et dans un décor international où Donald Trump arrive à la Maison-Blanche.

Les droites 

Le second tour de l’élection confirme l’ancrage de la droite et de l’extrême droite dans le pays, y compris dans des secteurs considérés jusqu’ici comme des « terres » du PT. Or, ce test électoral intervient deux ans seulement après le coup de force manqué du 8 janvier 2022 des partisans de Bolsonaro contre les institutions du pays. Au moment des faits, les présidents du Sénat (de droite) et de l’assemblée (de droite) avaient été obligés de condamner cette aventure calamiteuse qu’approuvait leur ami et soutien Jair Bolsonaro, condamné depuis à huit ans de non-éligibilité.

On aurait pu penser que la droite y perdrait son influence, mais non ! On dirait même que les soucis de Bolsonaro ont donné un certain tonus aux candidats de droite. Dont certains se sont d’ailleurs émancipés, comme on l’a vu pour le candidat à la mairie de Sao Paulo (le plus grand réservoir de votes du pays) qui a remercié de son appui le gouverneur de droite Tarcisio Ferreira, candidat potentiel à l’élection présidentielle en 2026, plutôt que l’ex-président Bolsonaro.

L’attitude du maire de Sao Paolo reflète bien ce qui ressort de ce scrutin municipal, avec une droite plus sure d’elle, qui croit en ses propres chances avec ou sans Jair Bolsonaro. Une droite désormais à la tête de villes très importantes comme Sao Paulo, on l’a vu, mais aussi Curitiba, Porto Alegre, Belo Horizonte dont les régions sont également gouvernées à droite. Une droite qui s’est donné les moyens d’affronter les futures échéances, mais dont le nombre de prétendants à la présidence constituera peut-être un problème.

Pour sa part, Bolsonaro joue la force tranquille. Il intervient ici ou là, soutient tel candidat, mais pas tel autre, se croit « faiseur » de rois, et très souvent les heureux élus font mine de le croire aussi. Mais chacun à droite attend de voir si la non-éligibilité de Bolsonaro sera maintenue ou levée. Pour l’heure, c’est un chef de clan qui veille sur ses fils (4), tous engagés en politique, et sur ses propres intérêts…

A gauche 

La bataille pour la ville de Sao Paulo est symbolique de ce qui arrive au PT dans le pays. 

Lula est intervenu à plusieurs reprises dans la campagne lors du premier tour, multipliant les prises de parole dans les meetings du candidat unitaire Guillermo Boulos (PSOB, parti socialiste, etc.). Boulos est connu à Sao Paulo dont il est député, très implanté, très proche des milieux populaires et des milieux associatifs. Or, il perd avec presque 20 % d’écart (40,65 % des voix contre 59,35 % au gagnant Nunes). Le « miracle Lula » n’a donc pas fonctionné…

Lors de l’élection présidentielle en 2022, Lula l’emporte, sur le fil du rasoir, mais l’emporte, et cela fait oublier à certains que depuis 2013 (date des premières manifestations contre Dilma Roussef), le PT a entrepris une descente vertigineuse. 2014, c’est le début des accusations de corruption ; 2016 la destitution de la présidente PT Dilma Roussef (pourtant élue confortablement en 2015) ; 2018 l’emprisonnement de Lula puis l’élection de Bolsonaro. 

C’est donc depuis 2013 que le PT devient un parti largement rejeté par la classe moyenne et supérieure, qui lui reproche la corruption, élément moteur selon elle de la crise économique. Le PT se rend compte un peu tard que l’exercice du pouvoir (2002-2016) l’a coupé de sa base, une base constituée de syndicalistes, de mouvements associatifs, de militants. Il est devenu un parti comme les autres, un parti de bureaucrates et de professionnels de la politique sans âme.

Les militants du PT qui quadrillaient les villes, même les plus reculées, ont été remplacés par les évangélistes, les seuls à assurer une présence quotidienne dans les quartiers et les villages de campagne. Or, toutes ces petites mains évangélistes sur le terrain servent au final Bolsonaro. L’exercice du pouvoir a anéanti en partie le réseau militant du PT, et les élus demeurent sans les maillons essentiels pour gagner une élection : les militants à la base.

Ajoutons à ce tableau peu encourageant la faiblesse d’une relève qui se fait attendre, ce qui pousse Lula à dire : « en 2026, je ne veux pas me présenter sauf s’il n’y a personne ». Or pour l’instant, on ne voit pas qui pourrait se substituer à lui !

Les perspectives sont claires 

Les droites abordent les prochaines échéances fortes de leurs victoires et de leur ancrage, dans toutes les régions du pays. Le bilan pour la gauche n’est pas satisfaisant, qui rappelle qu’avec 88 députés sur 545 à l’Assemblée nationale, elle n’est qu’une force politique noyée parmi tant d’autres, que si le chef de gouvernement est, certes, issu du PT, il est à la tête d’une très large coalition, nettement plus à droite qu’au centre droit.

Le prochain congrès du PT, en juin 2025, s’annonce difficile : quelle stratégie pour reconquérir une base qui les fuit depuis maintenant 10 ans ? D’autant plus que le gouvernement doit revoir sa copie budgétaire à la baisse et couper dans les dépenses sociales, de quoi mécontenter une large proportion de l’électorat petiste qui est resté fidèle.

Le Brésil a porté Lula à la présidence de la République, mais le Brésil n’a pas élu le PT au pouvoir.

Commentaires

Ces élections municipales coïncident avec la victoire aux Etats-Unis de Donald Trump, ce « héros » que le soldat Bolsonaro a voulu imiter en 2022 en contestant l’authenticité du résultat de l’élection brésilienne. Moins futé que son mentor, il a écopé néanmoins de huit ans d’inéligibilité.

Lula aurait préféré, et il n’a pas hésité à le dire, que Kamala Harris soit élue. Or c’est Trump qui arrive à la Maison-Blanche, de surcroît avec l’appui de Elon Musk qui a récemment mordu la poussière au Brésil (X condamné à une interruption de diffusion de plus d’un mois puis à une très forte amende pour ne pas avoir retiré du réseau de « fausses informations »).

Une délégation de cinquante bolsonaristes se déclare prête à voyager à Washington pour l’investiture, mais sans Bolsonaro, dont le passeport reste propriété du tribunal suprême électoral…

Les droites brésiliennes confortent leur domination lors de ces élections municipales et rêvent, avec l’arrivée de Donald Trump, à une victoire, enfin, contre « l’invincible » Lula.

Notes de bas de page

Notes de bas de page
1 Parti Social-Démocrate.
2 Mouvement Démocratique Brésilien.
3 Parti Progressiste.
4 Union Brésil.
5 Parti Social-Démocrate Brésilien.
6 Parti libéral.
7 Républicains.
8 Parti socialiste brésilien.
9 Parti des travailleurs.
10 Parti démocratique travailliste.
11 En Avant.
12 Podemos-Nous pouvons.