Sur le front de la guerre en Europe, ces six dernières semaines (septembre et début d’octobre) ont été marquées par l’accélération et la radicalisation du conflit russo-ukrainien. Et on peut noter également l’augmentation de l’implication occidentale, d’ailleurs parfaitement assumée, aux côtés de l’Ukraine. Aucune alternative à une guerre conventionnelle meurtrière n’émerge, car, d’une part l’Ukraine et l’OTAN pensent pouvoir gagner et d’autre part la Russie ne veut absolument pas perdre, car la chute du régime s’ensuivrait. La situation fait penser à une sorte de « couloir étanche », sans perspective de négociation internationale, sans même un espoir de cessez-le-feu. Il n’est question que « d’offensive décisive » pour le président ukrainien, ou de « défense implacable de la Russie éternelle » pour le président Poutine. Le jeu stratégique est totalement fermé, le type même de configuration qui a abouti dans le passé aux pires massacres de l’histoire européenne.
Quatre événements se répondant se sont enchaînés depuis fin août : l’offensive militaire ukrainienne, la mobilisation partielle décrétée par Poutine, l’absorption des quatre provinces ukrainiennes (Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhia) à la nation russe, et enfin le sabotage par une mystérieuse puissance étatique des gazoducs Nord Stream 1 et 2.
Poutine n’agit pas, il réagit
Poutine est sur la défensive : il n’agit pas, il réagit et choisit de surcompenser une situation militaire critique par une escalade politico-stratégique. Car l’armée russe ne se remet pas de sa défaite de mars-avril. On ne compense jamais une faiblesse intrinsèque sur le champ de bataille par une escalade politique, c’est une constante dans l’histoire universelle des guerres. Or, Poutine augmente les enjeux sans que cette augmentation ait, pour le moment, la moindre efficacité tactique sur le terrain. À ce jeu, il lui reste l’option nucléaire…
Signe d’un danger catastrophique imminent, Biden et l’administration américaine en tiennent soudainement compte : le 6 octobre, le président des États-Unis a déclaré très clairement que Poutine ne bluffait pas et qu’une « apocalypse atomique » était possible pour la première fois depuis la crise de Cuba en 1962. Fait nouveau, la Maison Blanche commence enfin à poser le problème comme il doit l’être en déclarant à propos du président russe : « Comment peut-il s’en sortir ? Comment peut-il se positionner de façon à ni perdre la face, ni perdre une portion significative de son pouvoir en Russie ? » Est-ce le signe d’un début de négociation et d’une désescalade ? Car Washington serait en mesure de retenir la poussée sur le terrain afin de ne pas pousser Poutine dans ses derniers retranchements ? Espérons-le, car il s’agirait de la seule lueur d’espoir dans un environnement bien sombre. Mais ne prenons pas trop nos désirs de paix pour la réalité objective de la marche vers une guerre totale qui pourrait aussi être portée par un autre scénario catastrophe : l’intervention de l’Alliance atlantique en territoire russe. Dans ce dernier cas, on ne saurait prédire quelle serait la réponse de la Chine…
Mais revenons dans un premier temps sur le fait premier et qui détermine l’évolution de la guerre depuis huit mois, à savoir la faiblesse militaire intrinsèque de Moscou. Rappelons que ReSPUBLICA avait pointé dès mars dernier les carences de l’armée russe.
Nous analyserons dans un second temps les conséquences en termes de menace, y compris nucléaire, de cet état de fait.
Un constat d’inadaptation de l’armée russe aux conflits du XXIe siècle
La guerre est un révélateur de l’état industriel et technologique d’un pays dans son époque… Et visiblement la Russie est hors du temps !
Sur le plan technico-militaire, Moscou subit une série de fiascos depuis huit mois. Nous constatons en premier lieu un monumental échec du renseignement général comme du renseignement militaire, domaines où pourtant l’ex-URSS excellait. Ni l’état d’esprit de résistance du peuple ukrainien ni la formation d’une armée high-tech par ce pays n’ont été correctement estimés. La formation depuis 2014 de plus de 100 000 soldats ukrainiens par l’OTAN et la livraison massive de missiles sol-sol anti-char et sol-air de dernière génération n’ont pas été réellement prises en compte. De même, la livraison de centaines de drones « tueurs de chars » par la Turquie, membre de l’OTAN, a été ignorée. Il en va de même pour la fourniture à l’Ukraine de missiles de haute précision qui ont causé la destruction du centre de commandement russe sur le front, entraînant la mort de dizaines de généraux et de colonels d’état-major. La qualité du renseignement de l’Alliance atlantique a été manifestement sous-estimée. Les frappes sur les stocks de munitions russes et les points de regroupements logistiques en sont la preuve.
Par ailleurs, la suprématie aérienne n’a jamais été le fait de la Russie, ni sur le plan de la « guerre dronique » anti-colonnes blindées, ni même sur l’appui au sol ou le repérage et la destruction de l’artillerie ukrainienne. Cette dernière, de son côté, est devenue de plus en plus sophistiquée du fait des livraisons des pays occidentaux. En fait, l’armée russe ne contrôle pas l’espace aérien du champ de bataille et est aveugle aux mouvements du corps de bataille ennemi.
Sur le plan politico-militaire, c’est à l’avenant. Poutine s’est engagé dans une bataille, le 24 février dernier, sans réellement vouloir faire la guerre. Selon lui, il s’agissait d’une « opération spéciale », avec un corps d’armée minuscule, moins de 120 000 hommes, c’est-à-dire des effectifs égaux ou même inférieurs aux effectifs défensifs de l’armée ukrainienne ! Poutine et son état-major ont fait fi des ratios habituels voulant que l’armée attaquante soit 3 à 4 fois supérieure en nombre à l’armée défensive qui, elle, connaît le terrain et bénéficie de lignes de communication logistiques plus réduites. En fait, l’état-major russe a fait le pari d’un effondrement politique de l’Ukraine en trois jours et n’avait en réalité pas d’autre option en dehors de ce va-tout.
Ainsi, depuis la débâcle de l’offensive sur Kiev en mars-avril, Poutine court après sa guerre, mais toujours avec un temps de retard. L’achat en catastrophe de drones iraniens, par ailleurs assez rustiques par rapport aux modèles occidentaux, israéliens ou même turcs, en est une parfaite illustration. Ces nouveaux équipements ne freinent en rien les attaques ukrainiennes, ni dans la région de Karkiv ni sur le front sud du côté de Kherson. Ces drones sont simplement employés pour des raids en profondeur, et remplacent les missiles hypersoniques dont la Russie a usé sans véritable utilité tactique et sans impact réel sur le champ de bataille proprement dit.
Un état-major russe de guerre civile du XXe siècle
Mais qui sont les hommes qui commandent l’armée russe ? Comment la sélection des principaux généraux a-t-elle été effectuée au cours des 25 dernières années ? Là est certainement le nœud du problème. En fait, l’état-major russe en place le 24 février 2022 est la résultante d’une lente sélection humaine lors des guerres de Tchétchénie et de Syrie entre les années 90 et jusqu’à aujourd’hui. La carrière des officiers supérieurs russes s’est construite à Grozny ou à Damas. Or, il s’agissait de guerres civiles non technologiques, de guerres d’un autre temps, de guerres du début du XXe siècle si l’on peut user de cet anachronisme. La sauvagerie des combats fut certes terrible, mais le niveau des armements sur champ de bataille fut extrêmement archaïque. On peut même parler de « guerres régressives » tant le niveau et la qualité des personnels combattants et du matériel ont été médiocres. Ainsi le corps des officiers supérieurs russes s’est formé sur une aberration militaire : des guerres que l’ennemi ne peut gagner, car ne disposant pas d’une cohérence opérationnelle sur le champ de bataille.
Devant l’évidence, devenue publique en Russie, de l’incohérence de l’état-major, Poutine a décidé de changer de chef des armées sur le terrain. « Le général d’armée Sergueï Sourovikine a été nommé commandant du groupement combiné de troupes dans la zone de l’opération militaire spéciale », a annoncé le ministère de la Défense le 7 octobre à Moscou. Mais, la carrière de ce général est exactement la même que celles de ses collègues, c’est-à-dire les « guerres archaïques » que nous citions plus haut. « Cet officier de 55 ans est un vétéran de la guerre civile au Tadjikistan dans les années 1990, de la deuxième guerre de Tchétchénie dans les années 2000 et de l’intervention russe en Syrie lancée en 2015 »… Tout est dit !
Ce corps des officiers supérieurs n’a absolument pas tenu compte des évolutions des techniques de guerre. Pourtant, ils étaient aux premières loges en Syrie : ils ont pu observer les conflits entre Israël et le Hamas ou le Hezbollah où l’aspect technologique et numérique a pris progressivement tout l’espace guerrier, et cela depuis au moins 2008 et l’opération « plomb durci » à Gaza ! Ces officiers bornés auraient pu aussi méditer la leçon de la défaite de l’armée arménienne il y a deux ans : ses tanks ont été liquidés en quatre jours par les drones azéris fournis par Israël et la Turquie et ce à la porte de la Russie ! « Il n’y a pas de plus aveugle que celui qui ne veut voir », ce dicton populaire s’applique parfaitement à ce corps militaire vieillissant et obtus. A l’heure de l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans la tactique guerrière, l’armée russe se comporte comme à l’été 1968, l’époque à laquelle les armées du Pacte de Varsovie envahissaient la Tchécoslovaquie.
Une mobilisation partielle et insuffisante pour une guerre toujours non déclarée
La conséquence de l’incompétence des officiers supérieurs russes a été la perte de milliers d’hommes, voire de dizaines de milliers, et de matériels terrestres et aériens considérables, en particulier en mars-avril derniers. Les morts et les blessés graves ont saigné le tout petit corps de bataille de 120 000 hommes de « l’opération spéciale ».
Poutine n’avait donc plus le choix : il lui fallait mobiliser en urgence. Les médias parlent d’une « mobilisation partielle de 300 000 hommes ». Pourtant le président russe n’a pas prononcé ce chiffre qui a été indiqué par un responsable du ministère russe de la Défense. Toutefois, d’après des sources étrangères, israéliennes en particulier, il semble bien que l’on s’oriente vers la mobilisation progressive d’un demi-million d’hommes dans les six mois. Cette mobilisation importante peut-elle permettre une contre-offensive russe en décembre ou janvier prochains ? Il est permis d’en douter, car comment équiper ce nouveau corps de bataille en chars d’assaut, véhicules blindés, artilleries, missiles sol-sol ou air-sol ? Sans parler de l’aviation qui a subi des pertes importantes, des drones à renouveler, etc.
A la croisée des options stratégiques
Une recréation mythique de la « Sainte Russie éternelle » pour justifier l’usage de l’arme atomique
Une « révolution culturelle » de l’armée russe ne se décrète pas et prendrait, de toutes les manières, plusieurs années. Or Poutine manque de temps face aux offensives coordonnées de l’Ukraine sur plusieurs fronts, supervisées par l’OTAN. En conséquence, le maître du Kremlin a décidé de solidariser quatre régions ukrainiennes, Donetsk, Louhansk, Kherson et Zaporizhzhia, à la Russie.
Après des référendums bâclés en un week-end, sans aucune supervision internationale sérieuse des résultats, ces quatre territoires auront ainsi le même « destin » que la « Russie éternelle ». Et pour garantir la pérennité historique de cet ensemble national unitaire, un arsenal nucléaire de plusieurs milliers de bombes atomiques est disponible en dernière instance.
Ainsi, dès ce mois d’octobre, le Kremlin pourrait disposer d’un argument pour utiliser le feu nucléaire, puisque la Russie est « envahie » dans ses provinces septentrionales du Donetsk, de Louhansk et de Kherson ! Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce stratagème politique est un peu grossier. Surtout, il obligerait, au pire, la Russie à engager encore une fois l’action agressive, comme le 24 février dernier, date de l’invasion de l’Ukraine. C’est la Russie qui lancerait éventuellement l’arme atomique en premier, et non l’OTAN.
Visiblement, Poutine est un mauvais joueur d’échecs : en effet, celui qui manœuvre en premier sur l’échiquier s’expose à être contré s’il n’emploie pas tous les moyens à sa disposition pour soutenir son offensive éclair, c’est-à-dire pour la guerre nucléaire le bombardement stratégique des villes européennes et américaines. Or, Poutine ne peut le faire, en tout cas dans un premier temps. Il ne peut donc que se contenter d’une « guerre atomique tactique », avec des bombes à faible puissance. En fait, il se remettrait exactement dans la même disposition tactique que pour son « opération spéciale », c’est-à-dire une guerre nucléaire sous-dimensionnée, susceptible d’être immédiatement contrée par l’adversaire… Errare humanum est, perseverare diabolicum !
En embuscade, l’OTAN ferme le jeu… et peut-être même aussi les gazoducs
Indéniablement, l’Alliance atlantique a marqué des points depuis le mois d’août. Les armes de dernières générations ont rempli leur office, biens employées par les Ukrainiens, mais aussi les « volontaires étrangers ». En effet, les réseaux sociaux fourmillent de vidéos de soldats lituaniens, polonais, suédois, américains, français… combattant sous l’uniforme de l’Ukraine. Il semble que cette « légion étrangère » ait été en première ligne lors des offensives de Karkiv à l’est et Kherson au sud. Combien sont-ils sur le champ de bataille ? Des milliers c’est sûr, voire des dizaines de milliers. Aucune source indépendante ne peut fournir de chiffres précis, l’information de guerre étant aujourd’hui bridée aussi bien en Russie qu’en Occident. Nous ne connaîtrons donc pas la nationalité des servants des canons Caesar fournis par la France ! Mais, il est certain que ces « professionnels » font la différence, surtout dans une guerre high-tech qui exige une longue formation et une parfaite maîtrise des armes sophistiquées.
Pour l’heure, l’OTAN mène la danse sur le plan de la guerre conventionnelle, bloque les marges de manœuvre ou de chantage des Russes et se positionne pour une éventuelle guerre nucléaire « réactive ». C’est dire la dangerosité de la situation ! Aucune force politique ne s’oppose le moins du monde, ni en France, ni en Italie, ni en Allemagne, à la marche vers la guerre totale en Europe.
Chez nous, les va-t’en guerre qui poussent au conflit nucléaire sans le dire sont présents aussi bien dans les médias que dans l’extême gauche « campiste » (« les ennemis de mes ennemis sont mes amis »).
L’OTAN défend l’Occident, c’est-à-dire le capitalisme occidental, englué depuis 2007-2008 dans une crise inextricable. Or, pour ce dernier, le 24 février a été le jour d’une « divine surprise », la guerre en Europe, en provoquant une hyper inflation, engendrant un gigantesque déplacement de richesse des foyers européens vers les monopoles capitalistes qui accumulent des surprofits stupéfiants grâce à une spéculation effrénée.
Allons jusqu’au bout du raisonnement de manière cynique : une guerre totale avec un engagement limité d’armes atomiques aurait pour effet, par la stupeur et la peur qu’elle provoquerait, de totalement anesthésier les populations et d’empêcher toute lutte de classe, en tous les cas dans un premier temps !
L’Europe ou la passivité pour raison d’être
L’Europe se comporte en figurant de la scène européenne. Pourtant, son rôle devrait être central (voir ReSPUBLICA : https://www.gaucherepublicaine.org/editorial/leurope-lunion-europeenne-et-la-guerre-en-ukraine/7430954?amp=1).
Pour illustrer la passivité européenne actuelle, il suffit de souligner la situation ubuesque et digne du « théâtre de l’absurde » du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 par des charges explosives placées sur les tubes gaziers par 70 mètres de fond, sans même parler de la couverture médiatique digne d’un conte pour enfants. Qui est responsable du sabotage ? Bien sûr, impossible de le dire avec certitude. D’ailleurs, les propriétaires européens de ces gazoducs, dont la construction a nécessité des investissements monstres, ne semblent pas pressés d’activer l’enquête pour débusquer le coupable. Le profil du « saboteur » est pourtant clair : il s’agit forcément d’une puissance étatique disposant de sous-marins et de robots téléguidés capable de poser les charges explosives. Or, qu’est-ce que la mer Baltique ? C’est une sorte de grand lac Léman. Si sa profondeur maximum est de 459 m, sa profondeur moyenne est de… 55 m ! Ces informations hyper secrètes sont à la disposition des journalistes spécialisés et des « experts » des plateaux télévisés sur Wikipedia (https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Mer_Baltique).
Bref, s’il est possible pour un sous-marin nucléaire de rester tapi au fond des océans ou sous la calotte glaciaire, ce n’est pas envisageable dans cette sorte de grand lac qu’est la mer Baltique. Les sonars actuels, comme ceux d’hier d’ailleurs, sont capables de repérer toute présence de sous-marins ou de robots, en particulier dans cette mer Baltique, mer fermée et peu profonde (exemple de documentations sonars de la société Thales dans https://www.thalesgroup.com/fr/taxonomy/term/7976). Il est sûr et certain que les marines des pays hanséatiques savent parfaitement à quoi s’en tenir à ce jour.
Poursuivons tout de même dans l’hypothèse théorique d’un sabotage russe : dans ce cas pourquoi les Occidentaux ne divulguent-ils pas les preuves des écoutes sonar ? Nous savons tous que le moindre mouvement de la flotte de Kronstadt est détectable depuis la fin des années 60. Sur un autre plan, si la marine russe est coupable, les commentaires sur le « chantage au gaz russe » que nous entendions en boucle depuis des mois ne tiennent pas debout. Il ne peut plus avoir de chantage… puisqu’il n’y a plus de gaz dans les tuyaux ! Poutine se serait-il tiré une balle dans le pied ? C’est possible, mais loin d’être certain, car la fermeture des gazoducs Russie-Europe est une aubaine pour le gaz de schiste liquéfié payable en dollars forts ! Par ailleurs, sur le plan politique, l’OTAN et les Américains ferment le jeu en rendant l’industrie allemande totalement dépendante du « bon vouloir » anglo-saxon. Donc, l’Europe se tait et espère que l’hiver ne sera pas trop rude grâce au réchauffement climatique.
Pour compenser cette passivité stratégique, l’Europe se contente d’organiser de grands shows, comme la réunion à Prague le 6 octobre dernier de la « Communauté Politique Européenne » (CPE). Les dirigeants de 44 pays de l’Europe « élargie » se sont retrouvés pour une photo de groupe et pour s’entendre dire qu’une « Europe sans la Russie (et la Biélorussie) » était possible, souhaitable et réalisable dans un proche avenir. Pour réintégrer la Russie il faudra donc se débarrasser de Poutine. Comment ? Par la guerre totale ? La question reste ouverte. Macron a peut-être eu l’idée géniale de cette assemblée, mais c’était bien le discours le plus OTAN « brut de décoffrage » qui a été infligé aux invités, par la voix de Josep Borel Fontelles, vice-président de la Commission européenne. Après cette écoute passive de la bonne parole atlantiste, les participants se sont séparés… sans communiqué commun d’aucune sorte ! Sans proposition d’aucune sorte dans l’idée de préparer des négociations ! L’Europe est bien aujourd’hui le champ de bataille… mais elle n’est pas l’actrice politique de cette guerre.
Que faire en attendant une catastrophe ?
Huit mois après le début de la guerre en Europe, celle-ci n’est toujours pas intégrée mentalement au débat politique, ni en France ni ailleurs. Bien sûr, il y a tout de même des prémisses de prise de conscience de la guerre en Allemagne ou en Tchéquie. Toutefois, majoritairement, il existe une sorte de consensus des forces politiques dans les pays européens pour voir la guerre en Ukraine comme « extérieure » à la réalité du continent. Par exemple, il est presque surréaliste de constater la quasi absence de réaction des personnalités politiques en Europe aux propos du président Biden sur le danger imminent d’une guerre atomique. Pas de commentaire, rien à dire !… Pas même un tweet ! Tout le monde semble attendre la suite des événements comme on regarde une « série catastrophe » sur son écran. Car les forces sociales n’ont aucunement conscience de la gravité de la situation. Tout est fait, d’ailleurs, pour qu’elles restent dans une sorte d’ignorance ! Or ce sont ces forces sociales qui souffriront si la guerre continue à s’étendre en Europe.
Depuis huit mois, ReSPUBLICA est l’une des rares voix qui milite constamment pour la paix, pour l’organisation d’une conférence internationale sous l’égide de l’ONU afin d’entamer une désescalade en Ukraine. Laisser les forces du Capital décider de la paix ou de la guerre, c’est s’engager vers le pire. Car comme le disait Jaurès : « Le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ! ». Sans oublier aujourd’hui l’existence d’un capitalisme monopolistique en Russie.
Nous persévérerons dans notre engagement, même si nous avons conscience d’être minoritaires. C’est bien la seule voie pour éviter la guerre conventionnelle… ou atomique. Mais pour cela, il faut qu’enfin une conscience politique émerge et permette la création d’une réponse politique pour arrêter la course vers l’abîme.