Après un an et demi de tueries en Europe, la guerre d’Ukraine risque de durer hélas encore longtemps. C’est en tous les cas ce que prévoit Jens Stoltenberg, le secrétaire général de l’OTAN, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, soutien majeur de Kiev et son principal fournisseur d’armes. En effet, celui-ci a estimé dans une interview début septembre au groupe de média allemand Funke que la guerre en Ukraine, déclenchée par la Russie en février 2022, est loin d’être terminée. Il a affirmé que « nous devons nous préparer à une longue guerre en Ukraine ». Le chef de l’OTAN a conclu son entretien par une formule de bon sens… que d’ailleurs notre journal ReSPUBLICA a déjà souvent utilisée au début de ce conflit : « La plupart des guerres durent plus longtemps que ce qui avait été prévu lorsqu’elles ont débuté ». Ce fut le cas avec la Première Guerre mondiale(1)Voir les précédents articles de ReSPUBLICA sur la guerre en Ukraine : https://www.gaucherepublicaine.org/tag/guerre-dukraine. Ainsi, nous voilà prévenus : après les centaines de milliers de morts et de blessés graves depuis 18 mois, le sang va continuer à couler à flots à l’est de l’Europe. Dans ce premier article, nous aborderons la situation du front militaire sur le plan tactique et stratégique. Dans un second article, nous analyserons ensuite la situation politique, tant au niveau européen que mondial. Mais sur l’un et l’autre sujet, militaire ou politique, il est évident que nous sommes à un tournant. La guerre s’impose de nouveau comme une réalité structurelle de moyen terme, avec son cortège de souffrances pour les peuples.
Fausses nouvelles du front, relayées en permanence par l’AFP
Mais comment y voir clair, sur le plan militaire en particulier ? En France, l’information est totalement contrôlée, officiellement par l’OTAN. Rappelons encore une fois que cette alliance atlantique n’est pas seulement une alliance militaire, mais, également, une alliance politico-militaire. En conséquence, les pays membres du « commandement intégré », auquel nous appartenons de nouveau depuis 2009 après une absence de 45 ans, doivent impérativement coordonner leur politique d’information dans le sens de la position commune de l’OTAN. Cette décision de Nicolas Sarkozy tord le cou à la stratégie gaullienne de non-alignement, stratégie soutenue en son temps par le PCF. Ainsi, l’Agence France Presse reproduit sans aucune vérification les communiqués de Kiev qui, pour certains, sont de la pure propagande de guerre, ce qui est logique et compréhensible du point de vue de l’Ukraine tout comme du côté russe. En effet, la guerre se mène à la fois sur le terrain et dans les communiqués qui font la part belle aux mensonges destinés à manipuler l’opinion. Citons deux exemples pour le seul mois de septembre :
- Le 13 de ce mois, l’AFP annonce la prise de la ville d’Andriïvka près de Bakhmout. Bien sûr, sur la foi de la crédibilité de l’agence française, tous les médias de l’Hexagone relaient l’information. Le lendemain, l’unité combattante ukrainienne de secteur a démenti l’info : l’AFP n’avait absolument pas vérifié ni recoupé cette nouvelle.
- Le 25 septembre, la même AFP annonce la mort du commandant de la flotte russe de la mer Noire, Viktor Sokolov, ainsi que de plusieurs dizaines d’officiers au cours d’une frappe de missiles sur le bâtiment du quartier général de la marine russe à Sébastopol. Cette information fait les premiers titres des quotidiens, comme Le Figaro par exemple. Deux jours plus tard, le même Sokolov revient, tel un mort-vivant, et apparaît dans un reportage de la télévision de Moscou.
Bien entendu, la machine à propagande tourne au maximum également du côté russe. Mais cela n’est pas audible ou accessible pour les citoyens français. En effet, les médias de Moscou, RT ou Sputnik par exemple, ont été interdits à la diffusion depuis un an et demi par une décision d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne. Sans reporters sur le front, les journalistes étant bloqués systématiquement à une quarantaine de kilomètres de la ligne de feu, sans reporters non plus en Crimée ou dans le Donbass, les médias se contentent de relayer, sans vérification aucune, les communiqués fantaisistes de l’état-major ukrainien. Ainsi va la presse « libre et d’investigation » française que nous chérissons tous ! C’est une pratique qui, sur le fond, tend à considérer le peuple en général comme incapable de se forger sa propre opinion. Pour cela, une presse non inféodée et diversifiée est indispensable.
L’étrange putsch de la milice mercenaire russe Wagner
En juin dernier éclatait la mutinerie de l’armée de mercenaires russes connue sous le nom de Wagner. Le moins que l’on puisse dire c’est que cet épisode est obscur, autant d’ailleurs que la mort ensuite de son chef Evgueni Prigogine et d’une partie de l’état-major de Wagner lors du crash d’un jet privé entre Moscou et Saint-Pétersbourg. La tentative de putsch n’avait donné lieu à aucune épuration ni emprisonnement immédiat de Prigogine comme la logique l’aurait voulu. Soi-disant exilé en Biélorussie, puis soi-disant en mission en Afrique pour le compte de la Russie de Poutine, il est finalement mort « vraiment » dans l’accident d’un vol intérieur alors qu’il était théoriquement interdit de présence sur le territoire russe. Tout dans cette affaire est rocambolesque, depuis la prise en otage de l’état-major russe par les troupes de Wagner à Rostov-sur-le-Don jusqu’à l’écrasement du jet de Prigogine, dont on ne sait pas s’il a été touché par un missile sol-air ou victime de l’explosion d’une bombe placée à bord. En juin, à Rostov, l’état-major, officiellement pris en otage, avait l’air de « s’en foutre totalement » sur les images vidéo, et semblait considérer la situation insurrectionnelle comme un vaudeville… étrange attitude !
De multiples questions sans réponse
Les questions sans réponses s’amoncellent. Ce « show médiatique » est-il un coup monté de Poutine pour dissuader toute future rébellion dans l’armée ? Quelles étaient les relations entre l’OTAN et Prigogine ? Celui-ci a-t-il été tué par Poutine, ce qui paraît une évidence, ou par des services occidentaux présents sur le territoire russe ? Il est pour le moment impossible de se faire une opinion. Cela illustre le fait que nous devons nous habituer à ne rien savoir et à ne rien comprendre sur un événement contemporain. La rébellion kafkaïenne de Wagner servira certainement d’étalon pour le « théâtre de l’absurde » de la guerre moderne.
Les limites du mercenariat généralisé russe et ukrainien
Plusieurs observateurs de la guerre en Ukraine considèrent à juste titre que la nouveauté de ce conflit se traduit par la présence massive de mercenaires des deux côtés de la ligne de feu. Ce n’est pas la première fois que les « chiens de guerre », comme on appelait les mercenaires il y a encore quelques années, pullulent. Déjà en Irak et en Afghanistan, les armées privées américaines telles que Black Water ou Mozart représentaient des effectifs largement supérieurs à ceux des armées conventionnelles « publiques ». Comme nous l’avons déjà écrit dans ReSPUBLICA, il s’agit d’une tendance de fond, d’une « privatisation » de la guerre qui génère des profits colossaux pour ces sociétés « d’affreux », autre nom des mercenaires, ainsi que pour les fonds d’investissement qui misent sur la guerre génératrice de montagnes de cash ou de liquidités.
Il est vrai tout de même que la guerre en Ukraine constitue un saut quantitatif et qualitatif dans l’implication des « condottières » modernes et de leurs troupes. En Ukraine, presque toutes les officines « vautours de guerre » sont présentes en grand nombre, américaines bien sûr, mais aussi anglaises, sud-africaines, polonaises, canadiennes, scandinaves… c’est la foire aux sociétés de sécurité reconverties dans la guerre. Le 13 avril, dernier, France Inter diffusait un reportage sur les centaines de mercenaires colombiens présents sur la ligne de feu du Donbass(2)Écouter ici : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-jeudi-13-avril-2023-5644713. Leur paye mensuelle ? 3000 euros par mois ! Une véritable fortune pour un Colombien. Qui règle la note ? L’OTAN ? Le gouvernement ukrainien ? Nulle enquête journalistique n’a abordé ce sujet délicat. Il est cependant à peu près certain, d’après les données dont nous disposons, qu’une partie importante, voire majoritaire, des membres de la « légion étrangère » ukrainienne soit en fait constituée par des mercenaires rémunérés grassement. Que font-ils ? À quelles tâches militaires sont-ils employés ? En fait, à peu près à toutes : formation au combat, logistique, mais aussi troupes d’assaut, conduite de transport de troupes et de véhicules blindés. Les Russes affirment, sans fournir de preuves absolues, que certains équipages de chars sont composés de mercenaires polonais. C’est possible étant donné le déficit criant de personnels ukrainiens qualifiés dans la cavalerie blindée. Les sommes d’argent nécessaires à la paye mensuelle de cette armada sont monstrueuses, ce qui explique quelques retards de règlements de salaire. Cette situation a entraîné récemment des mouvements d’humeur et une quasi-grève de mercenaires conducteurs d’engins réclamant leur dû et refusant d’en faire plus tant que la paye n’était pas versée.
Ainsi en Ukraine, le mercenariat n’est pas un élément de détail, mais un acteur principal, et c’est là tout le problème. Car que veut un mercenaire ? Sa paye pour jouir de la vie, mais certainement pas mourir sur la ligne de feu du Donbass pour une terre qui n’est pas la sienne. La morne plaine ukrainienne ne signifie rien pour un Colombien, un Salvadorien ou un Sud-Africain, seul l’argent compte.
L’Ukraine manque toujours de bras pour tenir les fusils
Cette présence massive des « affreux » de chaque côté de la ligne de front est, comme nous le disions plus haut, le résultat de la « privatisation » de la guerre, mais aussi du manque de bras pour tenir les fusils. Ce problème est particulièrement criant en Ukraine. Comme nous l’avons déjà signalé dans nos articles sur cette guerre en Europe, l’Ukraine est un « petit pays » au niveau de sa population. Le chiffre de 43 millions d’habitants est le résultat d’un recensement vieux de plus de trente ans. Un sondage téléphonique en 2019 avait signalé une population tournant autour de 36 millions. Si l’on soustrait à ce chiffre 8 millions de réfugiés depuis février 2022, nous arrivons à un chiffre aux alentours de 28 millions d’Ukrainiens… devant affronter la Russie ennemie dotée d’une population de 144 millions. C’est dire la disproportion dans un contexte de guerre d’usure.
Pour faire face aux pertes sur le front, le gouvernement ukrainien fait feu de tout bois pour recruter de nouveaux soldats. Mais les contrôles surprise des jeunes hommes dans les rues de Kiev ou d’ailleurs, les appels à la délation pour débusquer les « planqués » ne suffisent plus. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a annoncé au milieu du mois d’août le limogeage de tous les responsables régionaux chargés du recrutement militaire pour y déraciner un système de corruption permettant notamment à des conscrits d’échapper à l’armée. Ils ont été remplacés par des responsables blessés au front, gage que ces nouveaux « sergents recruteurs » devraient se montrer impitoyables pour réintégrer dans le service actif les « exemptés » de complaisance.
Mais Zelensky est contraint d’aller encore plus loin pour casser la corruption généralisée qui entraîne le départ d’Ukraine de nombre de jeunes hommes vers les pays limitrophes. Ainsi, le président ukrainien a limogé son ministre de la Défense, Oleksi Reznikov qui a remis sa démission au Parlement début septembre. Ce dernier était fragilisé par plusieurs scandales qui ont secoué son ministère depuis un an : des commissions disproportionnées sur l’achat de munitions, des produits alimentaires surfacturés ou encore des treillis achetés à prix gonflés. Un milliardaire, Ihor Kolomoïsky, a aussi été placé en détention pour fraude et blanchiment. À signaler pour la petite histoire que cet oligarque avait financé la campagne électorale victorieuse de Zelensky ! Bref, tout est fait à Kiev pour recruter et former de nouveaux régiments. Mais peut-on en quelques semaines vaincre une corruption qui imprègne totalement le corps social de l’Ukraine depuis des décennies ? Cela est un défi pratiquement impossible à relever en une courte période. En 2023 et 2024, l’OTAN devra « faire avec » la corruption et fournir les supplétifs mercenaires nécessaires pour tenir la ligne de front.
La cavalerie ukrainienne ne peut sonner la charge et percer les lignes
Mais venons-en à l’événement principal de cet été, c’est-à-dire la fameuse contre-offensive ukrainienne. Alors même que toute attaque militaire à l’est de l’Europe doit historiquement débuter fin mai ou début juin pour profiter pleinement de la saison chaude, l’offensive de Zelensky a été repoussée en juillet, donc trop tard pour « dérouler » une action militaire conquérante dans cette zone climatique. Tous les commentateurs s’accordent sur un point : cette contre-offensive ukrainienne est pour le moins poussive, la superficie des territoires repris aux Russes est limitée à quelques kilomètres carrés sur l’ensemble du front.
Pourquoi cet échec ? Il n’est pas dû, comme on l’entend souvent de la bouche d’experts autoproclamés, à la présence de fosses antichars et de champs de mines gigantesques. Ces dispositifs défensifs fort prévisibles sont très anciens, datant de la fin de la Première Guerre mondiale… c’est-à-dire de plus d’un siècle ! De plus, aujourd’hui les « drones anti-mines » peuvent repérer et détruire les mines en question et dégager assez vite un corridor d’attaque. Non, si l’Ukraine ne peut percer les lignes de défense russes, c’est qu’elle ne dispose pas de la force blindée capable de mener l’opération.
Aujourd’hui, l’ennemi du char, c’est le missile antichar… Les escadrons blindés russes en savent quelque chose, eux qui se sont fait tailler en pièces devant Kiev en février et mars 2022. Ces missiles sol-sol sont tirés par des fantassins, des hélicoptères, des avions, mais surtout de nos jours par des drones. Ainsi, dans le dispositif actuel du champ de bataille, une cavalerie blindée ne peut percer les lignes ennemies que si, et seulement si, elle dispose en fer de lance de chars équipés de systèmes antimissiles… et l’Ukraine n’en a pas ! Pour illustrer, prenons les caractéristiques décrites ce mois-ci par le fabricant du dernier char de combat israélien « Merkeva Barak » dont la livraison à Tsahal vient de commencer : « les chars Barak comprennent également un système de défense avancé contre les missiles, le dispositif Iron Fist, développé par Rafael, qui est actuellement déployé sur les anciens modèles du char Merkava et les véhicules blindés de transport de troupes (VBTT) Namer. Le dispositif Iron Fist (Windbreaker) est constitué d’un système de détection radar qui repère les missiles entrants et prédit leur trajectoire, ainsi que de lanceurs qui tirent des billes de métal semblables à des plombs, ce qui fait exploser le missile ou la roquette entrant à distance du char. ». Quelques pays au monde développent ce type de technologie, mais aucune fourniture à l’Ukraine n’a été effectuée à ce jour. Sans ce dispositif, il est matériellement impossible à un char d’être autre chose qu’un cercueil sur chenilles. Donc pour le moment, la contre-offensive ukrainienne est vouée à l’échec.
L’OTAN fournit à l’Ukraine du matériel militaire lourd hors d’âge
Plus généralement sur le plan de la fourniture d’armes à Kiev, nous observons un véritable paradoxe : autant le matériel militaire léger fourni est high-tech et de dernière génération, autant le matériel lourd est obsolète. Qu’est-ce qui a vaincu les colonnes blindées russes l’année dernière ? Des missiles antichars, des drones, des missiles sol-air anti-aéronefs, tout cela soutenu par une protection électronique de contre-mesures et de brouillages. Il s’agissait en quelque sorte d’une « guérilla high-tech ». Or, aujourd’hui l’OTAN livre à l’Ukraine des chars Léopard 2 ancienne génération, des chars Abraham, des avions F16… que des engins dont la conception remonte au minimum à 30 ou même 40 ans ! Les armées européennes et américaines déstockent des « antiquités » prenant la poussière dans des dépôts d’armes au rebut !
L’avion F16 dont on promet la fourniture à l’armée de l’air de Kiev a connu son vol inaugural le 15 juin 1984, c’est-à-dire il y a près de quarante ans. Bien sûr, des mises à niveau et des modernisations ont été réalisées sur cet aéronef, mais les F16 qui seront livrés à l’Ukraine seront uniquement les vieux modèles. La Pologne, par exemple, échange ses vieux F16 qu’elle livre à l’Ukraine contre des avions de dernière génération que lui livrent les États-Unis en compensation… bref, avions d’un autre âge contre avions dernier cri ! Avec ce type de matériel, il est impossible que l’armée ukrainienne rattrape son retard, en particulier aérien, sur l’armée russe. Les seuls matériels lourds « modernes » sont des canons de tir de précision du type du Caesar français ou des missiles de moyenne portée pouvant toucher une cible à moins d’un mètre près. L’Ukraine est livrée également en drones marins qui s’avèrent également redoutables pour la marine russe de la mer Noire. Toutes ces armes sont efficaces pour frapper un centre de commandement ou un objectif logistique de première importance, mais elles restent défensives sans permettre de soutenir une percée victorieuse. D’où la stabilisation du front avant l’hiver.
L’armée russe s’adapte
Concluons cette première partie avec justement l’adaptation de l’armée russe. Elle revient de loin, car elle a subi, comme nous le disions plus haut, une défaite frontale en février et mars de l’année dernière devant la capitale ukrainienne(3)Voir cet article de ReSPUBLICA deux semaines après le début de la guerre : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-crises/le-judoka-poutine-aurait-il-essuye-un-ko-soto-gari/7430821?amp=1 . On peut dire aujourd’hui que l’armée russe impose une guerre d’usure en espérant que l’Ukraine cède par manque d’effectifs. Poutine affirme, pour sa part, avoir recruté encore 300 000 conscrits et 270 000 quasi mercenaires sous contrat de travail. Bien sûr, cette information est invérifiable, mais plausible. Visiblement, le problème du manque de « bras tenant les fusils » se pose aussi à Moscou puisque le gouvernement cubain a démantelé en septembre un réseau de recrutement de mercenaires pour l’armée russe. La « pêche aux affreux » semble intense dans les régions reculées et pauvres de l’empire et également dans les pays limitrophes du Caucase ou d’ailleurs.
Sur le plan de la fabrication des armes et de la maintenance, le complexe militaro-industriel russe semble avoir surmonté les « sanctions » occidentales, en particulier le blocus des « puces électroniques » nécessaires à la fabrication des missiles de croisière, et plus particulièrement des vecteurs hyper soniques. La Chine populaire joue-t-elle un rôle dans cette absence de pénurie ? Là encore, il est impossible de trancher, mais la conviction occidentale d’arrêter la production d’armes russes grâce à un embargo est une illusion manifeste au bout de 18 mois de conflit. L’armée de Poutine aurait dû être à court de munitions depuis bien longtemps ! Dans le domaine de la logistique, les « coups au but » ukrainiens sur les dépôts de munitions, situés en territoire russe ou dans le Donbass occupé, se font plus rares. C’est la preuve que la logistique et l’ensemble du réseau d’approvisionnement ont été réorganisés pour être moins vulnérables.
Enfin sur le plan tactique, l’armée russe s’est donc mise en position défensive stable. Son soutien aérien qui faisait défaut du fait des missiles sol-air ukrainiens, alors même que Moscou dispose en permanence de la suprématie dans les airs, a été revu et corrigé. Aujourd’hui, l’aviation russe s’est repliée à une quarantaine de kilomètres du front pour éviter les missiles de Kiev, d’où elle bombarde les positions ukrainiennes à l’aide de « bombes planantes » qui s’avèrent très efficaces, en particulier contre les positions de l’artillerie adverse. Malgré ces adaptations, l’armée russe ne peut faire autre chose que de défendre et non attaquer… en tous les cas pour le moment. Bien sûr, certains pro-Poutine acharnés parlent de l’excellence historique russe dans les campagnes militaires d’hiver en rappelant la Bérézina contre la grande armée de Napoléon ou la victoire de Stalingrad en janvier 1943 contre Hitler. Cela relève de la propagande, car Moscou semble dans l’incapacité de lancer une action offensive coordonnée, en tous les cas tant que la supériorité électronique et du renseignement spatial de l’OTAN sera une réalité. Moscou doit se contenter modestement d’une « défense réactive » qui devrait peut-être d’après elle user son ennemi… avant elle.
L’automne et l’hiver n’annoncent donc rien de bon à l’est. Comment l’Ukraine et la Russie supporteront-elles la guerre défensive et son cortège d’horreurs et d’affliction sur le long terme ? C’est difficile à prévoir sur le plan militaire. Par contre, cette situation tactique a dès maintenant d’énormes conséquences sur le plan politique, tant sur le plan intérieur des deux pays belligérants que sur le plan international. C’est ce que nous tenterons d’analyser dans le deuxième volet de notre article la semaine prochaine.
Notes de bas de page
↑1 | Voir les précédents articles de ReSPUBLICA sur la guerre en Ukraine : https://www.gaucherepublicaine.org/tag/guerre-dukraine |
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↑2 | Écouter ici : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-zoom-de-la-redaction/le-zoom-de-la-redaction-du-jeudi-13-avril-2023-5644713 |
↑3 | Voir cet article de ReSPUBLICA deux semaines après le début de la guerre : https://www.gaucherepublicaine.org/respublica-idees/respublica-crises/le-judoka-poutine-aurait-il-essuye-un-ko-soto-gari/7430821?amp=1 |