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De la santé des femmes afghanes et de leurs enfants

Dans un récent article(1)https://www.lemonde.fr/international/article/2024/08/24/les-talibans-interdisent-aux-afghanes-de-chanter-de-lire-en-public-et-de-se-deplacer-seules_6293389_3210.html. du Monde, fut évoquée la promulgation d’une nouvelle loi talibane en Afghanistan, leur interdisant notamment de « chanter, lire, parler fort » entre autres restrictions, dont celles des tenues vestimentaires, rétablissant par là le pire retour à la charia, renvoyant les femmes (comme les hommes) aux conditions de vie de l’ancien régime. « Les talibans reviennent presque intégralement aux règles édictées sous leur premier régime [de 1996 à 2001. ndlr]. Rien n’a changé dans leur idéologie extrême », estime la chercheuse et photographe Melissa Cornet, qui vit à Kaboul.

Il est cependant un point qui, loin d’être un détail, n’est pas abordé par le Monde : celui de la santé humaine. Réduisant ainsi le sujet traité à un champ sémantique beaucoup trop abstrait, celui des droits, et laissant de côté celui des conséquences de la charia sur les individus en tant qu’entité biologique animale et sociale, beaucoup plus concrète.

Pour comprendre cela, empruntons un instant le chemin « des écoliers » en abordant un autre sujet pour lequel la France a légiféré : le harcèlement moral, tant en entreprise qu’à l’école ou dans la sphère privée.

Qu’est-ce que le harcèlement moral ?

Article L1152-1 du Code du travail :

Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. 

Le Code du travail est donc très clair sur le sujet : le harcèlement altère la santé humaine. Bien évidemment, le contexte peut changer en passant dans les écoles ou dans la vie intime, mais le mécanisme est identique. Mais comment appréhender cela ?

On le comprend mieux depuis les études popularisées de Marie-France Hirigoyen et notamment son livre Le harcèlement moral(2)HIRIGOYEN, Marie-France, Le harcèlement moral, Paris, SYROS, 1998, 978-2-707189868. dont nous citons ici le début du quatrième de couverture :

Il est possible de détruire quelqu’un juste avec des mots, des regards, des sous-entendus : cela se nomme violence perverse ou harcèlement moral. Dans ce livre nourri de nombreux témoignages, l’auteur analyse la spécificité de la relation perverse et met en garde contre toute tentative de banalisation. Elle nous montre qu’un même processus mortifère est à l’œuvre, qu’il s’agisse d’un couple, d’une famille ou d’une entreprise, entraînant les victimes dans une spirale dépressive, voire suicidaire. Ces violences insidieuses découlent d’une même volonté de se débarrasser de quelqu’un sans se salir les mains […].

Le processus du harcèlement provoque donc des effets biologiques : il commence par dérégler la production des hormones du stress, l’adrénaline et le cortisol. Leur sécrétion massive et aléatoire détruit alors le système immunitaire, affaiblissant la santé humaine, comme l’illustre la description fournie sur le site https://www.un-moral-aux-abois.fr/page/2747997-quels-sont-ses-effets : troubles généraux, musculosquelettiques, cardio-respiratoires, gastro-intestinaux, psychiques.

Car le cortisol, par exemple, agit sur les neurones notamment et a des effets néfastes clairement démontrés(3)https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2012/08/medsci2012286-7p612/medsci2012286-7p612.html. :

L’excès d’hormones glucocorticoïdes est néfaste

Le stress chronique est classiquement associé à une sécrétion excessive de cortisol. R. M. Sapolsky a été le premier à évoquer l’hypothèse de la cascade glucocorticoïde pour expliquer l’altération des fonctions cérébrales due à une exposition prolongée aux glucocorticoïdes [11] (Figure 3). Selon ce concept, la sécrétion répétée ou prolongée d’hormone glucocorticoïde endommage en particulier les neurones hippocampiques (riches en récepteurs de cette hormone) et conduit à une levée de l’inhibition tonique qu’exerce l’hippocampe sur l’activation de l’axe corticotrope. La surproduction de glucocorticoïdes se pérennise via un cercle vicieux qui conduit à divers processus pathologiques.

Autrement dit, le stress chronique causé par un harcèlement produit en masse le cortisol qui détruit des neurones, auto-alimentant le processus vers une spirale sans fin. Mais quel rapport avec les femmes afghanes ?

Le suicide des femmes afghanes, signe de rébellion ?

Un article(4)https://www.courrierinternational.com/article/afghanistan-le-suicide-ultime-forme-de-rebellion-des-femmes-contre-le-joug-taliban. en ligne du Courrier International du 3 octobre 2023, relate le résultat d’une enquête menée par Zan Times révélant l’explosion des suicides chez les femmes afghanes. Extrait :

Selon les données de l’OMS, le nombre d’hommes qui se suicident dans le monde est plus de deux fois supérieur au nombre de femmes. Et en Afghanistan, jusqu’en 2019 – la dernière année où les chiffres officiels étaient disponibles –, les hommes étaient plus nombreux à mourir par suicide que les femmes. Or les chiffres obtenus dans le cadre de cette enquête, auprès des hôpitaux publics et des cliniques dans 11 provinces du pays jusqu’en août 2022, montrent que les femmes sont désormais plus nombreuses que les hommes à essayer de mettre fin à leurs jours, comme à y réussir. 

Mais là où l’on pourrait voir effectivement un signe de rébellion en apparence, ne devrait-on pas voir le signe d’un harcèlement moral chronique et généralisé ? Donc un signe d’un grave problème de santé publique en Afghanistan ?

Nous soulignons que le sujet, lorsqu’il est abordé du simple point de vue de l’égalité des droits de la femme, passe sous silence cet accent beaucoup plus « biologique » que nous mettons ici en exergue. Affirmer que le suicide serait un signe de rébellion est donc très réducteur, résumant le suicide à une simple manifestation sociale contre l’ordre établi, au lieu de le replacer dans son contexte réel : celui de la santé humaine et psychique d’une femme seule et isolée. Ce n’est pas un mouvement social !

Le peuple afghan des talibans s’autodétruit à un niveau industriel, comme un « génocide symbolique et psychologique d’Etat », puis physique pour les femmes qui passent à l’acte et réussissent leur suppression. Quid des suicides des hommes ? Car il serait faux de penser que ce harcèlement n’est pas aussi subi par l’ensemble de la population – bien que probablement les harceleurs soient des hommes agissant pour un ordre étatique et religieux, cela ne veut pas dire que tous les Afghans de sexe masculin sont des pervers.

Quels effets sur les enfants afghans ?

L’on peut donc en corollaire se poser la question de la conséquence sur la santé des enfants, témoins silencieux du harcèlement de leur mère. Ont-ils seulement la possibilité de toucher la peau de leur maman pour développer des affects ? Comment leur psyché et équilibre émotionnel peuvent-ils se construire dans un univers où leur mère ne peut ni chanter, ni parler, ni montrer son corps ?

Il est clair qu’ici les petites filles sont embrigadées dans le système de la charia talibane pour être préparées à l’assujettissement. Car le harcèlement moral nie l’existence et la capacité d’autonomie de sa cible : vous êtes réifié, chosifié, prenant à témoin l’entourage et la société pour l’inciter à faire de même collectivement. Ici, contrôler le corps de la femme dès son enfance n’est pas seulement un principe moral, il est la manifestation d’une perversion, une relation de pouvoir pathogène. Et comme l’indique cet article(5)https://www.unicef.org/parenting/fr/soins-attentifs/parler-du-harcelement-a-votre-enfant. de l’UNICEF, les conséquences sur les enfants sont manifestes :

Le harcèlement peut entraîner des conséquences néfastes et durables sur les enfants. En plus de subir les effets physiques du harcèlement, les enfants peuvent souffrir de problèmes de santé mentale ou de problèmes émotionnels, y compris de dépression ou d’angoisse, eux-mêmes susceptibles de conduire à la consommation de drogues et à une baisse des performances scolaires.

Certes les enfants ne sont pas les cibles directes de ce harcèlement – ils sont d’abord témoins – et l’on aurait tendance à associer trop facilement harcèlement avec scolarité si l’on était centré sur les sociétés occidentales. Car ici, il n’est pas question de cyberharcèlement sur un réseau social et les bancs d’une école.

Notre conclusion

Le régime taliban s’appuyant sur la charia devient le prétexte à la manifestation d’une perversion : la religion est révélatrice d’un problème qui dépasse le simple code moral et législatif d’une société. Et ce grave problème est essentiellement de santé publique.

La charia amène ici un peuple à sa propre destruction physique, lente et inexorable, dans laquelle les générations futures sont condamnées à entrer dans un cercle vicieux, un rouleau compresseur aussi violent qu’irrationnel.

Si l’on transpose les conséquences de la santé de son peuple à l’économie, comment un peuple en mauvaise santé physique et mentale peut-il produire un PIB ? Financer le progrès social ? Ses institutions ? L’on se rend compte ici à quel point le principe de laïcité de séparation des Eglises de l’Etat est un vrai garant de la protection du peuple qui l’a mis en œuvre.

Les talibans sont en train de pousser leurs propres femmes au suicide, réduisant alors la procréation au seul viol dans un mariage forcé (d’autant plus si les femmes se raréfient !), détruisant l’éducation et la santé de leurs propres enfants, afin de reproduire à chaque génération le même schéma.

Alors que la Femme est l’avenir de l’Homme. Au sens littéral : sans enfant, pas d’avenir, pas d’économie, pas de développement culturel. Rien que la mort psychique et physique.

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