Dans cette région du monde, force est de constater que de nombreux dossiers ne sont toujours pas réglés : par exemple, les questions arménienne et kurde entre autres. Après des siècles de racisme contre les juifs, après la Shoah, le racisme contre les juifs se redéveloppe. Quant aux Arabes palestiniens, l’injustice qui leur est faite perdure et se développe également. « Ce machin qu’on appelle l’ONU », selon l’expression du général de Gaulle, « la communauté internationale », ce mythe informe, ont montré leurs incapacités à résoudre les grandes questions internationales. Nous reviendrons sur cet épineux problème pour montrer que la résolution de ces problèmes est entravée par la nouvelle géopolitique mondiale, elle-même produite par les contradictions du capitalisme et de ses impérialismes.
Palestine-Israël : de nouveau la guerre
Dès l’attaque terroriste du Hamas perpétrant des « crimes contre l’humanité », nous avons réagi (Voir notre précédent éditorial « Palestine-Israël ou l’humanité au bord du précipice »). Maintenant, nous revenons à une guerre asymétrique dont les habitants arabes palestiniens de la bande de Gaza font déjà les frais. Déjà, nous pouvons dire qu’une action purement militaire ne réglera pas l’injustice faite aux Arabes palestiniens eu égard au rapport de forces qui dominent les belligérants. D’un côté, les militants du Hamas qui assurent une dictature islamiste sur les habitants de Gaza, et qui ont assassiné toute représentation du Fatah à Gaza (voir la page Wikipédia du conflit Fatah-Hamas). De l’autre côté, un gouvernement d’extrême droite avec en son sein des ministres qui ont incité dans leurs discours à l’assassinat d’Yitzhak Rabin, Premier ministre qui souhaitait conduire à un processus de paix avec deux États, l’un juif, l’autre palestinien. Et si on ajoute une présidence de l’Autorité palestinienne bureaucratique et corrompue, on mesure le peu de chance de règlement de la question palestinienne arabe à court terme. De fait, avec le Hamas qui a été « favorisé » pour affaiblir l’Autorité palestinienne qui n’en avait pas besoin et le gouvernement de Benyamin Netanyahu, nous avons à faire avec deux associés rivaux qui ont comme point commun de ne pas vouloir résoudre le conflit israélo-palestinien de façon humaine et politique.
L’attaque terroriste et les « crimes contre l’humanité » perpétrés par le Hamas a eu comme première conséquence de rassembler, le temps du conflit militaire, une très grande majorité des juifs israéliens contre le Hamas d’où l’entrée de Benny Gantz, ancien chef d’état-major de l’armée israélienne dans le cabinet de guerre de Benyamin Netanyahu vu que Benny Gantz a la confiance de l’état-major de Tsahal. De cette manière, l’état-major de Tsahal et Benny Gantz ont de fait marginalisé, pour le temps du conflit militaire, le Premier ministre, Benyamin Netanyahu, tout en étant directement en contact avec le pouvoir étasunien et donc aussi avec le Pentagone, mais également avec les pays arabes signataires des accords d’Abraham. Par ailleurs, les perspectives désastreuses pour les habitants de Gaza ont enflammé les rues des pays arabes et motivé les manifestations dans de nombreux pays dits « occidentaux », dont la France.
Des intellectuels comme Selim Nassib, Tahar Ben Jelloun, Kamel Daoud ont réalisé des tribunes que nous jugeons positives, mais qui n’auront à court terme aucune action positive pour les habitants de la Bande de Gaza. Des milliers de civils palestiniens sont déjà morts. Pour l’instant, tous les appels au cessez-le-feu n’ont eu aucune concrétisation.
Un peuple israélien avec un gouvernement déconsidéré
Du côté israélien, une grande majorité de juifs israéliens (majorité qui va bien au-delà du mouvement civique, qui a manifesté contre ce gouvernement depuis le début de l’année jusqu’au 6 octobre) estime que le gouvernement de Benyamin Netanyahu est le principal responsable de la situation par son échec militaire et politique. Échec militaire par la faute du renseignement et surtout du fait qu’il n’a pas assuré la protection des Israéliens sur la frontière avec Gaza en dégarnissant la frontière de son armée afin d’envoyer ladite armée en Cisjordanie pour aider les colons israéliens à poursuivre la colonisation de la Cisjordanie ! Il suffit pour cela de lire l’édito du journal d’Haaretz dont le lien apparaît dans notre article cité ci-dessus. Pour cette large majorité de juifs israéliens que l’on peut découvrir en lisant les études d’opinion et les sondages de la population, le fait d’avoir abandonné la sécurité de la population pour continuer la colonisation de la Cisjordanie sera un fossé qui probablement fermera l’avenir de Benyamin Netanyahu à la tête de l’État, une fois la guerre terminée.
Un peuple palestinien sans représentants dignes de ce nom
Du côté arabe palestinien, la situation est dramatique. D’abord sur le plan humain, car le risque d’un fort accroissement des morts de civils arabes palestiniens est très grand. Ensuite, sur le plan identitaire, le caractère arabe palestinien est largement concurrencé par l’islamisme politique. D’où les migrations des Arabes palestiniens chrétiens et de culture musulmane qui refusent l’islam politique. Et enfin, sur le fait de ne pas avoir une représentation légitime du peuple palestinien :
– Une Autorité palestinienne légale, mais qui est bureaucratique corrompue.
– Un Hamas fier de ses crimes, qu’il a filmés et diffusés sur les réseaux sociaux.
– Ces deux instances n’ayant pas de légitimité démocratique, puisque les dernières élections datent de 17 ans.
Certains Arabes palestiniens misent sur Marwan Barghouti, leader des deux dernières intifadas palestiniennes que certains sondages donneraient vainqueur face aux leaders du Hamas et de l’actuelle Autorité palestinienne. Mais celui que certains Arabes palestiniens nomment le « Mandela » palestinien est actuellement en prison en Israël !
Hypocrisie des dirigeants du monde arabe
« Nous sommes tous des Palestiniens, mais qu’ils ne viennent pas chez nous » semble être la position dominante des dirigeants arabo-musulmans face à la rue qui scande son soutien à la cause palestinienne, les dirigeants font mine de se rallier aux Palestiniens. L’idée relancée et longtemps oubliée d’une solution à deux États ne sied pas aux dirigeants arabes. Le Hamas a pour objectif d’effacer Israël. Le Hamas est considéré par les dirigeants égyptiens comme une émanation des Frères musulmans et, en tant que tels, comme ennemis. La monarchie jordanienne considère la Fatah, héritier de l’OLP à une époque plutôt marxienne, comme un danger potentiel pour la stabilité du régime monarchique. Du côté israélien, les ultras ne veulent pas d’État palestinien et poursuivre la colonisation des terres palestiniennes. Sur le plan international, la solution onusienne de deux États, longtemps repoussée aux calendes grecques, même si elle réapparaît sur le devant de la scène diplomatique, ne trompe personne. Autant dire qu’avec de tels alliés et de tels défenseurs de leur cause, les Palestiniens font face à d’immenses difficultés et devront imaginer des formes de luttes efficaces pour obtenir satisfaction, des formes qui ne peuvent reposer sur des actes terroristes. La réussite ne peut faire abstraction de l’indispensable soutien international.
En France, une position qui paraît déséquilibrée
Du côté français, il nous semble que l’influence du président de la République, Emmanuel Macron, ne dépassera pas son soutien à la vente des armements du complexe militaro-industriel français aux pays arabes signataires des Accords d’Abraham. Par ailleurs nous dénonçons les interdictions générales des manifestations en France. Ces interdictions générales ne font que renforcer les tensions dans notre pays. Notons que le Conseil d’État les a invalidées considérant qu’une interdiction générale et permanente est non constitutionnelle et attentatoire à la liberté de manifester si l’ordre public n’est pas menacé. De telles interdictions ont l’effet pervers majeur de donner l’impression de « deux poids, deux mesures », l’impression de partialité en défaveur de la cause palestinienne. Condamner le terrorisme du Hamas et l’assassinat, la torture, la décapitation filmée ou non de civils israéliens cent fois oui ! Oublier la légitime cause du peuple palestinien, non !
Position américaine sur fond de campagne électorale
Sur le plan américain, plus nous allons avancer dans les semaines prochaines et plus les conditions de la bataille électorale entre Biden et Trump auront une influence sur le conflit au Proche-Orient.
D’où notre conclusion provisoire que l’avenir est très risqué, pour tout le monde, marqué par le temps long, que l’avenir des Arabes palestiniens est sombre, et que nous ne savons pas ce que les Américains et les pays arabes favorables aux accords d’Abraham avec Israël, qui aujourd’hui sont les seuls contacts permanents avec l’état-major de Tsahal et avec le cabinet de guerre israélien, sont prêts pour faire pression sur Israël. Personne ne sait ce que veut dire exactement et concrètement la phrase « Vaincre le Hamas » ou « Éradiquer le Hamas », tellement ce dernier est sans doute prêt à utiliser le peuple palestinien comme bouclier humain et le réseau souterrain de galeries comme base arrière.
Construire un Proche-Orient de paix
Puisque le président de la République française semble vouloir faire des propositions de résolution des conflits, nous estimons que la voix de la France doit ouvrir une autre voie :
- Libération immédiate des otages.
- Cessez-le-feu immédiat
- Levée immédiate du blocus de Gaza.
- Dénonciation et condamnation aussi de tous les actes racistes.
- Mise en place rapide d’un processus de négociations, pour une paix juste et durable entre Israël et la Palestine, et y compris pour un processus de décolonisation progressive négocié et l’établissement de deux États, palestinien et israélien.
Pour ce faire, nous estimons que :
1 – Par sa fusion idéologique avec l’imaginaire politique d’al-Qaïda et de Daesh et sa vision du monde mortifère qu’il a officiellement revendiquée le 7 octobre, le Hamas s’est exclu de lui-même du champ politique humaniste. Son combat est à l’extrême opposé des valeurs que nous défendons, c’est-à-dire celles de la fraternité humaine.
2 – Ladite « bande de Gaza » appartient de manière inaliénable au peuple arabe de Palestine. Depuis 2007, les « Frères musulmans » du Hamas ont imposé leur dictature théocratique. Ce territoire doit redevenir une souveraineté politique sous contrôle politique de l’Autorité palestinienne, seule représentante officielle du peuple palestinien au niveau international. Pour cela, la rentrée dans un processus électoral est indispensable. De plus, aucune « colonisation » de la bande de Gaza par des « colons » israéliens ne serait admissible.
3 – Cette souveraineté palestinienne doit s’étendre à la Zone Économique Exclusive (ZEE) au large de la bande de Gaza. La découverte depuis une dizaine d’années d’une énorme poche de gaz et de pétrole assurerait à elle seule le développement économique de Gaza, mais également celui des territoires sous contrôle de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie ainsi que celles futures qui doivent lui revenir lors du processus de paix. Cette marche vers la paix nécessite un accord régional et international qui doit conduire à la reconnaissance pleine et entière de la Palestine dans le concert des Nations.
4 – La refondation et le renforcement de l’Autorité palestinienne sont une nécessité historique. Or, pour être une alternative politique concrète, et ouvrir un horizon de développement économique et culturel, cette direction palestinienne doit se réformer impérativement pour sortir de l’ornière de la corruption et du népotisme. C’est au peuple palestinien de trouver l’issue. Cela impose obligatoirement de passer par un processus électoral démocratique, comme le prévoyaient déjà les « Accords d’Oslo ». Vu les circonstances, cela doit être contrôlé par l’ONU ou une représentation internationale incontestable,
5 – Toutes les forces démocratiques, laïques et républicaines, y compris en Israël, doivent soutenir ce processus de renouveau politique du peuple palestinien visant à renforcer son autorité. Cette autorité doit aboutir à la souveraineté palestinienne pleine et entière.