Face à la crise sanitaire historique que nous connaissons, on pouvait légitimement attendre que ce PLFSS engage une véritable stratégie de rupture à la mesure des enjeux fondamentaux auxquels nous sommes confrontés.
Mais, sans grande surprise, nous sommes une fois de plus face à un Gouvernement irresponsable qui nous livre un PLFSS qui s’inscrit dans la continuité des politiques menées depuis de nombreuses années qui ont conduit à la catastrophe sanitaire que nous connaissons avec pour conséquence une crise économique et sociale désastreuse pour l’ensemble de la population..
Comme l’écrivait le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie dans un rapport et un avis adoptés en juin dernier : « la crise sanitaire actuelle a montré les limites des dispositifs d’anticipation des situations exceptionnelles en France. […]. Il paraît certes difficile de prévoir tous les scénarios catastrophes, mais le scénario dans lequel nous sommes était, lui, prévisible et d’ailleurs prévu. »
Ce PLFSS s’inscrit dans une politique libérale où le système de Sécurité sociale n’a plus pour objectif de répondre aux besoins de tous. Le Gouvernement, à travers ce PLFSS, pose toutes les fondations d’un système à l’anglo-saxonne géré et financé par l’État, qui octroie un minimum pour les plus précaires et qui pousse la grande majorité vers le système assurantiel et la capitalisation.
Pour l’essentiel, on continue en effet comme avant : le PLFSS prévoit ainsi de réaliser 4 milliards d’euros d’économies, dénommées mesures de régulation.
Ces mesures d’austérité sont formulées exactement dans les mêmes termes que dans tous les PLFSS précédents depuis de nombreuses années : structuration de l’offre de soins, pertinence et qualité des soins en ville, amélioration la performance interne des établissements de santé…
Quant aux mesures concernant le médicament, aucune régulation du marché n’est prévue et l’industrie pharmaceutique peut continuer à engendrer des profits monstres financés par la Sécurité sociale, à l’instar de Sanofi qui a distribué 4 milliards d’euros de dividendes en 2020.
Alors que le nombre de malades atteints par le Covid-19 augmente, le système de santé et plus particulièrement l’hôpital, n’a pas la capacité d’assurer pleinement ses missions par manque de moyens.
En effet, le manque de personnels et par conséquent de lits ouverts ne permet pas d’assurer à la fois la prise en charge des patients habituels et ceux atteints par le Coronavirus.
Le Ségur de la santé, qui occupe une part importante de ce PLFSS, n’a répondu ni aux attentes des salariés ni aux besoins de la population en termes de réponse aux besoins.
Le PLFSS acte ainsi une augmentation de 180 € par mois en plusieurs phases, ce qui est en deçà de la revendication des personnels, et est loin de rattraper les années de rigueur salariale et encore moins la moyenne des salaires des pays européens. La première revendication des salariés qui était l’embauche massive des personnels ne trouve aucune réponse dans ce PLFSS.
Au contraire, 3400 lits ont été fermés en 2019, et les fermetures se poursuivent dans de nombreux hôpitaux malgré la crise.
Le PLFSS confirme la reprise par la CADES d’un tiers de la dette des hôpitaux actée par la loi du 7 août 2020, ce qui aboutit à transférer à la Sécurité sociale une dette de 13 milliards d’euros, dont le remboursement sera financé par les assurés sociaux à travers la CRDS, alors qu’il s’agit d’une dette de l’État.
Cela permettra, selon le PLFSS, de financer un même montant d’investissements, mais ces investissements seront apportés par les ARS, sous réserve que les hôpitaux passent sous les fourches caudines des plans de qualité et d’efficience édictés par ces dernières, soit en clair une austérité renforcée.
En outre, ce PLFSS comporte une mesure particulièrement scandaleuse : la taxation des assurés sociaux passés par les urgences sans que ce passage débouche sur une hospitalisation.
Or de nombreux soins réalisés aux urgences ne nécessitent pas d’hospitalisation, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas urgents et sérieux. Ce recours aux urgences témoigne et compense en premier lieu de la déficience de la permanence des soins. Le fait de faire payer les soins aux urgences risque d’encore aggraver la renonciation des soins indispensables notamment des assurés les plus fragiles. Le gouvernement doit renoncer à ce projet scandaleux.
Ainsi que le gouvernement l’avait annoncé, le PLFSS engage la création d’une 5ème branche dédiée à la perte d’autonomie, en individualisant les financements alloués à la CNSA.
Cela confirme les craintes déjà exprimées par la CGT. D’une part, aucun financement nouveau n’est dégagé. On opère simplement un transfert de ressources provenant pour l’essentiel de la branche maladie. D’autre part, le fait que ce financement repose à 90 % sur la CSG confirme la logique d’étatisation de cette 5ème branche, dont la gestion sera également étatisée via la CNSA, et dont la « gouvernance » ne repose en rien sur la démocratie sociale qui fonde la gestion de la Sécurité sociale.
Surtout, cette 5ème branche consiste à séparer ce qui relève de la santé et ce qui relève du handicap, alors que ceux-ci sont inséparables.
Pour la CGT, le droit à l’autonomie doit être pris en charge au titre de la maladie dans le cadre de la Sécurité sociale avec un financement par la cotisation sociale.
Le 3ème axe majeur de ce PLFSS concerne la branche famille.
La faible augmentation des dépenses programmées à venir laisse augurer un maintien voire une aggravation de la politique d’austérité afin de financer les nouvelles mesures prévues et l’augmentation des prestations pour les allocataires plus nombreux et plus démunis à cause de la crise sanitaire.
La principale nouveauté consiste en l’allongement du congé paternité, le faisant passer de 11 à 25 jours calendaires auxquels viennent s’ajouter les 3 jours de congés de naissance.
Cette décision est une première étape vers une revendication portée de longue date par la CGT. Cette timide avancée ne permet pas de rétablir une égalité entre les femmes et les hommes, ni d’améliorer le bien-être de notre société, loin de là.
Le transfert de l’allocation d’éducation des enfants handicapés ne nous paraît pas une bonne chose dans la mesure où nous sommes opposés à la création de cette branche.
Enfin, le 4ème sujet concerne le financement. La Sécurité sociale connaîtra un déficit inédit, actuellement évalué à 45 milliards d’euros en 2020, et à 20 milliards d’euros les années suivantes. Cette situation tient fondamentalement à la chute des recettes liées à une récession d’une ampleur inédite, et comporte pour les années à venir de fortes incertitudes.
Pour financer ce déficit, le gouvernement prévoit de mettre à contribution les organismes de protection sociale complémentaire (mutuelles, institutions de prévoyance, assurance santé) en les taxant à hauteur d’1,5 milliard d’euros. Cette mesure n’est pas totalement illogique dès lors qu’ils ont continué à prélever des cotisations alors que leurs dépenses ont beaucoup baissé du fait de la crise. Cependant cela implique que ce prélèvement ne soit pas répercuté sur les cotisations des assurés. Pourquoi taxer seulement les organismes de protection sociale complémentaire, alors que les autres assureurs (auto et habitation notamment) ont-elles-aussi vu leurs dépenses diminuer fortement ?
C’est cette situation qui a conduit à transférer 136 milliards d’euros de dette de l’ACOSS vers la CADES et à prolonger la durée de vie de cette dernière.
Ce transfert aboutit à faire financer cette dette exclusivement par les salariés et les retraités, via la CSG et la CRDS, tout en exonérant de toute contribution les entreprises, qui dans le même temps vont bénéficier de 20 milliards d’euros de réductions d’impôts. C’est inacceptable.
Et aucun bilan n’est tiré sur l’impact des 80 à 90 milliards d’euros d’exonérations et exemptions de Sécurité sociale, et en particulier de la transformation du CICE en baisses de cotisations patronales, alors que France stratégie vient de pointer le faible effet de la création du CICE en termes de créations d’emplois.
Au moment où le gouvernement confirme sa politique de cadeaux aux entreprises au nom du dogme de l’économie de l’offre, l’accent est mis dans le dossier de presse présentant le PLFSS sur la nécessité « de rétablir la soutenabilité financière de la Sécurité sociale », en limitant la hausse des dépenses.
S’il est frappant de constater que ce projet ne comporte pas un mot sur dossier des retraites, nous sommes particulièrement inquiets des récentes déclarations du ministre Bruno Le Maire qui a récemment déclaré que ce retour à l’équilibre passait par la réforme des retraites. Rappelons que le Premier ministre a réclamé un rapport au COR sur les perspectives financières des retraites, rapport qui doit être adopté mi-octobre.
Oui cette crise inédite suppose bien une rupture, à l’opposé des orientations de ce PLFSS.
Pour la CGT, cela passe par la construction d’une Sécurité sociale du 21ème siècle (dans la continuité des principes de solidarité mis en place, il y a tout juste 75 ans), une Sécurité sociale intégrale qui fasse face à l’ensemble des défis auxquels nous sommes confrontés, et qui reste fondée sur le travail et financés par la cotisation sociale assise sur le salaire socialisé.
La CGT émet un avis défavorable à ce PLFSS.