Communiqué de presse du 20 septembre 2013
Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives 2013-2017, préparé par la MILDT et sa nouvelle présidente, est sorti hier. Si la majorité des médias se sont focalisés sur les mesures de lutte contre le cannabis, le plan ne s’y réduit pas. Il concerne l’ensemble des pratiques addictives, et comporte de réelles avancées sur la réduction des risques, mais aussi de cruelles déceptions.
Saluons d’abord la méthode. A l’inverse du dernier plan et de son ancien président sourd à toute avancée sur la réduction des risques, la consultation a été large, les associations du secteur ont eu leur mot à dire, et un certains nombre de leurs revendications ont été satisfaites.
Sur les traitements de substitution aux opiacés, l’accessibilité à la méthadone va être améliorée avec l’expérimentation de la primo-prescription en médecine de ville, et le développement des bus. Des recherches sur de nouvelles galéniques pour les usagers qui sont en échec avec les traitements actuels sont également envisagées : l’inhalation, le patch transdermique ainsi que des TSO à demi-vie courte sont cités.
Il y a aussi le renforcement du dispositif de réduction des risques actuel :
– en milieu rural et pour les usagers les plus éloignés des structures, en développant des dispositifs mobiles CAARUD, et en expérimentant l’envoi postal de matériel.
– en développant la mise à disposition de matériel de réduction des risques (automates) et en favorisant son adéquation avec les différentes pratiques (sniff, kit base, nouveaux outils comme le filtre toupie), en demandant de ne pas à limiter le matériel distribué dans les structures CSAPA/CAARUD.
Prometteur aussi, la volonté affichée de sortir la réduction des risques de son isolement, avec le développement de la médiation avec le voisinage, et la mise en place de formations communes pour les personnels de la police, de la justice et de la santé, en partenariat avec les associations de réduction des risques.
L’outreach, grande perdante de ces dernières années dans le dispositif institutionnalisé, est aussi relancé. Une plus grande place sera accordée aux actions qui permettent d’aller à la rencontre des usagers les plus précaires, si possible avec leur participation, et de nouvelles modalités pour aller à la rencontre de tous les usagers sur Internet (notamment les jeunes) seront expérimentées.
Enfin, l’insertion sociale des usagers de drogues, l’une des grandes oubliées de la réduction des risques, est remis au goût du jour pour les usagers fréquentant les CSAPA et les CAARUD.
Là ou la plan est décevant, ce sont sur les expérimentations de dispositifs innovants, même si l’outil salle de consommation est réaffirmé, et doit être même étendu dans une ou deux villes d’ici à 2017 :
– La réduction des risques et les programmes d’échange de seringue en prison, pourtant promis par Marisol Touraine il y a moins de 3 mois et par François Hollande pendant la campagne, ne sont pas retenus. La population carcérale fait pourtant parti des populations à risques auxquelles le plan veut s’attaquer…
– Pas de distribution de naloxone aux usagers de drogues sortant de cure ou de prison pour prévenir les overdoses, alors que celles-ci remontent en flèche depuis 5 ans.
– Rien non plus sur les espaces de consommation et l’Accompagnement et l’Education aux Risques liés à l’injection (AERLI) dans les CAARUD.
– Enfin, la substitution injectable et les programmes d’héroïne médicalisée ne sont pas évoqués, alors qu’ils ont fait leur preuve dans d’autres pays.
Enfin, le débat sur le statut pénal des stupéfiants n’est pas abordé. La réflexion dans de nombreux pays, y compris en Europe, sur la réponse graduée, n’a pas droit de citer en France. L’usager simple continuera d’être inutilement pénalisé. Avec les nouvelles drogues de synthèse, on aurait pu avoir par exemple un début de réponse graduée selon la nocivité des produits, comme l’a proposé la Commission Européenne il y a 3 jours, en utilisant la pénalisation qu’en dernier recours.
Si les principes de ce plan sont suivi d’actes, le dispositif de réduction des risques sortira renforcé, et les lacunes de ses dernières années pourront être comblées (outreach, participation des usagers, réduction des risques qui s’enferme sur elle même, accès au matériel, insertion sociale). Mais une partie de l’innovation sociale et la nécessaire rénovation pénale attendront des jours meilleurs…
Contact presse : Pierre Chappard – Tel : 06 63 55 65 54