Il était temps ! Enfin une voix connue chez les fonctionnaires de police qui s’élève pour dénoncer l’utilisation de celle-ci et de la Gendarmerie nationale contre le mouvement social. Jean-Louis Arajol, ancien secrétaire général du Syndicat Général de la Police (SGP) et de la Fédération Autonome des Syndicats de Police (FASP) s’exprime en son nom propre et aux noms de nombreux collègues qui « restent dans l’ombre » pour dire son refus de « continuer comme avant le confinement ! ». Avant, c’est-à-dire les 15 mois de « guerre sociale larvée », avec le mouvement des gilets jaunes puis celui pour la défense des retraites où les forces de sécurité sont souvent apparues aux yeux du peuple comme une sorte de « garde prétorienne », chargée de faire un dernier rempart pour défendre un régime, minoritaire dans l’opinion, imposant l’austérité et parfois la misère aux couches populaires.
Faudra-t-il demain, dans la crise économique et sociale qui s’annonce, réprimer infirmières, caissières de super-marchés, routiers ou éboueurs que tout le monde applaudit aujourd’hui, à grands coups de matraque, LBD ou grenade de désenclavement ? Jean Louis Arajol répond que cela ne doit pas advenir. Enfin une position courageuse, alors même que le syndicalisme policier se tait depuis plusieurs années, rompant avec la tradition de la Police Républicaine qui, de l’insurrection de la préfecture de police en 1944 à la dénonciation des tueries pendant la guerre d’Algérie, était pourtant une grande histoire démocratique.
Un appel à écouter… et surtout à diffuser !
Cette vidéo est suivie sur Facebook du texte suivant de Richard Gerbaudi (lui aussi ancien secrétaire général du SGP et de la FASP) :
Cette tribune fera date ; elle nous rappelle que nous, les « ex » du SGP et de la FASP, quel que soit l’endroit où nous nous trouvons aujourd’hui et quel que soit notre niveau de militance, nous devons crier notre rage face à la casse du service public, cette casse rendue encore plus criante depuis 2019 et jusqu’à aujourd’hui, cette casse qui a suscité l’apparition d’abord des gilets les jaunes, et que l’on ressent d’autant plus crûment avec la crise du coronavirus.
Les gilets jaunes ont fait connaître leur colère face à la raréfaction des services publics dans la France des campagnes et des petites villes. D’autres, en novembre et décembre 2019 ont manifesté contre la réforme des retraites et, encore une fois, la casse des services publics.
Comme toujours depuis 30 ans, ils se sont heurtés à une fin de non-recevoir du « roi » en exercice et de sa cour, qui ont préféré envoyer les forces de l’ordre plutôt que de négocier.
Il aura fallu cette terrible pandémie pour que la nation prenne conscience du gouffre creusé petit à petit par les gouvernements successifs, qu’il n’est nul besoin de nommer, car chacun les reconnaîtra. Nous savons aujourd’hui que les Français ne doivent compter que sur eux-mêmes s’ils veulent ce que devrait leur proposer les services publics dans un pays comme le nôtre.
La tribune de Jean-Louis Arajol met l’accent sur le métier de policier, la présence du « gardien de la paix » dans la cité et surtout son emploi, la doctrine du maintien de l’ordre, l’usage de la force publique, la place de la police dans la nation. Un ancien secrétaire général du SGP (syndicat général de la police) avait l’habitude de dire que la police est une chose trop importante pour qu’on la laisse dans les seules mains d’un ministre… Il avait raison.
C’est le cas pour la police mais c’est également le cas pour tous les métiers qui, ces dernières semaines, sont apparus comme essentiels aux yeux de tous. Les personnels hospitaliers n’avaient cessé d’alerter les pouvoirs publics sur leur manque de moyens, et ils n’ont reçu aucune réponse ! Les Français faisaient savoir majoritairement leur refus de la réforme des retraites ! Mais du côté du palais présidentiel, on s’obstinait à la maintenir sous le prétexte qu’il s’agissait soi-disant d’une promesse de campagne que personne n’avait jamais lue ni entendue !
En Amérique latine, je vois tous les jours combien la France jouit d’une aura extraordinaire. Ses services publics nous sont enviés. Ils nous sont enviés car très souvent, dans ces pays mais aussi ailleurs dans le monde, la notion même de service public n’existe pas, et seul le privé offre des services aux plus riches, tandis que les autres n’ont qu’à se débrouiller. Pour être accepté dans un hôpital, on vous demande une carte de crédit, et non pas la carte vitale. Les sociétés de sécurité protègent les plus fortunés, les autres se débrouillent comme ils peuvent face à la délinquance et la violence. Les touristes égarés ne sont pas rapatriés par leurs ambassades (180 000 Français l’ont été depuis le début de la crise du covid). Des pays au fonctionnement profondément inégalitaire envient le modèle français, et c’est pourtant ce modèle qui peu à peu se vide de sa substance. Si nous n’y prenons garde, nous devrons bientôt vivre comme dans ces pays qui nous envient !
Pour ces raisons, et pour toutes celles brillamment exprimées dans l’intervention de Jean-Louis que je partage point par point, je pense que tous les militants doivent se mobiliser aujourd’hui pour exiger une fonction publique, au sens noble du terme, qui soit inattaquable. Une fonction publique qui soit protégée par la constitution. Une fonction publique que les gouvernants de passage n’auront plus le droit de démolir, comme on l’a vu ces dernières décennies. Une fonction publique qui fait la richesse de notre vivre ensemble. La République, c’est la fonction publique !
En 2019, le pouvoir a su se servir des fonctionnaires pour que les uns cognent sur les autres. Changeons de formule : groupons-nous pour lui cogner dessus !