Restauration scolaire : fausse querelle, vrais enjeux et solution laïque

L’affaire de Chalon-sur-Saône, où le maire LR entend mettre fin dans les cantines scolaires aux « repas de substitution », témoigne, une fois de plus, de la propension des néolibéraux à fabriquer des leurres (1)http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/08/13/la-mairie-de-chalons-sur-saone-pourra-supprimer-le-menu-sans-porc-dans-ses-cantines_4723537_3224.html et http://www.info-chalon.com/articles/chalon-sur-saone/2015/08/13/15478-tribunal-administratif-porc-dans-les-cantines-scolaires-a-chalon-sur-saone-le-feuilleton-judiciaire-ne-fait-que-commencer-.html. Communautaristes de gauche et d’extrême gauche et nationalistes – chrétiens de droite et d’extrême droite se sont querellés sur cette question, pour détourner des véritables problèmes sociaux, laïques et éducatifs.
Les premiers, adeptes du communautarisme, veulent des cantines partitionnées entre « enfants avec cochon » et « enfants sans cochon », dans l’attente de nouvelles partitions plus sophistiquées, au gré des pressions des intégristes religieux: table cacher, table franco-chrétienne, table halal, éventuellement le vendredi table cochonnaille pour attester que leur « laïcité inclusive » tolère à l’école publique des élèves athées résiduels.
Les seconds, partisans de l’identité nationale-chrétienne, nostalgiques de la « France fille aînée de l’Église » d’avant la Révolution de 1789, ont également une vision inquiétante de la restauration scolaire. Pour eux, le problème qui se pose aujourd’hui dans les cantines, se réduit à pouvoir placer du poisson le vendredi et imposer les autres jours un menu unique, avec cochon pour tous lorsque le maire le décide. Cette droite nationale-chrétienne, dans laquelle de nombreux chrétiens ne se retrouvent pas, ne compte pas que des chrétiens. Mais, comme Barrès, ils utilisent le catholicisme comme arme contre la République laïque, libre, égalitaire et fraternelle. Jaurès disait d’ailleurs de Barrès que « s’il défend le catholicisme, c’est pour des raisons qui n’ont rien de commun avec la foi chrétienne elle-même ».
S’agissant de restauration scolaire, il convient pourtant raisonner en termes d’offre de repas, de sécurité alimentaire, de diététique, de découverte, de plaisir partagé et d’éducation au goût. Pour un nombre croissant d’élèves, le repas pris à la cantine constitue le seul véritable repas de la journée, faisant de la restauration scolaire un système solidaire de cohésion sociale. La qualité de la cantine scolaire, son adaptation aux besoins des élèves, à leur équilibre et leur développement, ne forme pas un problème idéologique mais social, qui mérite d’être d’abord traité en lui-même et positivement, d’une façon sécularisée, indépendamment des questions de normativité religieuse. Mais les deux parties qui se sont affrontées dans la bataille juridique de Chalon ne se sont pas intéressées à ces questions. Elles ont exclusivement fait valoir leur communautarisme ou leur sectarisme, qui, tous deux, divisent le peuple.
À l’inverse du communautarisme de gauche et du national-christianisme de droite qui sèment la discorde dans les établissements scolaires et dans le pays, la laïcité est un puissant ingrédient pour l’unité du peuple. Mais pour la promouvoir, il convient d’abord d’analyser le réel. En l’occurrence, le problème principal de la cantine scolaire n’est pas l’interdit religieux, mais le fait que de nombreux élèves ne mangent pas bien à la cantine parce qu’ils n’aiment pas ce qui est servi ; ce qui nuit à l’enseignement de l’après-midi. Il faut donc régler le problème principal avant le problème secondaire des interdits religieux, d’autant que la résolution du problème principal résout en même temps le problème secondaire.
D’un point de vue laïque, l’essentiel est d’éviter les menus par communautés, imposés dans de nombreuses communes et, pire encore, la ségrégation spatiale à l’œuvre dans certaines communes, y compris celles tenues par la gauche de la gauche ! La solution laïque est le libre choix offert aux élèves entre deux entrées, deux plats et deux desserts. On peut alors servir du porc et de la volaille, du poisson et du mouton, etc., au lieu de se quereller pour ou contre un prétendu « menu de substitution» au porc.  Les établissements qui ont installé un self service ne rencontrent plus les problèmes ressassés par les médias néolibéraux. L’obstacle financier avancé pour éviter cette solution sociale et laïque, est un paravent pour masquer soit le communautarisme islamo-empathique soit l’uniformité nationale-catholique.
Il est d’ailleurs étonnant de voir que ceux qui se passionnent pour ce derby néolibéral de Chalon-sur-Saône, qu’ils soient d’extrême droite, néolibéraux de droite et de gauche ou thuriféraires de la gauche de la gauche sont ceux qui ont oublié, contrairement à la gauche de gauche (2)http://www.gaucherepublicaine.org/respublica/pourquoi-devons-nous-passer-dune-gauche-de-la-gauche-a-une-gauche-de-gauche/43586, l’engagement laïque du Serment de Vincennes du 19 juin 1960 qui n’est qu’une conséquence de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 mais qui n’est plus appliqué : les fonds publics à l’école publique, les fonds privés aux écoles privées et la nécessité de la défense de l’interdiction des signes religieux et politiques à l’école instituée par les trois circulaires de Jean Zay de 1936-37 que la loi du 15 mars 2004 n’a fait que remettre aux goût du jour suite à l’infamie de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1989 des sinistres Mitterrand-Rocard-Jospin. Même le Grand orient de France et le Collectif national Laïcité qu’il a impulsé ont oublié la défense du Serment de Vincennes dans leurs pourtant intéressantes Vingt-cinq propositions (3)http://www.godf.org/index.php/actualite/details/liens/position/nom/Prise-de-position/slug/25-propositions-pour-une-republique-laique-au-xxieme-siecle.
Voilà pourquoi nous persisterons dans notre action d’éducation populaire laïque et sociale visant à l’unité populaire sans laquelle aucune alternative au néolibéralisme ne sera possible, ne serait-ce que parce que la majorité des couches populaires ouvrières et employées n’adhère pas à l’identité nationale-chrétienne pas plus qu’à l’islamo-empathie. ReSPUBLICA et le Réseau Éducation Populaire (REP) continueront à répondre positivement, dans les 101 départements français, aux demandes d’intervention et à l’animation des stages de formation sur ce sujet si important.